Franchir le pas de chercheur à entrepreneur

Villigen, 08.11.2017 - Avec son nouveau Founder Fellowship, l’Institut Paul Scherrer PSI donne la possibilité à de jeunes chercheurs de devenir entrepreneurs. Les lauréats doivent démontrer en 18 mois le potentiel de commercialisation de leur idée et élaborer un premier business plan. La remise officielle de ce subside a eu lieu aujourd’hui. Les trois premiers lauréats travaillent à l’élaboration de différentes nouveautés: une technologie dans le domaine des médicaments, une technologie à l’échelle nano dans le domaine énergétique et un détecteur de neutrons. L’UBS soutient cette initiative par une contribution aux subsides.

La voie qui mène d'un résultat de recherche prometteur à un produit innovant commercialisable est longue et semée d'embûches. Elle s'apparente parfois à une traversée du désert, lors de laquelle beaucoup de bonnes idées meurent prématurément. C'est la raison pour laquelle l'Institut Paul Scherrer a mis en place un subside de 18 mois qui soutient de jeunes chercheurs et ingénieurs du PSI lors des premiers pas de leur carrière d'entrepreneur, aussi bien au niveau financier que par du coaching et du conseil. «Nous voulons encourager l'esprit et la culture d'entreprise au PSI, explique John Millard du bureau de transfert de technologie. Le Founder Fellowship nous donne la possibilité de soutenir des chercheurs de talents pour qu'ils continuent à développer leurs idées commerciales prometteuses et puissent fonder une spin-off.»

Le Founder Fellowship est doté de 150 000 francs par lauréat. Ce montant permet à chaque gagnant de couvrir les coûts salariaux, matériels et autres. Pendant 18 mois, les fellows bénéficient d'un accès complet aux installations de recherche du PSI. Mais au terme de cette période, ils doivent quitter l'Institut Paul Scherrer. «Nous voulons tirer clairement un trait, explique John Millard. A la fin du Fellowship, il n'est pas nécessaire de disposer d'un produit fini ni d'un prototype, mais il faut qu'on sache si la technologie est commercialisable ou non.» La prochaine étape pour les chercheurs consistera à se mettre en quête d'investisseurs pour créer une spin-off.

En janvier, le PSI a invité ses chercheurs à déposer leur candidature pour un Founder Fellowship. Un jury d'experts externes a sélectionné les trois lauréats de la première édition, qui se sont vu remettre aujourd'hui leur certificat de fellowship lors d'une cérémonie. Convaincue du bien-fondé de la mesure, l'UBS a apporté une contribution aux subsides. «Prendre la mesure du niveau intellectuel des idées commerciales qui sont développées ici, au PSI dans les domaines high tech, c'est quelque chose de vraiment impressionnant, relève Thomas Sommerhalder, directeur régional Argovie/Soleure de l'UBS. Pour nous, il est central de soutenir le développement de start-ups dans notre région, afin de renforcer durablement l'économie et la force d'innovation du canton.»

L'année prochaine, un nouveau Founder Fellowship sera mis au concours. «Notre objectif est d'établir solidement le Founder Fellowship au PSI comme instrument d'encouragement pour les futurs entrepreneurs», déclare John Millard.

Texte: Joel Bedetti

Contact

John Paul Millard
Transfert de technologie
Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 41 83, e-mail: john.millard@psi.ch

 

Les trois lauréats et leurs projets:

Un nouveau biorobot

Philipp Spycher veut utiliser une nouvelle méthode de modification des anticorps pour développer des médicaments plus stables avec moins d'effets secondaires.

On raconte que c'est en recevant une pomme sur la tête qu'Isaac Newton a eu son «Eurêka» Von. Philipp Spycher, lui a eu son illumination lors d'une nuit d'insomnie dans une chambre d'hôtel à Key West, en août 2015, alors qu'il avait besoin de mouvement. Il était postdoc en radiopharmacie à l'Institut Paul Scherrer PSI, à l'époque, et la question qui l'occupait était de savoir comment coupler plus efficacement principes actifs et anticorps. Car lorsqu'un principe actif est couplé à un anticorps, il atteint de manière ciblée les cellules malades dans l'organisme et peut déployer son effet au bon endroit. La méthode conventionnelle consiste à accrocher chimiquement le principe actif à l'anticorps. Elle produit un composé inhomogène où, chaque fois, le principe actif est couplé à d'autres endroits de l'anticorps. Le composé est difficile à analyser et peut déclencher des effets indésirables sévères. Philipp Spycher a eu l'idée d'améliorer une autre approche, qui consiste à se servir d'enzymes pour faire adhérer le principe actif directement à l'endroit optimal, de manière précise et sans que cela nécessite une complexité démesurée. Sa méthode permet de produire plus vite et à moindres coûts ce qu'on appelle des anticorps conjugués (ADC, antibody drug conjuguate). Les médicaments fabriqués de la sorte sont aussi mieux tolérés et plus efficaces.

Philipp Spycher a aujourd'hui 34 ans. Son instinct de découverte, il l'a depuis de l'enfance. Adolescent, il lisait des magazines scientifiques comme Bild der Wissenschaft et Spektrum der Wissenschaft. Ces lectures lui ont fait découvrir une révolution qui était alors en cours dans le domaine des sciences de la vie: la nanotechnologie, qui promettait de rendre la nature utilisable avec une précision inconnue jusque-là. Une idée, notamment, le fascinait tout particulièrement: celle de nanorobots capables de détruire les cellules cancéreuses. «Le cancer fait partie de l'histoire de ma famille», explique Philipp Spycher. Sa grand-mère et son oncle en sont morts. Sa maturité en poche, il a donc fait des études en nanosciences à Bâle et en génie biomédical à l'ETH Zurich. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, il s'est penché sur l'utilisation d'enzymes pour modifier les molécules destinées aux études cellulaires. Avant d'opter pour un poste de postdoc au Centre des sciences radiopharmaceutiques au PSI, afin d'approfondir cette recherche. «Sans ces infrastructure de premier ordre, le soutien de mon groupe et la liberté dont j'ai bénéficié, je n'aurais jamais pu réaliser mes idées de cette manière», souligne Philipp Spycher. Au printemps 2017, il a testé l'idée qu'il avait eue à Key West et été surpris de constater que sa démarche fonctionnait pour tous les anticorps connus et une multitude de principes actifs.

En juin dernier, Philipp Spycher a présenté son idée avec succès au jury du Founder Fellowship du PSI. Au cours de 18 prochains mois, il devra fournir un «proof of concept», autrement dit la preuve que son idée testée dans l'environnement artificiel du laboratoire présente aussi l'efficacité désirée en conditions réelles. Philippe Spycher est convaincu de sa nouvelle méthode et son objectif est de fonder bientôt une start-up qui couplera plus efficacement et à prix plus avantageux des principes actifs et des anticorps pour les firmes pharmaceutiques, mais qui développera aussi ses propres médicaments. «D'une certaine manière, j'ai fini par construire un nanorobot, analyse Philipp Spycher. Evidemment, ce n'est pas un robot tel que je l'imaginais quand j'avais 14 ans, mais une espèce de biorobot capable de combattre le cancer.»

Texte: Joel Bedetti

Contact

Dr Philipp Spycher
Goupe Pharmacologie
Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 45 98, e-mail: philipp.spycher@psi.ch

 

Plus qu'un prototype

Jean-Baptiste Mosset veut commercialiser un détecteur de neutrons qui permette de déceler la présence de plutonium et d'uranium.

A l'issue de ses études de physique à l'école polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), Jean-Baptiste Mosset entreprit une formation pédagogique pour devenir enseignant au degré secondaire. Bien que couronnée de succès et enrichissante, cette année de formation continue lui révéla également que ses centres d'intérêts se situaient d'avantage du côté de la recherche que du côté de l'enseignement. Après avoir travaillé durant 15 ans en tant que chercheur, Jean-Baptiste Mosset est de nouveau à la croisée des chemins et il ose franchir le pas pour devenir entrepreneur. «Durant toute ma carrière scientifique, j'ai construit des prototypes», explique-t-il. «Aujourd'hui, je veux développer un produit qui puisse être fabriqué à l'échelle industrielle.»

Son premier prototype? Un tomographe par émission de positrons (TEP) utilisé en biologie et en pharmacologie, par exemple, pour suivre le mouvement d'anticorps chez des souris de laboratoire. Le développement d'un détecteur de rayons gamma pour ce système fut l'un des volets du travail de doctorat de Jean-Baptiste Mosset. Par la suite, il a réalisé un postdoc à l'EPFL durant lequel il a travaillé au développement d'un calorimètre électromagnétique, au sein d'une équipe de recherche. Suspendu à un ballon sonde, ce dernier devait permettre de mesurer la distribution énergétique du rayonnement cosmique. Mais le projet a été stoppé avant que l'instrument ne soit terminé. Jean-Baptiste Mosset a alors trouvé un travail au Laboratoire de Physique des Particules au PSI. «J'ai eu beaucoup de chance», dit-il. «Pour moi, c'était le poste parfait.» Le laboratoire a développé un détecteur de neutrons susceptible d'être utilisé, par exemple, pour détecter des neutrons lors d'analyses de matériaux à la source de neutrons SINQ du PSI. Sa particularité: il est capable de détecter des neutrons sans recourir à l'hélium 3, un gaz coûteux utilisé jusque-là dans les détecteurs de neutrons. Jean-Baptiste Mosset et ses collègues de recherche ont remplacé l'hélium 3 par une technologie meilleure marché, basée sur un scintillateur composite constitué de grains scintillants de sulfure de zinc et de fluorure de lithium enrichi en 6Li, et sur des fibres optiques. Avec leur solution, ils ont obtenu des performances tout aussi bonnes qu'avec l'hélium 3.

En janvier 2016, Jean-Baptiste Mosset a parlé de son détecteur à scintillation à l'un de ses collègues de la division Energie Nucléaire et Sûreté du PSI, qui analyse entre autres les barres de combustible des centrales nucléaires suisses. Celui-ci lui a demandé si ce détecteur pourrait être utilisé pour détecter les neutrons rapides, comme ceux émis par certains matériaux radioactifs. Jean-Baptiste Mosset a alors construit un petit prototype qu'il a réussi à adapter pour cette utilisation. Mais hormis les instituts de recherches, existe-t-il un marché pour ce type de détecteur? Jean-Baptiste Mosset a réalisé que dans les années qui avaient suivi les attentats du 11 septembre 2001, quelque 12000 détecteurs de neutrons avaient été installés dans des ports de commerces, à des points de passage de frontières et dans des aéroports du monde entier afin d'empêcher des attentats terroristes au plutonium. Or la nouvelle technologie de Jean-Baptiste Mosset permettrait de mettre au point des détecteurs de neutrons meilleurs marché et plus efficaces. Au cours des 18 prochains mois, Jean-Baptiste Mosset entend continuer à développer son prototype et déterminer si une demande pour cette technologie existe dans l'industrie.

Texte: Joel Bedetti

Contact

Dr Jean-Baptiste Mosset
Groupe Sciences des matériaux et simulation
Institut Paul Scherrer , 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 36 25, e-mail: jean-baptiste.mosset@psi.ch

 

Des nanoaimants pour produire du courant électrique

Oles Sendetskyi veut utiliser l'inversion de polarité de certains nanoaimants pour développer une source durable de courant électrique pour petits appareils.

La spécialité d'Oles Sendetskyi, ce sont de minuscules aimants qui mesurent moins d'un millième de la largeur d'un cheveu. Mais les ambitions de cet Ukrainien de 27 ans, elles, sont toutes sauf minuscules. «Aujourd'hui, bon nombre de méthodes utilisées pour obtenir du courant électrique durable sont inefficaces ou trop onéreuses, explique-t-il. Je veux contribuer à changer cette donne.» L'objectif de ce lauréat du Founder Fellowship de l'Institut Paul Scherrer PSI est donc le suivant: poser les fondements d'une production d'électricité basée sur des nanoaimants.

Oles Sendetskyi a obtenu un bachelor en physique à l'Université de Kiev et effectué son master sur différents sites, dans le cadre du programme «Erasmus Mundus» de l'UE pour étudiants extra-européens : à Rennes, à Munich, à Grenoble et à Villigen, où il a été stagiaire au Laboratoire de diffusion neutronique au PSI. Une fois ses études terminées, il est revenu au PSI pour sa thèse de doctorat, car les nombreuses grandes installations de recherche de l'institut l'avaient impressionné. Oles Sendetskyi a étudié le comportement des nanoaimants qui inversent spontanément leur polarité, autrement dit qui changent spontanément de direction de magnétisation. Cet effet empêche notamment la miniaturisation des disques durs. Oles Sendetskyi s'est demandé si l'on pouvait aussi l'exploiter de manière positive pour produire du courant électrique. Au terme de quelques recherches, il a constaté que jusque-là, personne n'avait envisagé cette possibilité. «Quand j'étais étudiant, j'avais le sentiment qu'il était pratiquement impossible de découvrir quelque chose de nouveau, raconte Oles Sendetskyi. Mais il y aura toujours des choses auxquelles personne n'avait songé auparavant.»

En janvier, Oles Sendetskyi s'est rendu à une séance d'information sur le Founder Fellowship. À cette occasion, Christian Brönnimann, CEO de l'entreprise Dectris (une spin-off du PSI qui développe depuis 2006 des caméras à rayons X), a raconté comment il avait fondé son entreprise. Le succès de Dectris a achevé de convaincre Oles Sendetskyi d'essayer de devenir entrepreneur, lui aussi. Son objectif, au cours des 18 prochains mois, est de construire un prototype constitué de millions de nanoaimants. Par le biais de l'inversion de polarité spontanée ou stimulée, chaque aimant génère du courant qui passe directement dans un appareil ou dans un condensateur pour être stocké. Cette méthode pourrait permettre d'alimenter en énergie électrique de tout petits appareils de type capteurs ou montres, et ce de manière constante. Et voilà comment l'observation de minuscules aimants a fait jaillir une idée qui, un jour, pourrait bien bouleverser un marché à 40 milliards de dollars comme celui de l'industrie horlogère.

Texte: Joel Bedetti

Contact

Oles Sendetskyi
Laboratoire de micro et nanotechnologie
Institut Paul Scherrer, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 54 87, e-mail: oles.sendetskyi@psi.ch

 

 

 


Adresse pour l'envoi de questions

Dr. Mirjam van Daalen
Responsable de la communication
Paul Scherrer Institut
CH-5232 Villigen PSI
Téléphone: +41 56 310 56 74
mirjam.vandaalen@psi.ch


Auteur

Institut Paul Scherrer


https://www.admin.ch/content/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-68719.html