Eröffnung ArtLab

Bern, 03.11.2016 - Rede von Bundesrat Alain Berset anlässlich der Eröffnung des ArtLab-Gebäudes der EPFL – Es gilt das gesprochene Wort.

Amis des ombres et des nombres,
Mesdames, Messieurs,

Quelques considérations arithmologiques, si vous le voulez bien, pour débuter.
Avec le bâtiment Artlab, désigné au départ sous l’appellation «Under one roof », nous célébrons un toit né sous le signe du 3.
Il abrite en effet 3 pavillons, composant une trinité musicale, muséale et scientifique. Sa largeur maximale est de 23 mètres.
Sa première pierre a officiellement été posée en février de l’année passée, le 23.
Et nous l’inaugurons aujourd’hui même, le 3 novembre.
Nous naviguons d’emblée au-delà des coïncidences. Mais cela n’est pas tout.

L’ouvrage a été réalisé sur la nouvelle place Cosandey, ainsi baptisée en hommage à Maurice Cosandey qui avait été nommé directeur de l’Ecole polytechnique de l’université de Lausanne, l’ancienne EPUL, en 1963.
C’était 2 x 3 ans avant qu’elle ne devienne EPFL, en 1969, un nombre qui, tout comme 1963, comprend une suite de 3 multiples de 3.

Cofinancé à moitié par la Confédération, le montant des travaux s’élèverait également, et cela ne surprendra déjà plus aucune personne présente dans cette salle, à un multiple de 3. Pour être exact, à un assez gros multiple de 3.

Rudi Nieveen, l’architecte et designer sous la direction duquel a été dessinée la nouvelle place, a lui aussi œuvré sous l’emprise du 3 : il a admis, sans vouloir s’en cacher, que « le Hortus a été décaissé de 30 cm par rapport au sol et le Green surélevé de 30 cm ». Evidemment, vous n’aurez pas manqué de le remarquer en arrivant sur le site.

Il faut encore souligner que le 1/3 du bâtiment accueille les archives du Festival de Jazz de Montreux constituées à la base, on peut le penser, de quelques 33 tours.

Double 3 que l’on retrouve dans la date de parution de l’ouvrage dont reconnaît s’être inspiré l’architecte japonais de l’ensemble, Kengo Kuma. C’est en effet en 1933 que son compatriote, le grand auteur Junichiro Tanizaki, a écrit Eloge de l’ombre.

Et donc, après le nombre, place à l’ombre.
Pour Junichiro Tanizaki, l’architecte japonais compose avec le clair et l’obscur, et les jeux d’ombre et de lumière confèrent à l’ouvrage la richesse des choses simples : « L’occidental (…) ne croit avoir affaire qu’à des murs gris dépourvus de tout ornement, interprétation parfaitement légitime de son point de vue, mais qui prouve qu’il n’a point percé l’énigme de l’ombre ».

Dans cette optique, le toit est structure fondamentale : « lorsque nous entreprenons la construction de nos demeures, avant toute chose nous déployons le toit, ainsi qu’un parasol qui détermine au sol un périmètre protégé du soleil, puis dans cette pénombre, nous disposons la maison. (…) Si le toit japonais est un parasol, l’occidental n’est rien de plus qu’un couvre-chef ».

C’est ainsi que doit se comprendre l’œuvre de chape réalisée par Kengo Kuma sur le site de l’EPFL. Une œuvre qui se réinvente au gré des lumières du jour et se fonde entièrement dans le paysage.
Et c’est tout particulièrement le cas ici : sa façade est transparente, comme tout étudiant avant un examen.

Procédant de la magie du nombre et de l’ombre, la réalisation du bâtiment ArtLab est un évènement culturel incité, une fois n’est pas coutume, par des gens de science.
Les scientifiques ici présents n’oseront pas me contredire si je qualifie ce projet d’alliage culturel.

L’ensemble est en soi, on l’a bien compris, une grande réussite architecturale. Il achève de faire de l’EPFL une destination mythique pour visiteurs en mal d’esthétique urbaine, ceux-ci déjà attirés par le Swiss Tech Convention center et le Rolex Learning center.

Ce dernier bâtiment est même entré dans la mythologie du 7e art, sous l’objectif des frères Larrieux, venus y tourner L’amour est un crime parfait en 2013. Ce qui ne fait jamais rien qu’un 3 de plus à relever dans ce dossier. A la pointe de l’architecture moderne, le site mériterait presque d’être jumelé avec Bilbao. Mais quittons la forme pour le fond.

Le projet inauguré ce jour met en relation trois univers :
 
a) espace Montreux Jazz

Celui de la musique, tout d’abord, et plus particulièrement du jazz.
Le nouvel espace créé va permettre d’accueillir les archives numérisées de notre plus grand festival de jazz, dont on vient de fêter la 50e édition au mois de juin.

C’est l’occasion de brièvement rappeler ce que le Festival de Jazz de Montreux signifie pour notre pays. Créé en 1967 par Claude Nobs, il a accueilli les plus grands noms du Jazz, les Keith Jarrett, Charles Lloyd, Herbie Hancock, Nina Simone, Ella Fitzgerald, ou bien sûr Miles Davis, dont la trompette aura soufflé sur le Léman avec la régularité des vents lacustres. En 50 ans, sous l’impulsion d’un génial enfant de Territet, Montreux est devenu capitale culturelle et rejoindra probablement un jour, dans l’inconscient collectif, la liste des villes qui, à l’instar de La Nouvelle-Orléans, Kansas City ou Chicago, ont écrit l’histoire du jazz.

Les archives du festival figurent déjà au Registre international de la mémoire du monde de l’Unesco et il fallait un temple digne de ce nom pour contenir tant d’images et de notes, celui-ci doté par ailleurs d’une salle de concert. Les habitants d’Evian ne mesurent pas encore la chance qu’ils ont de pouvoir maintenant entendre du jazz diffusé en stéréo depuis Montreux et Ecublens.

J’ai enfin noté que la partie du bâtiment allouée au Montreux Jazz dispose d’un centre de distribution de caféine pour étudiants fatigués, où est censé s’épanouir un autre genre d’art, celui de la convivialité.
 
b) espace fondation Gandur pour l’Art

Les Beaux-Arts sont présents dans le bâtiment inauguré aujourd’hui, puisque celui-ci servira d’écrin aux collections de la fondation Gandur pour l’Art, active depuis 2010 et sa création par l’entrepreneur et collectionneur Jean-Claude Gandur.

Il faut s’attendre à y découvrir des objets d’art archéologiques égyptiens, grecs ou romains, des peintures européennes de la période 1940-1960, ou encore des pièces, objets et meubles issus des arts décoratifs couvrant une période s’étalant du 12e au 18e siècle.

Ce sont là les 3 domaines de spécialité de la fondation, elle aussi en parfaite communion avec l’esprit numérologique du site.

Tous les objets seront exposés dans des conditions exceptionnelles, dues aux nouvelles technologies. A l’EPFL, ce qui a été côtoie ainsi ce qui sera, et le mélange des époques et des techniques achève de cimenter celui des genres et des disciplines.

 c) espace recherche EPFL

La nouvelle extension de l’EPFL sera encore la vitrine des travaux de recherches menés par son personnel, conçue sous la forme d’un Datasquare.
Nous entrons ici dans le monde de la science et de la recherche.

L’un des défis les plus ambitieux menés actuellement par l’Ecole est  sa participation au fameux programme européen « Human Brain Project », qui pourrait aboutir à la création d’un cerveau humain artificiel doté, on l’espère, d’une sensibilité vaudoise.
Environné de culture, comme il l’est désormais de toute part, ce cerveau en voie d’édification sera peut-être en mesure de penser avant même de savoir réfléchir. Il y aurait là matière à philosopher. Une chose en tout cas est sûre : du point de vue de l’esthétique, ce n’est pas faute de goût que de mettre un peu de matière grise dans un univers d’ombre et de lumière.

Mesdames, Messieurs,
Chers invités,

Il est temps de conclure et de mettre toutes ces réflexions sous toit.
En présentant au monde des réalisations ambitieuses comme celle inaugurée ce jour, la Suisse innove dans à peu près tous les domaines du savoir et de la culture.
Pour maintenir le niveau de sa formation, elle se doit d’élever celui de ses écoles fédérales et cela passe aussi par l’aménagement de constructions nouvelles susceptibles de générer une attention nouvelle partout dans le monde.

Qui veut attirer doit se faire séduisant, sans pour autant se renier : en affichant sa modernité, la Suisse des hautes écoles ne casse pas totalement son image traditionnelle. Bien au contraire : l’ensemble conçu par Kengo Kuma est fait de ce bois qui nous est cher, et qui rappelle que nous nous trouvons en territoire occupé par les descendants des Waldstätten.

Vu du ciel, l’esplanade de 250 mètres de long dessine en outre un trait d’union entre la meilleure jeune université au monde et le cercle des montagnes immémoriales qui l’entourent.

Tout ceci donne à penser que la modernité et l’innovation sont en fait solidement enracinées au plus profond de notre culture.
Ce n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard si, en japonais, « solide» se dit « kengo », comme l’architecte de ce très bel édifice.
 
Et comment ne pas terminer par quelques mots sur celui qui est à l’origine du spectaculaire développement qu’a connu le site de l’EPFL ces dernières années, et qui achèvera son quatrième mandat de président dans quelques semaines ? 

C’est peu dire qu’avec Patrick Aebischer, l’EPFL a parfaitement négocié son entrée dans le XXIe siècle. Sous son impulsion, elle n’a pas fait que grandir sur son propre site. Elle a participé à de très nombreux projets toujours à la pointe de la recherche, s’appliquant à trouver et entretenir des partenariats, qu’ils soient publics ou privés, partout en Suisse et dans le monde.

L’EPFL a ainsi pu accroître et consolider sa place dans le monde de la science et de la recherche, offrant une visibilité toujours plus grande à la Suisse, tout cela en s’aventurant dans les domaines les plus variés.

Patrick Aebischer laissera l’image d’une infatigable machine à produire des idées et à imposer ses visions. On trouve manifestement chez lui tous les signes de la double personnalité : celle du chercheur et celle de l’artiste. Cette dernière probablement héritée de son père, le peintre fribourgeois Yoki.

Il y a d’ailleurs un peu du canton de Fribourg dans le départ de Patrick Aebischer: comme pour combler le vide blanc laissé par son absence, la première exposition artistique prévue ici est en effet consacrée à Pierre Soulages, le peintre du noir.

Tout cela ne manquera pas de créer une variation supplémentaire dans les jeux d’ombre et de lumière, pensés ici comme jeux d’art et de science.

Je vous remercie de votre écoute.


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