Inauguration: technologie de pointe contre le cancer

Villigen, 14.05.2018 - Une nouvelle unité de de protonthérapie a été inaugurée à l’Institut Paul Scherrer PSI le 14 mai 2018. L’Institut Paul Scherrer PSI offre la possibilité d’irradier certaines tumeurs avec des protons (particules chargées positivement), et ce avec une précision de l’ordre du millimètre. En Suisse, cette méthode particulièrement précise qui ménage les tissus sains environnants n’est disponible qu’au PSI, où 8000 patients ont déjà été irradiés avec succès. Dans le cadre d’un projet commun avec l’Hôpital universitaire de Zurich et l’Université de Zurich, le PSI a à présent élargi ses capacités avec une nouvelle unité de traitement de 270 tonnes baptisé Gantry 3.

Au terme de quatre ans de planification et de construction, puis d'une année de phase de test, la station d'irradiation la plus moderne du Centre de protonthérapie (CPT) de l'Institut Paul Scherrer PSI - la Gantry 3 - ouvre enfin ses portes. Avec un poids total de 270 tonnes et un diamètre de 10,5 mètres, la Gantry 3 est le plus grand appareil jamais installé au CPT. Les collaborateurs estiment que son utilisation devrait permettre de raccourcir les délais d'attente pour les patients cancéreux. Comme le relève Damien Weber, médecin-chef et directeur du Centre de protonthérapie au PSI: «La protonthérapie est extrêmement efficace. Avec la Gantry 3, nous avons plus de capacités, ce qui nous permet de l'offrir à davantage de patients. Ce sont surtout les enfants pour qui la radiothérapie conventionnelle est trop risquée qui en profiteront. Avec la protonthérapie, nous irradions de manière plus précise, tout en ménageant mieux les tissus sains qui environnent la tumeur.»

Ces grandes espérances par rapport à la nouvelle unité de traitement, Matthias Guckenberger les partage également. Radiooncologue à l'Hôpital universitaire de Zurich, il collabore étroitement avec le CPT: «La moitié des patients que nous adressons à l'Institut Paul Scherrer sont des enfants, rappelle-t-il. La Gantry 3 permet de traiter par protonthérapie tous les patients qui entrent en ligne de compte dans un délai convenable. Parallèlement, ce projet commun va également renforcer encore un peu plus la collaboration entre le PSI et l'Hôpital universitaire de Zurich. La protonthérapie est un traitement hautement spécialisé qui a sa place dans des centres spécialisés et des structures médicales universitaires.»


Des années d'expérience qui font avancer le traitement du cancer

Dans le domaine de la protonthérapie, l'Institut Paul Scherrer a des années d'expertise et a été en mesure d'aider déjà plus de 8000 patients cancéreux. Plus de 500 d'entre eux étaient des enfants. Il y a plusieurs années déjà, des chercheurs du PSI ont révolutionné la protonthérapie avec des avancées pionnières comme le développement d'une nouvelle technique d'irradiation, appelée technique Spot Scanning. C'est ce procédé qui a rendu la protonthérapie si précise et si peu risquée, si bien qu'entre-temps, les médecins recourent aux faisceaux de protons pour traiter des patients cancéreux dans un nombre croissant de pays.

Car la technique Spot Scanning permet même de traiter certaines tumeurs situées soit dans des zones entourées de structures critiques. A l'instar, par exemple, de certaines tumeurs cérébrales, de tumeurs de la sphère ORL, de tumeurs situées près de la moelle épinière ou encore de certains types de tumeurs des tissus conjonctifs et des os. «Des patients qui auraient été considérés comme incurables il y a 20 ans ont enfin des chances de survie avec la protonthérapie, souligne Damien Weber. Nous en sommes très heureux et les nombreux patients guéris rien qu'au PSI montrent que durant toutes ces années, notre recherche poussée est allée dans la bonne direction.»


Un travail d'équipe pour chaque patient

La bonne collaboration et les échanges étroits entre le PSI et l'Université de Zurich, mais aussi avec tous les hôpitaux universitaires de Suisse et d'autres cliniques spécialisées comme à Aarau, Lucerne et Saint-Gall, ont contribué de manière décisive à ce succès, estime encore Damien Weber. Un plan de traitement est élaboré sur mesure pour chaque patient cancéreux. En plus de la protonthérapie, il peut aussi inclure d'autres formes de traitements, comme des interventions chirurgicales ou une chimiothérapie.  

Lorsqu'on parle de protonthérapie avec technique Spot Scanning, cela signifie qu'un faisceau de protons est envoyé sur une tumeur et balaie cette dernière de l'arrière vers l'avant, couche après couche, niveau après niveau, jusqu'à ce que la totalité de son volume ait été atteinte. Certains cancers qui entourent des structures sensibles de l'organisme comme le nerf optique ont une forme très irrégulière. «Si l'on traitait ces tumeurs avec une radiothérapie conventionnelle, il faudrait irradier une zone beaucoup plus étendue pour les atteindre vraiment dans leur totalité», explique Damien Weber. C'est justement dans ces cas de tumeurs complexes que la protonthérapie peut faire valoir son atout bien particulier: car pour réussir à déterminer à quelle profondeur du corps la particule chargée positivement devra déployer son effet maximal, il faut un faisceau de protons. Certes, les protons traversent d'autres tissus pour arriver jusque-là, mais  la probabilité qu'ils leur infligent des dégâts est très peu élevée. Quant aux tissus situés derrière la tumeur, ils restent indemnes. Il y a ainsi moins d'effets indésirables avec l'irradiation par protons qu'avec les radiothérapies conventionnelles.


Colosse d'acier pour travail de précision

Si l'on veut que le faisceau de protons atteigne la tumeur avec une précision de l'ordre du millimètre, il faut disposer d'une technologie lourde de grande taille. Quand il entre dans la salle de traitement, le patient ne remarque pas grand-chose de ce dispositif. Il ne voit que la table sur laquelle il s'allongera et derrière une paroi revêtue de blanc, dont le design évoque une roue surdimensionnée. C'est derrière elle que se dissimule la Gantry proprement dite. La tête de radiation, d'où jaillit le faisceau de protons, est encastrée dans un coffre au-dessus de la table qui accueille le patient. De sa source à l'accélérateur de particules jusqu'à la tête de radiation, ce faisceau parcourt un trajet de 50 mètres à l'abri d'épaisses parois de béton. C'est seulement sur les derniers mètres qu'il passe par la Gantry.

«Une Gantry est un guidage de faisceau monté sur un corps rotatif, résume Alexander Koschik, physicien et chef de projet de la Gantry 3. Pour l'essentiel, elle est composée d'un tube sous vide à l'intérieur duquel le faisceau de protons est guidé sur les derniers mètres avant la tête de radiation. La Gantry 3 peut pivoter de 180 degrés à droite et à gauche. Cela permet de pointer la tête de radiation et le faisceau de protons qui en jaillit sur la tumeur, et ce de tous les côtés.» Neuf aimants principaux situés autour du tube à vide à l'intérieur de la Gantry dirigent les protons jusqu'au patient, sous forme de faisceau avec une précision de l'ordre du millimètre. Hormis le corps rotatif, le poids de la Gantry est dû à ces aimants. Pour une irradiation, ce sont 220 tonnes - soit plus que le poids d'une baleine bleue - qui doivent être pivotées, et ce avec une précision de concentricité de 50 micromètres. La tâche est exécutée par deux moteurs d'une puissance de 10 CV seulement.


En étroite collaboration avec des entreprises suisses

Ce nouvel appareil bat plusieurs records d'un coup au CPT. Il s'agit de la plus grande des trois Gantry, mais aussi de celle qui a été installée le plus rapidement. «Construire une une unité de traitement comme cette Gantry a représenté un gros défi, souligne Damien Weber. Si nous y sommes parvenus, c'est uniquement grâce à l'excellente collaboration avec nos partenaires suisses de l'industrie et au soutien de différents départements spécialisés du PSI. Grâce à notre effort commun, nous avons réussi à installer ici de la technologie de pointe pour les malades du cancer.» Le premier patient devrait être irradié en juin à la Gantry 3. 

Pour le PSI, la Gantry 3 est la première installation d'irradiation à avoir été construite en commun avec un prestataire commercial, l'entreprise Varian Medical Systems de Cham. «Nous avons réuni deux univers différents dans la Gantry, explique Damien Weber. Celui des partenaires industriels avec leur savoir-faire et celui du PSI avec ses années d'expérience dans la recherche fondamentale et le développement de solutions innovantes pour la protonthérapie. L'effet didactique a joué de part et d'autre.» Le plus grand défi durant ce processus a résidé dans la nécessité d'adapter la Gantry 3 à l'accélérateur de particules du CPT et aux systèmes de contrôle et de sécurité du PSI. «Les deux systèmes travaillent de manière très différente, surtout dans le domaine logiciel, souligne Alexander Koschik. C'est comme s'ils parlaient deux langues différentes et ne se pouvaient pas se comprendre.» Pour surmonter cette «barrière linguistique» et relier les deux systèmes, des chercheurs du PSI et des collaborateurs de Varian ont développé des interfaces spéciales au terme de plusieurs années de travail. Ces interfaces fonctionnent de manière absolument fiable et contrôlent par exemple les systèmes de sécurité à plusieurs paliers le long de la ligne de faisceau. A présent, les partenaires de l'industrie profitent eux aussi des connaissances liées à cette technologie.   

La station d'irradiation Gantry 3 a été financée par le fonds de loterie du canton de Zurich et les propres fonds du PSI. Le budget total s'élevait à 25 millions de francs suisses.

Texte: Sabine Goldhahn

 

À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 380 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). La publication 5232 - Le magazine de l'Institut Paul Scherrer vous donne un aperçu de la recherche passionnante du PSI avec des points focaux changeants trois fois par an.


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Institut Paul Scherrer


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