Le Livre sur les Quais

Morges, 04.09.2015 - Rede von Bundesrat Alain Berset zur Eröffnung des Literaturfestivals «Le livre sur les Quais» in Morges – Es gilt das gesprochene Wort.

Nous célébrons ce soir la sixième édition du Livre sur les Quais. Cette très jeune manifestation fait déjà figure d'incontournable : les visiteurs s'y pressent et les livres s'y vendent, au prix cadeau d'une discussion privée avec l'auteur.

En 5 ans, ce ne sont pas moins de 160'000 visiteurs qui sont venus ici. Pour la littérature romande, c'est une formidable vitrine publicitaire.  On a parfois tendance à l'oublier : la région lémanique n'est pas que terre de vignes, elle est aussi terre de lettres. Nombreux sont les écrivains étrangers venus y trouver l'inspiration.

Les mauvaises langues diront que c'est plus une affaire de chiffres que de lettres, mais j'aime cette idée de l'auteur porté par la beauté du lieu où il écrit.

D'ailleurs, pour composer mon discours, j'ai tapissé mon bureau de photos du lac et de bateaux de la CGN. Je ne vous cache pas que l'inspiration a mis du temps à venir. Les horaires de la création sont moins fiables que ceux de la navigation.

Mais, des eaux bleues du Léman, j'ai fini par pêcher... une métaphore. Il m'est apparu que le paysage que l'on voit ces jours depuis le débarcadère de Morges n'est autre que celui de la littérature suisse : une étendue magnifique, ...mais limitée par les montagnes. Et alignés sur un kilomètre de quai, nos écrivains qui contemplent le lac... en rêvant à la mer.

Ce lac cerclé de montagnes, c'est le marché du livre en Suisse. Et si nos écrivains rêvent de la mer, c'est qu'ils caressent l'espoir de conquérir de plus grands espaces et, pourquoi pas, d'être publiés à l'étranger et vivre un jour de leur plume. L'exiguïté du marché du livre en Suisse, encore sous-cloisonné par nos langues nationales, fait que ses intervenants, auteurs, éditeurs ou libraires, sont trop souvent contraints
d'envisager leur métier sous l'angle de l'espoir et du rêve.

Or, nous devons absolument trouver ensemble des solutions pour que ces métiers n'engendrent pas qu'une admiration compatissante, mais également une rémunération viable. Autrement dit, que pouvons-nous faire pour notre littérature ?

Si je reprends la métaphore du lac encerclé de montagnes, on peut envisager trois solutions.

La première serait de raser les Alpes, pour qu'on voie la mer. C'est l'approche du poète vaudois, dite méthode Bühler. Par raser les Alpes, j'entends ici décloisonner entièrement notre marché du livre et le plonger dans une globalisation dont il y aurait tout lieu de craindre qu'il ne
survive pas. En abattant ces barrières naturelles, qui nous limitent autant qu'elles nous protègent, l'on ferait également disparaître la beauté du paysage littéraire suisse et son génie propre.

Je précise à toutes fins utiles, des fois qu'il y aurait dans le public des gens de sa famille, que dans sa chanson Rasez les Alpes, Michel Bülher faisait l'apologie de la liberté, mais aucunement d'un libéralisme effréné ! Ce serait trahir un monument de la poésie romande que de le laisser penser. Une deuxième solution serait de suivre le cours du Rhône pour contourner les montagnes et parvenir jusqu'à la mer. C'est l'approche de l'écrivain genevois, dite méthode Dicker, qui lui ne s'est pas contenté d'arriver à la mer mais a fait 6 fois le tour de tous les océans du monde.

Cette méthode consiste à quitter le pays pour aller tenter sa chance ailleurs. Elle implique pour ceux qui en font le choix qu'ils trempent leur plume dans l'encrier de l'international et abandonnent une partie de ce qui fait la spécificité d'un auteur suisse. Une troisième solution serait
enfin de se hisser sur la pointe des pieds pour voir la mer par-delà les montagnes. C'est l'approche du technicien bernois, dite méthode OFC. Il s'agit ici de concrétiser les rêves et les espoirs placés dans la littérature suisse par des mesures réalistes susceptibles de l'aider à s'élever.

C'est que nous avons fait avec notre Message culture. Entres autres mesures, nous avons récemment encouragé la création littéraire par des
offres faites aux jeunes talents. Nous avons accentué notre engagement dans le domaine de la traduction de nos œuvres. Nous avons soutenu la présence d'éditeurs dans les foires internationales du livre, comme à Moscou il y a deux ans ou à Leipzig l'année passée.

Nous avons enfin créé les Prix suisses de littérature. L'année dernière, le vaudois Philippe Jacottet s'est notamment vu récompensé, au moment d'ailleurs où il entrait de son vivant dans la Pléiade, soit peu avant le presque fribourgeois Jean d'Ormesson.

Ce qui prouve que les Vaudois savent parfois être rapides. Pour les cinq prochaines années, nous porterons nos efforts sur l'aide aux maisons d'édition et nous apporterons également notre soutien aux revues littéraires qui contribuent assez largement au dialogue et à la cohésion entre
les régions linguistiques. Nous continuerons par ailleurs à favoriser la traduction littéraire, sans doute la mieux à même d'abattre les cloisonnements linguistiques.

Toutes ces nouvelles mesures, nous pourrons les réaliser grâce au soutien du Parlement qui, vous le savez, vient de voter l'augmentation
substantielle du budget de la culture que nous préconisions et pour laquelle nous avons dû nous battre.

Si je reprends pour une dernière fois ma métaphore, je dirais que chaque franc est un millimètre de gagné qui nous aidera à finalement porter notre regard par-delà les Alpes.

Cette augmentation du budget de la culture, c'est aussi une reconnaissance chiffrée du travail de qualité que les intervenants de la culture accomplissent en Suisse, et tout particulièrement dans le domaine qui nous réunit ce jour, celui de la littérature.

Ce qui se fait ici à Morges est à cet égard tout simplement remarquable. Une simple rangée de tentes et de tables placées au bord du lac a su attirer les plus grands écrivains non seulement de Suisse, mais aussi du monde entier. Des romanciers russes, des auteurs de polar américains, des philosophes télégéniques français, des conteurs africains, des « Goncourisés », des « Bookerprizisés », tous sont venus rencontrer leur public. Leurs signatures, ils ne se sont pas contentés de les laisser dans leurs propres ouvrages, mais également dans les livres d'or des hôtels et des restaurants de toute la région, ce qui devrait faire réfléchir tous ceux qui pensent que la culture coûte, mais ne rapporte rien.

Bravo donc à la présidente et à tous les organisateurs de cette toute jeune mais déjà si expérimentée manifestation qui nous reçoit. Nous savons désormais que la littérature se divise en deux catégories : la littérature de gare et la littérature de quai. La seconde part de Morges et c'est celle qui nous fait voyager le plus loin.


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