Toujours pas de trace de matière noire

Villigen, 15.11.2017 - Des mesures menées à l’Institut Paul Scherrer PSI restreignent encore un peu plus le champ des théories sur la nature de la matière noire Les experts s’accordent largement sur le fait qu’une grande partie de la masse de l’univers est composée de ce qu’on appelle de la matière noire. Mais la nature de cette dernière reste complètement inconnue à ce jour. Il se pourrait qu’elle soit faite de particules élémentaires hypothétiques appelées axions. Si ces dernières existaient vraiment, l’une des installations de recherche de l’Institut Paul Scherrer PSI, la source de neutrons ultra-froids (UCN), pourrait permettre de les détecter. Une équipe internationale de chercheurs vient d’analyser des résultats de mesures recueillies au PSI et des données obtenues à la source de neutrons de l’ILL à Grenoble. Leurs travaux ont abouti à un résultat important: aucune interaction avec des axions n’a été observée. Ces mesures améliorent d’un facteur 1000 la précision des résultats obtenus jusqu’ici à partir d’observations astrophysiques et démontrent que les axions tels qu’on aurait pu les observer dans cette expérience n’existent pas. Ce résultat ne permet pas d’exclure complètement l’existence d’axions, mais restreint maintenant clairement la marge des propriétés que ces particules seraient susceptibles de présenter. Les expériences apportent donc une contribution importante à la recherche de matière noire. Les chercheurs rapportent leurs résultats dans la revue spécialisée en ligne Physical Review X.

De par leur force gravitationnelle, les étoiles et les galaxies de l'univers influencent mutuellement leurs mouvements. Mais les forces des corps célestes visibles ne suffisent pas, et de loin, à expliquer les mouvements des galaxies. De fait, les chercheurs postulent l'existence d'une «matière noire», qui constituerait une grande partie de la matière de l'univers. Mais on ignore encore complètement de quoi cette matière noire est faite. Une chose est sûre: elle n'est pas faite des mêmes particules que celles qui nous constituent nous, et qui constituent aussi les étoiles et la Terre. En même temps, si l'on veut expliquer les processus que nous observons dans l'univers, il faut que la masse de la matière noire soit environ cinq fois plus importante que celle de la matière que nous connaissons. Les chercheurs ont développé de nombreux modèles théoriques sur la nature de cette fameuse matière noire. Une piste prometteuse a été avancée: la matière noire serait composée d'axions. Ces particules hypothétiques ont été postulées pour expliquer certains phénomènes qui restent incompris dans le domaine de la physique des particules.

Détecter la matière noire au PSI   

Si les axions existaient vraiment, il devrait être possible de les détecter dans certaines conditions sur l‘une des installations de recherche de l'Institut Paul Scherrer PSI, la source de neutrons ultra-froids (UCN). Sur cette installation, des chercheurs de sept pays, réunis dans le cadre d'une collaboration de recherche internationale, s‘intéressent prioritairement aux propriétés du neutron. Ils cherchent notamment à déterminer le moment dipolaire électrique de cette particule. Car le neutron a beau ne pas avoir de charge électrique, il pourrait avoir un moment dipolaire électrique. Un cas de figure dans lequel la distribution des charges positives et négatives situées à l'intérieur du neutron seraient légèrement décalés. L'existence d'un tel moment dipolaire électrique est liée à de nombreuses interrogations auxquelles la physique moderne fait face aujourd'hui, comme la question de savoir pourquoi il y a plus de matière que d'antimatière dans l'univers.

Mais l'existence des axions pourrait aussi apparaître dans les données dédiées originellement à l'étude des propriétés fondamentales du neutron. «Pour ce faire, nous avons examiné un autre aspect dans ces données, explique Klaus Kirch, directeur du Laboratoire de physique des particules au PSI et professeur à l'ETH Zurich. Dans notre expérience, chaque mesure du moment dipolaire dure environ cinq minutes. Pour obtenir un bon résultat du moment dipolaire statique du neutron, nous répétons cette mesure à de nombreuses reprises et nous déterminons la valeur moyenne sur une longue période. Pour chercher les axions, en revanche, nous examinons si, avec le temps, les résultats de mesure varient avec une fréquence fixe. Une oscillation de ce type constituerait en effet l'indice d'une interaction des neutrons avec les particules hypothétiques.

La possibilité de détecter les axions de manière indirecte viendrait du fait qu'ils n'interagissent pas uniquement par l'entremise de la gravitation avec une autre matière; ils pourraient par exemple se coupler aux gluons, ces «particules de colle» qui assurent pour ainsi dire la cohésion de l'intérieur du neutron. Il se pourrait que la rencontre avec un axion génère un moment dipolaire électrique. Pour dire les choses simplement, les axions modifieraient la forme du neutron et par conséquent la répartition de la charge électrique à l'intérieur de ce dernier.

Découverte importante: jusqu'ici, aucune trace d'axions

Jusqu'ici, aucune oscillation de ce genre n'a pu être mise en évidence dans les données de mesures de l'expérience au PSI, ni dans celles d'une expérience précédente menée à la source de neutrons de l'ILL à Grenoble, et qui ont été réanalysées elles aussi dans le cadre de ce projet. Ces deux expériences sont les premières où des chercheurs ont étudié directement en laboratoire le couplage d'axions à des gluons. A ce jour, les connaissances disponibles sur ces couplages n'avaient pu être obtenues que de manière indirecte à partir d'observations astrophysiques et de modèles cosmologiques. Les nouvelles mesures en laboratoire améliorent d'un facteur 1000 la précision de ces anciens résultats et font que l'on peut exclure de manière sûre l'existence d'axions présentant certaines propriétés. «Ces résultats réfutent des modèles physiques qui postulaient l'existence d'axions dotés de ces propriétés particulières, relève Klaus Kirch. Ils permettent de restreindre la diversité des particules candidates pour la matière noire.»

Il y a essentiellement deux raisons au fait que l'expérience ne recense pas tous les types d'axions. Pour que l'oscillation se manifeste dans les données de mesures, il faut que les axions interagissent de manière suffisamment forte avec les neutrons. Par ailleurs, il ne faut pas que leur masse soit trop importante, car une trop grande masse entraînerait une fréquence d'oscillation trop élevée pour être observée lors des mesures menées jusqu'ici sur des laps de temps de cinq minutes.

Texte: Institut Paul Scherrer/Paul Piwnicki

 

À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 380 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage).

 

Publication originale
Search for axion-like dark matter through nuclear spin precession in electric and magnetic fields
C. Abel, N. J. Ayres, G. Ban, et al.
Physical Review X 7, 14 November 2017
DOI: http://dx.doi.org/10.1103/PhysRevX.7.041034 

 


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Auteur

Institut Paul Scherrer


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