Nano-tourbillon doté d’une propriété bien particulière

Villigen, 24.09.2020 - Dans certains matériaux magnétiques, il est possible de produire des nanostructures en forme de tourbillons qu’on appelle skyrmions. Des chercheurs du PSI viennent de réussir une première: générer des skyrmions antiferromagnétiques et démontrer leur existence. Leur particularité: certains composants décisifs qu’ils recèlent sont orientés en sens inverse les uns par rapport aux autres. Les chercheurs ont réussi à démontrer l’existence de ces skyrmions grâce à la diffusion de neutrons. Leur découverte représente une étape importante vers des applications potentielles, par exemple des ordinateurs plus performants. Les chercheurs publient aujourd’hui leurs résultats de recherche dans la revue spécialisée Nature.

Le fait qu'un matériau soit magnétique dépend de ce qu'on appelle les spins de ses atomes. Les spins sont comme de minuscules bâtonnets magnétiques. Dans un cristal où les atomes occupent une place fixe au sein d'un réseau, suivant le matériau et l'état, ces spins sont soit répartis de manière transversale, soit ordonnés de manière parallèle comme les lances d'une légion romaine.

Dans certaines circonstances, il est possible de générer de minuscules tourbillons dans le rang des spins: ce qu'on appelle des skyrmions. Si les chercheurs s'intéressent aux skyrmions, c'est parce que ces derniers pourraient jouer un rôle dans les technologies du futur, par exemple des ordinateurs plus performants. Ils pourraient être utilisés comme bits de stockage: un skyrmion pourrait être le 1 numérique et son absence le 0. Comme les skyrmions sont nettement plus petits que les bits des supports de stockage actuels, les données pourrait être compactées de manière plus serrée qu'aujourd'hui, et donc probablement être écrites et lues de manière plus rapide et plus efficace en termes énergétiques. Les skyrmions pourraient donc s'avérer utiles aussi bien pour le traitement classique des données que pour les ordinateurs quantiques.

En termes d'application, un autre point est intéressant également: dans certains matériaux, il est possible de générer et de contrôler des skyrmions en appliquant du courant. «Mais les skyrmions obtenus jusqu'ici restent difficiles à déplacer de manière ciblée de A à B, note Oksana Zaharko, responsable de groupe de recherche au PSI. Car leurs propriétés intrinsèques font qu'ils sont déviés des trajectoires rectilignes.»

Avec des chercheurs d'autres institutions, Oksana Zaharko et son équipe viennent de réussir à créer un nouveau type de skyrmions et à démontrer leur existence. Ces skyrmions ont une particularité: les spins décisifs qu'ils recèlent sont orientés en sens inverse les uns par rapport aux autres. C'est pour cette raison que les chercheurs disent donc que leurs skyrmions sont antiferromagnétiques.

Ligne droite allant de A à B

«Un grand avantage des skyrmions antiferromagnétiques réside dans le fait qu'il est beaucoup plus simple de les contrôler: si l'on applique un courant électrique, il se déplacent en ligne droite», souligne Oksana Zaharko. Il s'agit en effet d'un avantage important, car si les skyrmions devaient être utilisés, il serait important de pouvoir aussi les manipuler et les disposer de manière ciblée.

Les chercheurs ont réussi à produire le nouveaux skyrmions en fabriquant un cristal antiferromagnétique conçu sur mesure. «Le terme antiferromagnétique signifie que des spins voisins sont orientés dans des directions antiparallèles, explique Oksana Zaharko. Autrement dit, un spin pointe vers le haut et le suivant vers le bas. Nous avons donc aussi retrouvé par la suite dans les skyrmions individuels ce qui, au départ, était une propriété du matériau.»

Certaines étapes seront encore nécessaires jusqu'à ce que les skyrmions antiferromagnétiques soient mûrs pour une application technologique: les chercheurs du PSI ont dû refroidir leur cristal à -272°C et lui appliquer un très puissant champ magnétique de 3 tesla, ce qui correspond à environ 100 000 fois le champ magnétique terrestre.

La neutronique permet de mettre les skyrmions en évidence

Par ailleurs, les chercheurs n'ont pas encore produit de skyrmions antiferromagnétiques individuels. Car pour prouver l'existence des minuscules tourbillons, les chercheurs ont utilisé la source de neutrons SINQ au PSI. «À cette installation, nous ne pouvons recourir à la diffusion de neutrons pour rendre les skyrmions visibles que si nous en avons un très grand nombre disposés de manière régulière dans un matériau», explique Oksana Zaharko.

Mais la chimiste est optimiste: «D'après mon expérience, dès lors que nous avons réussi à produire des skyrmions ordonnés de manière régulière, quelqu'un réussira bientôt à faire de même avec des skyrmions individuels», assure-t-elle.

Dans la communauté scientifique, on part donc du principe que s'il s'avère possible de produire des skyrmions antiferromagnétiques individuels à température ambiante, une application devrait être à portée de main.

Texte: Institut Paul Scherrer/Laura Hennemann

 

À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 400 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage).

 

 

Publication originale

Fractional antiferromagnetic skyrmion lattice induced by anisotropic couplings
S. Gao, H.D. Rosales, F.A. Gómez Albarracín, V. Tsurkan, G. Kaur, T. Fennell, P. Steffens, M. Boehm, P. Čermák, A. Schneidewind, E. Ressouche, D.C. Cabra, C. Rüegg, O. Zaharko
Nature 23 septembre 2020 (en ligne)
DOI: https://dx.doi.org/10.1038/s41586-020-2716-8


Adresse pour l'envoi de questions

Dr. Mirjam van Daalen
Responsable de la communication
Paul Scherrer Institut
CH-5232 Villigen PSI
Téléphone: +41 56 310 56 74
mirjam.vandaalen@psi.ch



Auteur

Institut Paul Scherrer


https://www.admin.ch/content/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-80497.html