Reuge, pionnier de la digitalisation

Ste Croix, 07.10.2015 - Discours de Monsieur le conseiller fédéral Johann N. Schneider-Ammann, chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche 150ème anniversaire de Reuge.

Mesdames et Messieurs les Invités,

Chers amis,

Vous le savez : je suis un grand défenseur de l'innovation. Pour cette raison, je suis particulièrement heureux d'être ce soir avec vous à Ste Croix. Et puisque je suis ici, je vais vous confier un petit secret bien gardé : c'est ici que le concept de la Silicon Valley a été inventé, - ici, dans l'arc jurassien. Les Jurassiens avaient en effet plus de 200 ans d'avance sur les Américains.

Vous n'y croyez pas ? Réfléchissez un instant à l'histoire de notre industrie horlogère. C'est dans l'arc jurassien que se sont installés les horlogers qui n'ont pas trouvé leur place à Genève - chassés par une corporation tatillonne et bureaucratique.

Comme vous le voyez, ce n'est pas la première fois qu'une administration trop lourde chasse les esprits entreprenants. Une leçon qu'on tend trop souvent à oublier - aujourd'hui en particulier - et qu'on devrait se remémorer de temps en temps.

Mais on aurait tort de s'en plaindre dans le cas précis : - cela a été tout bénéfice pour Vaud, Neuchâtel et le Jura, qui était encore entièrement bernois à l'époque. Dans ce vaste arc montagneux, c'est toute une population qui a été initiée à la mécanique de pointe. Mieux : cela a stimulé les esprits. De nouvelles inventions et de nouvelles méthodes de production ont vu le jour et se sont imposées, transformant parfois toute la branche.

Vous le voyez donc : l'arc jurassien a été une Silicon Valley avant la lettre. Il est le berceau de nombreuses manufactures horlogères. Beaucoup sont devenues mondialement connues grâce à leur inventivité et la qualité de leurs produits.

Et c'est dans ce terreau riche en esprits inventifs et d'entrepreneurs audacieux qu'un autre pionnier vient s'installer en 1865 : Charles Reuge. Il commence très modestement avec un comptoir de montres musicales. Mais il rejoint très rapidement les nouveaux « nerds » de la mécanique. Avec lui, c'est l'ère digitale de notre Silicon Valley jurassienne qui s'ouvre. Je dis bien digitale. Car qu'est-ce que le rouleau d'une boîte à musique ? Une mémoire d'ordres binaires : 1-0-0-0-1-1-0-1. Pour chaque 1 : une note. Un 0 : pas de note. Une mémoire digitale plus d'un siècle avant que ce mot ne fasse le buzz !

C'est une preuve de plus que les Américains n'ont rien inventé avec la Silicon Valley, mais soigneusement étudié notre arc jurassien...

Charles Reuge et ses successeurs ont su perfectionner cette technologie digitale et la faire passer avec brio du XIXe au XXIe siècle. Plus de 150 ans d'existence : c'est une prouesse que les Apple, Google et autres Microsoft doivent encore réaliser.

Reuge a en effet su surmonter avec succès tous les aléas d'une longue histoire économique - les expansions comme les récessions - pour arriver à notre époque. Et pendant cette longue existence, la firme a vu nombre de fières enseignes se créer et disparaître. Mais Reuge a toujours su s'adapter en répondant à l'esprit du temps. Et toujours à la pointe du dernier trend.

La preuve ? Tout le monde parle aujourd'hui de production de masse individualisée - Reuge est depuis longtemps dans la production d'unités individualisées. Au lieu de livrer des boîtes à musiques à la chaîne et à l'identique, Reuge sait répondre aux goûts de chacun dans notre société de plus en plus individualiste et livre très précisément ce que chaque client peut souhaiter.

Ce modèle d'affaires remporte un succès mérité : les boîtes à musique Reuge parlent au cœur des passionnés de beaux objets dans le monde entier. On vient de loin pour se faire construire son modèle personnalisé. D'après mes renseignements, la Silicon Valley cherche encore la parade pour cette dernière attaque de notre arc jurassien...

Toutefois, nous devons toujours nous méfier de l'inventivité des ingénieurs et entrepreneurs californiens. Heureusement que nous avons une dernière parade sur laquelle ils se casseront les dents pendant les 150 ans à venir : LA TRADITION.

Petite confidence : lors de ma dernière visite dans la Silicon Valley l'été passé, les Américains m'ont constamment interrogé sur les secrets de fabrication de cette fameuse tradition. J'ai dû les consoler : une tradition ne s'invente pas, elle ne peut que se soigner.

Car c'est une belle invention que la tradition : personne ne peut vous la disputer. Premier arrivé, premier servi. Et c'est d'une durabilité à toute épreuve. Je félicite la société Reuge d'avoir su s'emparer de cet indéniable avantage compétitif. Mais vous avez fait plus que cela : vous avez fait vivre cette tradition en la réinventant sans cesse. Vous l'avez mieux compris que personne : les innovations de hier sont les traditions d'aujourd'hui. Pour cette raison, vous vous engagez sans cesse pour inventer les traditions de demain. Grâce à cela, le digital « made in St-Croix » a encore de belles années devant lui.

Et c'est bien plus pour ce futur que pour le passé que je tiens à féliciter très chaleureusement Reuge SA, sa direction et tous ses employés. C'est vous qui faites vivre cette belle tradition du digital mécanique. Vous faites grâce à votre compétence et votre savoir faire la joie de milliers d'amateurs de belles choses dans le monde entier.

Gardez votre flamme et votre foi dans ce que vous faites. Les 150 ans à venir ne seront sans doute pas plus reposants que ceux qui viennent de s'écouler. Pour ma part, je suis persuadé que Reuge existera encore quand les grands noms de la Silicon Valley qui sont aujourd'hui sur toutes les lèvres ne seront plus qu'un vague souvenir.

D'ores et déjà : bravo et merci.

Seule la version orale fait foi !


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