« La prévention de l’extrémisme violent en tant qu’élément clé de la lutte contre le terrorisme : L’action à la racine et l’accent sur les valeurs »

Genève, 08.04.2016 - Allocution du Conseiller fédéral Didier Burkhalter lors de la Conférence de Genève sur la prévention de l’extrémisme violent - Seul le texte prononcé fait foi

Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs, et chers amis,

La Suisse vous accueille à bras ouverts. Mon pays, sa population et ses autorités, et Genève en particulier, vous souhaitent une cordiale bienvenue. Bienvenue pour parler et pour agir afin de prévenir les souffrances inutiles découlant de l’extrémisme violent. Bienvenue dans notre monde de Nations Unies ; et d’emblée un merci tout particulier à vous, M. Ban Ki-Moon, ainsi qu’à toute votre équipe, d’avoir organisé cette conférence en partenariat avec la Suisse.

Pourquoi une telle réunion ? Ou plutôt pour qui ? Pour chaque enfant, pour chaque jeune, pour chaque femme et chaque homme victime de la trop grande fragilité de notre monde, ou qui pourrait devenir une telle victime demain. Pour prendre conscience, aussi, que les vrais progrès en la matière dépendent de notre capacité commune à s’attaquer aux causes profondes de cette fragilité, à les prévenir et à travailler constamment sur le long terme à la création de perspectives pour tous les individus.

Nombre d’entre vous viennent de pays et de régions qui connaissent la fragilité au quotidien. Et nombre d’entre nous sommes allés à la rencontre de ces pays et de ce courage. Car, en fait, il faut être très courageux, très solides, pour vivre dans de telles situations de fragilité, pour tenter d’améliorer son sort et garder l’espoir d’une vie meilleure. Nous connaissons cette réalité et nous savons donc que notre responsabilité commune est d’améliorer la sécurité partout.

Mardi dernier, à Stockholm, l’engagement concret en faveur des pays en situation de fragilité était à l’ordre du jour du Dialogue international sur la consolidation de la paix et le renforcement de l’Etat.

Aujourd’hui, à Genève, nous voulons faire progresser la prévention de l’extrémisme violent dans tous nos pays, dans les contextes fragiles comme dans les autres. Le mois prochain, à Istanbul, aura lieu le Sommet humanitaire mondial. Il s’agit de faire de toutes ces conférences une mobilisation de la communauté internationale pour trouver de vraies réponses communes aux vrais problèmes de notre temps, aux vraies difficultés des populations.

Dès lors, j’aimerais vous exprimer, à toutes et tous, de la reconnaissance pour votre présence aujourd’hui. Cet engagement témoigne de votre détermination à combattre le fléau des violences terroristes perpétrées contre des civils, comme tout récemment à Bruxelles et à Lahore, ou encore en Syrie et en Irak, et aussi dans bien d’autres régions du monde. Nous condamnons ces atrocités avec la plus grande fermeté et adressons nos pensées et notre compassion aux victimes, à leurs familles et à leurs proches.

Le terrorisme continue de se propager à travers le monde. Il constitue l’une des plus graves menaces envers la paix et la sécurité internationales, menace encore aggravée par l’émergence de groupes terroristes comme Daech, qui contrôle de vastes territoires, leurs populations et leurs ressources. Les terroristes exercent une violence sans précédent contre des civils, que ce soit dans le cadre de conflits armés ou non.

En tant qu’Etats, nous avons la responsabilité de protéger nos citoyens et de défendre leurs libertés. Nous devons veiller à ce que les auteurs de ces actes de violence soient poursuivis et condamnés. Et nous devons aussi apporter des secours aux populations touchées en cas de crise humanitaire.

La prévention de l’extrémisme violent consiste à renforcer la promotion de l’état de droit, des droits de l’homme et, dans les situations de conflit armé, du droit international humanitaire. Dans notre lutte contre le terrorisme, nous devons recourir aussi bien à des mesures préventives qu’à des mesures répressives.

Nous devons aussi mieux comprendre le phénomène auquel nous sommes confrontés, afin de pouvoir agir sur les facteurs qui attirent des personnes – en particulier les jeunes – vers l’extrémisme violent. Nous devons ouvrir des perspectives aux jeunes et les immuniser contre les tentations du terrorisme. Nous devons leur offrir un autre choix, bien meilleur, en leur permettant d’accéder à l’éducation et à l’emploi. Il faut que ces jeunes soient un jour des boulangers, des chauffeurs, des enseignants ou des entrepreneurs – mais pas des extrémistes. Nous devons investir davantage dans un avenir meilleur.

Les Nations Unies ont un rôle décisif à jouer dans la prévention de l’extrémisme violent. Et nous saluons donc tout spécialement la volonté affirmée d’agir, le Plan d’action du Secrétaire général. Ce plan contribue grandement à donner un nouvel élan aux activités de prévention des Nations Unies ; aux piliers I et IV de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies de 2006 : les mesures préventives pour éliminer les conditions propices à la propagation du terrorisme, ainsi que les mesures pour garantir le respect des droits de l’homme et de l’état de droit. En clair : l’action à la racine et l’accent sur les valeurs.

Cette ligne politique qui met la prévention au cœur de l’action se confirme actuellement. Les examens menés récemment sur les opérations de maintien de la paix, sur l’architecture de consolidation de la paix, et sur la mise en œuvre de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité soulignent également l’importance primordiale de la prévention. Les objectifs de développement durable vont dans le même sens, en particulier l’objectif 16, qui vise à promouvoir des sociétés pacifiques et des institutions efficaces et ouvertes à tous.

Cette ligne politique est celle à laquelle mon pays veut contribuer intensément.

Prévenir l’extrémisme violent est d’abord et avant tout une tâche nationale; en Suisse, cette tâche relève aussi des cantons et des communes. La structure fédéraliste de mon pays repose sur la conviction qu’une culture du dialogue, du compromis, de solutions inclusives et décentralisées, de respect des minorités et de séparation des pouvoirs constitue le fondement de la paix.

En Suisse, le principe de subsidiarité garantit que les décisions sont prises au plus près des citoyens et tiennent compte de leurs besoins. Ainsi, ce sont les populations locales qui jouent le rôle essentiel dans l’intégration de personnes de différentes origines, qui aident à avoir une meilleure idée des comportements susceptibles de déboucher sur de la violence. Les villes et les communes sont directement en prise avec les réalités. Bien aménager les cités, en évitant en particulier les ghettos, c’est aussi un trousseau de clés pour fermer la porte à l’extrémisme violent et ouvrir celle de l’inclusion.

De plus, la Suisse s’implique, sur le plan national, dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale ou la formation aux droits de l’homme. Nous mettons l’accent sur la jeunesse, par exemple avec des programmes visant à prévenir la violence dans la famille, à l’école et dans l’espace public, ou encore pour aider les jeunes à être conscients des risques des médias numériques.

L’an passé, le gouvernement suisse approuvé une nouvelle stratégie de lutte antiterroriste : quatre domaines d’action - la prévention, la répression, la protection et la gestion des crises - qui s’inscrivent dans le cadre de la Constitution et sont en conformité avec le droit international, en particulier les droits de l’homme. Car le respect de l’état de droit, des droits de l’homme et des principes humanitaires est indispensable au bien-être et au développement de notre société.

La stratégie vise à prévenir les tendances extrémistes par la formation et l’emploi, ainsi que par des mesures ciblant les prisons, les centres pour jeunes et les lieux de culte, par le dialogue avec les communautés particulièrement exposées, par la prévention de la stigmatisation des minorités. Nous voulons aussi renforcer l’interconnexion des différents acteurs concernés, le travail en réseau.

Et puis, nous utilisons nos expériences nationales pour notre engagement à l’étranger en la matière. Lutter contre le terrorisme, par la prévention de l’extrémisme violent est une priorité de notre politique étrangère. Elle se concrétise dans le cadre de l’engagement de la Suisse en faveur de la paix et de la sécurité, du développement et des droits de l’homme. En d’autres termes, nous sommes convaincus, d’une part, que la sécurité nationale est indissociable de la sécurité humaine et de droits de l’homme applicables à tous et, d’autre part, que prévenir l’extrémisme violent est la façon la plus efficace de lutter contre le terrorisme.

Concrètement, nous avons développé un plan d’action de politique étrangère pour la prévention de l’extrémisme violent. Avec comme priorités : les jeunes et les femmes, ainsi que la Genève internationale.

Les enfants et les jeunes adultes peuvent avoir des rôles très différents dans le contexte de l’extrémisme violent : ils peuvent soit se rapprocher de groupes terroristes, allant jusqu’à commettre des actes terroristes, soit être victimes du terrorisme. Plus important : ils peuvent avoir un rôle déterminant dans la mobilisation contre l’extrémisme violent. Il nous faut donc non seulement protéger les jeunes contre les formes violentes d’extrémisme et empêcher qu’ils ne soient enrôlés par des groupes terroristes, mais aussi leur donner les moyens de devenir des acteurs de la lutte contre cet extrémisme. La même chose vaut pour les femmes.

La Suisse apporte par exemple son soutien à un projet mené dans un quartier marginalisé de la banlieue de Tunis, qui vise une meilleure intégration des jeunes dans la vie sociale et politique en renforçant leur participation à la gouvernance locale. Mon pays est également à l’origine d’une initiative internationale prônant le développement de standards et de bonnes pratiques applicables au domaine de la justice juvénile dans un contexte de lutte antiterroriste.

Et puis, nous nous engageons sur le terrain pour que les jeunes aient la possibilité d’aller à l’école, d’avoir un emploi et de gagner leur vie ; bref : d’avoir d’autres perspectives que celle de recourir à la violence. Dans les quatre dernières années, la Suisse a permis à plus de 300'000 personnes, des jeunes pour la plupart, de bénéficier d’une formation professionnelle et pédagogique ; dans une vingtaine de pays, en particulier au Népal, au Burkina Faso, dans les Balkans occidentaux, au Myanmar et au Rwanda. Nous voulons intensifier ces activités en collaboration avec le secteur privé, qui joue un rôle de premier plan pour l’acquisition de compétences et la création d’emplois.

La Suisse peut aussi apporter une réelle contribution à cet action grâce à cet endroit, ici : grâce à la Genève internationale. La prévention de l’extrémisme violent se situe à l’intersection entre la paix, la sécurité, le développement et les droits de l’homme. Nous devons donc mieux relier entre eux ces fondements de la stabilité mondiale, en les rapprochant.

A Genève, nombre d’organisations internationales, d’instituts de recherche et de formation, de groupes de réflexion et d’organisations de la société civile œuvrent aux mêmes buts : la prévention et la résolution des conflits,  la consolidation de la paix,  la protection et la promotion des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du droit des réfugiés ; autant d’éléments fondamentaux en matière de prévention de l’extrémisme violent. Ces organisations et institutions offrent un vaste potentiel, qui est à votre disposition dans cette ville universelle.

La Suisse a fondé des organisations comme le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) et le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées de Genève (DCAF), qui ont déjà acquis une expertise et une reconnaissance internationale dans des domaines en lien avec la prévention de l’extrémisme violent.

Genève abrite également le siège du Fonds mondial pour l'engagement de la communauté et la résilience (GCERF). Ce partenariat public-privé permet de diriger des fonds vers des organisations de terrain afin de renforcer la résilience des communautés locales. Le GCERF commence à financer des projets au Bangladesh, au Mali et au Nigéria. Le Kosovo, le Myanmar et le Kenya les rejoindront bientôt et d’autres pays ont fait part de leur intérêt. Pour soutenir ces activités et en élargir la portée, il faut que la communauté internationale engage des financements supplémentaires de source publique et privée.

D’ailleurs, Mesdames et Messieurs, et chers amis, investir dans la prévention de l’extrémisme violent est finalement bien moins onéreux que de chercher à en limiter les conséquences. Donc, non seulement c’est mieux de prévenir que de guérir, mais cela coûte moins cher ! Soyons clairs : il faudra non seulement de la volonté, mais aussi des moyens pour mettre en œuvre le Plan d’action de l’ONU pour la prévention de l’extrémisme violent ainsi que les plans d’action régionaux et nationaux.

Et ces moyens sont nécessaires sur une longue période. Les actions de prévention sont à la lutte contre le terrorisme ce que le marathon est à l’athlétisme. Il nous appartient dès lors, dans chaque pays et au sein des Nations Unies, d’avoir du souffle ; de savoir mettre et maintenir durablement les bonnes priorités : les priorités qui créeront de réelles perspectives, qui donneront le sourire de l’avenir aux nouvelles generations.


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