Radiographie neutronique d’aiguilles hypodermiques

Villigen, 28.05.2018 - Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI, de l’Université de Bâle et de la société F. Hoffmann-La Roche ont découvert pourquoi l’entreprosage frigrorifique des seringues préremplies contenant un principe actif joue un rôle décisif. Grâce à un procédé d’imagerie spécial, bien établi au PSI, ils ont réussi à montrer que le principe actif liquide pouvait passer par inadvertance du cylindre d’injection à la canule métallique lorsque la seringue était stockée à des températures trop élevées. Leurs résultats de recherche viennent d’être publiés dans la revue spécialisée European Journal of Pharmaceutics and Biopharmaceutics.

Les seringues préremplies sont des dispositifs courants qui permettent aux patients de s’auto-administrer un traitement médical à la maison. Elles contiennent déjà le principe actif liquide et doivent le plus souvent être entreposées au frais. En fonction de différents facteurs (perméablité à la vapeur du capuchon de protection de l’aiguille, variation de température et stockage à long terme), il peut arriver que l’aiguille hypodermique se bouche. Afin de mieux comprendre le phénomène et, à l’avenir, de minimiser ce risque, des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI, de l’Université de Bâle et de la société F. Hoffmann-La Roche ont examiné ensemble dans quelles conditions le principe acif liquide pouvait se retrouver par inadvertance dans l’aiguille hypodermique. Leurs résultats de recherche montrent que les conditions d’entreposage des seringues préremplies jouent un rôle décisif.

Des neutrons qui permettent de visualiser l’intérieur des aiguilles métalliques

Pour leurs analyses, les chercheurs ont recouru à un procédé d’imagerie neutronique qui, hormis au PSI, n’est disponible que dans quelques centrse de recherche dans le monde. «Les neutrons se prêtent parfaitement à répondre à ce genre de question, explique Christian Grünzweig, chercheur au PSI. Ils pénètrent en effet pratiquement sans entrave dans les aiguilles métalliques, mais sont déviés de leur trajectoire rectiligne par les atomes d’hydrogène, qui se trouvent dans l’eau, par exemple. L’hydrogène contenu dans le principe actif sert donc de contraste dans la radiographie neutronique. Si une partie de ce liquide pénètre dans l’aiguille hypodermique métallique, les neutrons nous permettent de le voir.»

Pour chaque image réalisée par radiographie neutronique, la mesure a pris un peu plus d’une minute. «Cela nous a permis de tester un nombre représentatif de seringues, 60 en tout», précise Christian Grünzweig.

Les chercheurs ont également réalisé un tomogramme, c’est-à-dire un cliché en 3D de l’une des seringues bouchées. Pour ce faire, ils ont effectué un grand nombre de radiographies neutroniques de la même seringue sous différents angles avant de procéder à un assemblage numérique à l’ordinateur. L’introduction des données tomographiques a pris 20 heures. Le cliché obtenu permet de bien voir les fissures qui se propagent à travers le matériau à l’intérieur de l’aiguille. «Le fait que ces fissures soient obliques et dentelées n’autorise qu’une seule interprétation: le bouchon dans l’aiguille est solide, conclut David Mannes. Autrement dit, dans le cas présent, la part liquide s’est évaporée et le principe actif s’est cristallisé.»

Le rôle décisif des conditions d’entreposage des seringues préremplies

Les résultats des chercheurs montrent clairement qu’un entreposage frigorifique est décisif si l’on veut empêcher que le liquide ne se retrouve par inadvertance dans l’aiguille hypodermique. les chercheurs ont entreposé la moitié des 60 seringues préremplies de manière adéquate durant dix jours à une température de 5ºC, et l’autre durant 72 heures à une température de 40ºC. Dans aucune des 30 seringues entreposées au frais, les radiographies neutroniques n’ont indiqué la présence de substance médicinale à l’intérieur de l’aiguille. En revanche, les clichés de 28 des 30 seringues entreposées dans un endroit chaud montraient clairement que le liquide médicinal avait complètement ou partiellement envahi l’aiguille.

Le processus qui fait que les aiguilles se bouchent est le suivant: si les conditions de stockage sont inadéquates, une petite part du princpe actif liquide migre dans la canule, dont le diamètre atteint seulement 0,2 millimètres et qui, au départ, est remplie d’air. «La part liquide du principe actif aqueux peut alors s’évaporer lentement à travers le capuchon protecteur de l’aiguille, lorsque le matériau de ce dernier présente une importante perméablité à la vapeur, explique Thomas Jung, chercheur au PSI et à l’Université de Bâle. Les substances qui au départ étaient dissoutes dans le liquide se déposent alors et forment un bouchon solide.»

Une fois de plus, cette étude a montré à quel point l’imagerie neutronique est une méthode performante. Dans le cas présent, cette technologie a permis de mieux comprendre pourquoi les aiguilles hypodermiques se bouchaient. Elle contribue ainsi aux développements futurs des seringues préremplies et à leur fiabilité de l’utilisation comme voie d’administration de médicaments.

Texte: Institut Paul Scherrer/Laura Hennemann

 

A propos du PSI

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Publications originales

 

Clogging in staked-in needle pre-filled syringes (SIN-PFS): Influence of water vapor transmission through the needle shield
M. De Bardi, R. Müller, C. Grünzweig, D. Mannes, M. Rigollet, F. Bamberg, T.A. Jung, K. Yang,
European Journal of Pharmaceutics and Biopharmaceutics, Ausgabe 127, Juni 2018, Seiten 104-111
DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.ejpb.2018.02.016

On the needle clogging of staked-in-needle pre-filled syringes: Mechanism of liquid entering the needle and solidification process
M. De Bardi, R. Müller, C. Grünzweig, D. Mannes, P. Boillat, M. Rigollet, F. Bamberg, T.A. Jung, K. Yanga,
European Journal of Pharmaceutics and Biopharmaceutics, Ausgabe 128, Juli 2018, Seiten 272-281
DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.ejpb.2018.05.006

 


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Institut Paul Scherrer


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