Forum mondial sur les réfugiés

Berne, 17.12.2019 - Genève, 17.12.2019 – Discours d'ouverture du Conseiller fédéral Ignazio Cassis lors du Forum mondial des réfugiés (UNHCR) - Seul le texte prononcé fait foi

Monsieur le Secrétaire Général, Antonio Guterres
Messieurs les Co-Convocateurs
Signor Alto-Commissario, Filippo Grandi
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,


Au nom de la Suisse, je vous souhaite la plus chaleureuse bienvenue à ce premier « Forum mondial sur les réfugiés » à Genève, ville qui a vu naissance de la Convention relative au statut des réfugiés en 1951 et qui est dépositaire des Conventions qui protègent les civils, les blessés et les militaires en temps de guerre et qui marquent la naissance du droit international humanitaire. Cette année nous avons célébré les 70 ans de ces Conventions de Genève, ainsi que les 100 ans du multilatéralisme moderne, né avec la Société des Nations issue du traité de Versailles.

Ces cent ans n’ont pas été un voyage facile, mais nous avons réaffirmé notre volonté d’aller de l’avant avec la coopération entre Etats dans le but d’instaurer des règles communes. Ainsi, il y a un an, l’Assemblée générale de l’ONU a approuvé le Pacte mondial sur les réfugiés, un instrument qui renforce le régime international fondé sur la Convention des réfugiés et son protocole. Nous nous sommes ainsi dotés d’un cadre d’action commun, qui doit nous permettre de mieux répondre aux besoins des réfugiés et des populations d’accueil.

La diminution de la pauvreté et l’amélioration de l’éducation au cours des dernières décennies sont une grande conquête de l’humanité et une évolution réjouissante. Ce qui m’inquiète cependant c’est la multiplication des conflits armés et des situations de violence, où des personnes subissent des violations graves et systématiques du droit international humanitaire, des droits de l’homme et du droit des réfugiés. Dans ce contexte le nombre de réfugiés et de personnes déplacées internes ne cesse de croître. L’occasion nous est ainsi donnée - ici à Genève et aujourd’hui - de passer des paroles du Pacte aux actes sur le terrain.


1. La contribution suisse au UNHCR

La Suisse est prête à apporter sa contribution:
• en tant que partenaire qui assume ses responsabilités sur la scène internationale et qui soutient les pays de premier accueil;
• en tant que pays pour lequel la protection et l’intégration des victimes de persécutions s’inscrivent dans une longue tradition humanitaire;
• et enfin en sa qualité d’État hôte des organisations internationale et en tant que capitale humanitaire.

Dans une optique solidaire, la Suisse a défini trois domaines prioritaires dans lesquels nous pouvons apporter notre soutien.
Le premier est la protection des personnes déplacées.

Monsieur le Haut-Commissaire

Vos équipes effectuent chaque jour un travail extraordinaire pour la protection des réfugiés, des personnes déplacées à l’intérieur et des apatrides, dans des conditions souvent très difficiles. Au nom de la Suisse, je tiens à vous remercier de votre engagement.

Afin de soutenir les activités du HCR, la Suisse s’engage à lui verser 125 millions de francs pour les quatre prochaines années, principalement sous la forme de fonds non liés. Cette mesure souligne l’importance et la confiance que nous attachons à la coopération avec le HCR et réaffirme notre pleine adhésion au « Grand Bargain  » sur l’efficacité. Permettez-moi aussi d’exprimer la fierté de notre Pays de figurer parmi les Top 10 des contributeurs, par tête d’habitant !

Plus de 80 % des réfugiés restent dans leur région d’origine – souvent des pays qui sont déjà aux prises avec d’importants défis. Face à cette situation, la Suisse entend continuer de soutenir ces États en privilégiant l’octroi d’une aide sur place.

Lorsque ni le retour en sécurité, ni la protection sur place ne sont envisageables, la réinstallation reste une solution. Depuis plusieurs années, nous participons au programme de réinstallation du HCR. Le Gouvernement suisse s’est engagé, en coordination avec les Cantons, à accueillir, en 2020 comme en 2021, un maximum de 800 réfugiés particulièrement vulnérables dans leur premier pays d’accueil.

Notre deuxième priorité consiste à promouvoir l’autonomie et l’intégration des réfugiés dans les pays de premier accueil.
Un défi majeur auquel sont confrontés les réfugiés concerne l’accès à l’éducation, un droit qui est au cœur de la Convention relative aux droits de l’enfant, dont nous célébrons cette année le 30e anniversaire.

Moins de la moitié des enfants réfugiés dans le monde terminent leur scolarité obligatoire. L’abandon scolaire restreint leurs perspectives d’avenir, tant durant leur séjour dans le pays d’accueil qu’à leur retour dans leur pays d’origine. L’école est à la fois un lieu d’intégration sociale et de protection. Elle est un prérequis indispensable pour accéder à une formation, à une profession et à l’autonomie. Comme le dirait le prix Nobel pour la Paix Malala Yousafzai « Rappelons-nous : un livre, un stylo, un enfant et un professeur peuvent changer le monde ».

Nous devons intensifier nos efforts pour soutenir les pays partenaires à inclure les enfants et les jeunes réfugiées dans les systèmes éducatifs nationaux. Ceci dès le début d’une crise et avec des actions complémentaires de la coopération au développement et de l’aide humanitaire.
Nous entendons également renforcer la Genève internationale dans son rôle de plateforme de dialogue sur l’éducation dans les contextes de crise, afin que le droit à l’éducation des enfants et des adolescents qui fuient leur pays soit entendu et défendu avec une réelle volonté politique.
Notre troisième priorité est la prévention.

Un élément central de toute action de prévention est le respect du droit international humanitaire. La semaine dernière s’est tenue à Genève la 33e Conférence internationale du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge Des progrès substantiels ont été accomplis dans la mise en oeuvre des principes humanitaires et du droit international humanitaire, y inclus la protection des populations civiles dans les conflits armés. Le travail est extrêmement important en termes de protection, mais aussi en termes de prévention.

Un autre problème est l'amélioration de la protection des personnes déplacées à l’interne. . Pour cette raison la Suisse accueille favorablement le Panel de haut niveau sur les IDPs, annoncé par le Secrétaire général de l'ONU. En matière de prévention, nous devons porter le regard sur les causes profondes qui génèrent les conflits et la violence, tels que le non-respect de l’état de droit, la corruption, les inégalités extrêmes et la misère, les problèmes environnementaux et le changement climatique.

En plus, la mise en œuvre du Pacte mondial sur les réfugiés est étroitement liée à l’Agenda 2030 pour le développement durable et l’approche de la « sustaining peace » (pérennisation de la paix). Nous devons exploiter les synergies existant entre le Pacte mondial sur les réfugiés, les Objectifs mondiaux de développement durable et la réforme de l’ONU. Cela signifie aussi qu’il faut assurer une meilleure coordination entre les différents acteurs dans la réalisation de solutions durables.


2. La Suisse et ses refugiés

Mesdames et Messieurs,

La protection des réfugiés a une très longue tradition en Suisse. Notre nouveau système d’asile, entré en vigueur cette année, vise à assurer une meilleure protection, à accélérer les procédures et à les rendre plus efficaces, dans le respect de l’état de droit. Nous garantissons aux demandeurs d’asile l’octroi de conseils et d’une représentation juridique gratuits dès le début de la procédure. Le peuple suisse, en votation populaire, a jugé ceci essentiel pour une politique d'asile crédible.

Depuis cette année également, un nouvel Agenda d’intégration a été mis en œuvre en étroite collaboration avec les cantons et les communes, pour mieux intégrer les réfugiés dans le système éducatif et dans le marché du travail et pour réduire leur dépendance à l’égard de l’aide sociale. Un instrument innovant de cet Agenda est le pré-apprentissage d’intégration. Il vise à mieux exploiter le potentiel des réfugiés pour répondre aux besoins du marché du travail local. Les réfugiés suivent ainsi une formation pour s’insérer avec succès dans la vie professionnelle.
Les villes, qui sont en première ligne lorsqu’il s’agit d’assurer l’intégration des réfugiés, proposent souvent des solutions novatrices. L’an dernier, la Ville de Zurich a ainsi lancé le projet FOGO, qui crée un espace de vie réunissant réfugiés et jeunes adultes en formation. En y associant des petites entreprises ainsi que des initiatives gastronomiques, culturelles et éducatives, ce projet permet de créer un espace de vie et un lieu d’intégration participative, qui profite à l’ensemble du quartier.

En Suisse comme dans d’autres régions du monde, les communautés religieuses jouent elles aussi un rôle de premier plan dans la protection et l’intégration des réfugiés. L’accord écrit passé entre chrétiens, juifs et musulmans de Suisse est par contre unique en son genre. Sous le titre « En face il y a toujours un être humain », les représentants des trois religions monothéistes ont publié une déclaration interreligieuse commune, qui illustre la manière dont les communautés religieuses peuvent s’unir pour œuvrer en faveur d’une meilleure gestion des réfugiés en se fondant sur l’éthique de la solidarité.

Il en va de même de la population suisse, qui ne manque jamais d'exprimer sa solidarité, aussi pendant les crises des réfugiés. La Chaîne du Bonheur - le principal bailleur de fonds privé de l'aide humanitaire en Suisse - a ainsi récolté plus de 29 millions de francs en réponse à l’appel lancé en 2015 pour faire face à la crise syrienne. Cet argent a notamment bénéficié à des projets en Jordanie, au Liban et en Grèce.

3. Défis futurs et conclusion

Mesdames et Messieurs,

Par l’adoption du Pacte mondial des Nations Unies sur les réfugiés, nous avons réaffirmé notre volonté  de relever les défis et de renouveler notre engagement en faveur d’un ordre fondé sur des règles communes, le multilatéralisme. Selon Albert Einstein, célèbre réfugié, « la vie c’est comme une bicyclette il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ». Cela est valable aussi pour nous tous et toutes, ne perdons pas l’équilibre et regardons en avant.

En notre qualité d’État hôte, nous voulons aussi que Genève reste un lieu où le multilatéralisme est vécu et accessible à notre population. Un lieu où nous pouvons mettre à profit et améliorer en permanence notre capacité à relever les défis futurs. L’un de ces défis est la numérisation. Les technologies de blockchain, le big data, les crypto-monnaies et l’intelligence artificielle sont autant de chances que de défis pour l’humanité. Grâce aussi à l’excellence du monde académique suisse, nous voulons renforcer le volet « science-diplomacy » afin que toute innovation puisse être analyse sur son impact de société.

Profitons alors de ces deux journées pour trouver ensemble des solutions propres à améliorer durablement la situation des réfugiés et des communautés hôtes.


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