Une nouvelle étape dans la lutte contre la contamination de l'eau potable par l'arsenic et le fluor

Dubendorf, 28.04.2016 - De par le monde, 300 millions de personnes tirent leur eau potable de nappes phréatiques contaminées par de l'arsenic ou du fluor. L'institut suisse de recherche sur l'eau, l'Eawag, a mis au point une méthode qui permet d'évaluer le risque de pollution de l'eau souterraine dans une région donnée à partir des données géologiques, topographiques et environnementales sans qu'il soit nécessaire d'effectuer des analyses sur tout le territoire. Le groupe de recherche qui l'a développée met maintenant son savoir à la disposition gratuite des intéressés par le biais d'une plateforme interactive appelée GAP, soit Groundwater Assessment Platform. www.gapmaps.org offre aux autorités, aux ONG et autres spécialistes la possibilité d'entrer leurs propres données et d'établir une carte des risques pour la zone qui les intéresse.

Un tiers de la population mondiale tire l'eau qu'elle utilise pour les usages courants et l'agriculture des réserves souterraines. Dans les pays en développement, notamment, cette ressource est souvent moins polluée que l'eau des lacs et des rivières lorsqu'elle ne constitue pas la seule source disponible. Or près de 10 % des puits et captages sont contaminés par de l'arsenic ou du fluor. Ces éléments traces sont généralement d'origine naturelle et se dissolvent dans le milieu aquatique à partir des roches et sédiments environnants.

 

S'ils sont ingérés à forte dose ou sur une longue période, l'arsenic et le fluor ont de graves effets sur la santé. L'absorption excessive de fluor affecte la dentition et la croissance et induit des déformations du squelette tandis que l'ingestion chronique d'arsenic provoque des anomalies de pigmentation de la peau et une hyperkératose de la paume des mains et de la plante des pieds. En plus elle peut entraîner des troubles cardiovasculaires voire des cancers.

 

Une nouvelle méthode de localisation des risques

En 2008, une équipe de recherche de l'Eawag a présenté une nouvelle méthode permettant d'établir des cartes des risques de contamination des eaux souterraines par les éléments d'origine géologique sans avoir à effectuer d'analyses dans tous les puits, forages et aquifères des régions concernées (Amini, ES&T 42, 2008). Cette approche constituait une petite révolution dans la recherche sur les eaux souterraines.


Avec la pratique, les scientifiques ont pu démontrer la fiabilité de leur modélisation dans plusieurs pays, notamment au Bangladesh, au Viêt Nam et à Sumatra (Winkel, Nature Geosci. 1, 2008) mais surtout en Chine où l'Eawag et la China Medical University de Shenyang ont constaté que près de 20 millions de personnes vivaient dans des zones à risque et que celles-ci s'étendaient à des régions jusque là jugées sans danger (Rodriguez-Lado, Science 23, 2013).


Michael Berg, qui dirige le département Ressources aquatiques & eau potable à l'Eawag, explique le principe de la nouvelle méthode : « Le modèle statistique que nous avons développé travaille avec les données géologiques, topographiques et pédologiques de la région d'intérêt qui sont combinées avec d'autres informations - climatiques ou satellitaires par exemple. L'étalonnage se fait avec les dosages d'arsenic et de fluor disponibles. »

 

Une aide pour la recherche locale

Mais l'élaboration d'une carte des risques demande un travail et des moyens techniques et financiers que les autorités des pays en développement ne sont pas toujours en mesure de fournir sans aide extérieure.

Grâce au soutien financier de la Direction suisse du développement et de la coopération (DDC), l'équipe de l'Eawag a maintenant créé - en collaboration avec Ernst Basler + Partner et Hydrosolutions - un système en ligne utilisable gratuitement par toutes les personnes intéressées : la plateforme GAP ou Groundwater Assessment Platform (www.gapmaps.org). « Les spécialistes du monde entier ont ainsi la possibilité de visualiser leurs propres données et de créer leurs propres cartes des risques », explique Michael Berg. « Ceci leur permet de localiser plus facilement les puits et captages à contrôler en priorité et donc d'optimiser la mise en œuvre des moyens humains et financiers qui sont à leur disposition. »

Rick Johnston, qui travaille à l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, voit également en GAP un atout considérable : « Pour les États confrontés au problème du fluor ou de l'arsenic, la nouvelle plateforme peut devenir un instrument de surveillance majeur dans le cadre de l'Agenda 2030 pour le développement durable. » Il ajoute : « À l'OMS et à l' l'UNICEF, qui s'engagent très fortement dans la lutte contre la contamination de l'eau potable par ces deux éléments, GAP suscite également un fort intérêt. » 

 

Progresser dans l'élimination des toxiques par l'échange de savoir

Toutefois, GAP est plus qu'une base de données pour l'établissement de cartes des risques. Pour Michael Berg, cartographier n'est pas tout : « La nouvelle plateforme permet une localisation plus simple et plus rapide des pollutions d'origine géologique. C'est un progrès décisif pour la protection de la population. Mais à côté de la détection précoce des risques, il est également très important de développer des méthodes pratiques pour éliminer les toxiques présents dans l'eau de boisson. »

Le guide « Geogenic Contamination Handbook », lui aussi élaboré par l'Eawag, présente plusieurs techniques adaptées à différents contextes. Il est également disponible sur www.gapmaps.org au format PDF ou en tant que Wiki pouvant être complété par tous les utilisateurs. Michael Berg ajoute à ce propos : « Malgré les progrès réalisés, les besoins de recherche sont encore considérables, notamment en ce qui concerne le développement de technologies d'élimination à la fois simples et sures. La plateforme GAP a, dès le début, été conçue comme un forum visant à faciliter les échanges de savoir. Plus la diffusion des connaissances sera rapide et efficace, plus nous avancerons. » Le nouveau portail web permet aujourd'hui à tous les acteurs de cette lutte d'être connectés dans le monde entier.


Adresse pour l'envoi de questions

Michael Berg, responsable du projet GAP, chef du département Ressources aquatiques & Eau potable de l'Eawag,
Tel. +41 58 765 50 78, michael.berg@eawag.ch

Joel Podgorski, coordinateur du projet GAP, département Ressources aquatiques & Eau potable de l'Eawag. Tel. +41 58 765 57 60, joel.podgorski@eawag.ch

Andreas Steiner, chargé de programme, Direction du développement et de la collaboration DDC, Tel. +41 58 465 04 06, andreas.steiner@eda.admin.ch



Auteur

Eawag: L'Institut de Recherche de l'Eau du Domaine des EPF
http://www.eawag.ch

https://www.admin.ch/content/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-61518.html