Visions du Réel 2013

Nyon, 19.04.2013 - Allocution prononcée par le Conseiller fédéral Alain Berset à l’occasion de l’ouverture du Festival Visions du Réel 2013 - Seules les paroles prononcées font foi.

C'est l'histoire d'un petit s. Depuis 1995, l'événement que j'ai le plaisir d'ouvrir ce soir avec vous s'appelle « Visions du Réel ». On ne l'entend pas, ce petit s à la fin du mot « Visions ». Pourtant, il est bien là - et il exprime une partie de l'identité du Festival international du film documentaire.

Car sans cette consonne, deux vertus cardinales manqueraient au festival: la diversité et la subjectivité. Il n'y aurait plus, autrement dit, qu'une seule vision, c'est-à-dire une folle prétention à l'uniformité et à l'objectivité.

Or il y a plusieurs visions, parce que le festival propose une diversité de cinéastes, une diversité de films et une diversité de publics. On y voit des films traitant de sujets les plus variés, dans une grande quantité de langues. Les spectateurs, les journalistes et les professionnels du secteur s'y pressent, d'un peu partout. Ce mélange de nationalités, de cultures, et de sensibilités est une garantie de qualité.

Et puis s'il y a plusieurs visions, c'est parce qu'il y a plusieurs points de vue. Ce festival est aussi celui de la subjectivité. Chaque spectateur percevra un film selon sa propre sensibilité. Et chaque sujet est perçu individuellement selon le ou la cinéaste qui l'aborde. Pour exprimer cette perception singulière du cinéaste, un des précurseurs du genre, l'Américain Robert Flaherty, avouait: « On doit parfois mentir pour raconter la vérité. » En d'autres termes, il n'y a de véritable objectivité que dans une subjectivité déclarée. Seule une subjectivité déclarée permet au spectateur de se déterminer individuellement par rapport à un sujet traité.

C'est cette double ambition, de subjectivité honnête et de diversité culturelle, qui est au coeur de ce festival.

Aujourd'hui, la réduction des coûts de production démocratise l'accès à la réalisation. De nouveaux supports permettent quant à eux une diffusion bien plus large. Les spectateurs potentiels sont plus nombreux et plus faciles à atteindre. En cette époque d'aisance et d'ubiquité, Visions du Réel nous rappelle l'importance de la découverte et des échanges.

C'est pour cela que l'Office fédéral de la culture soutient huit festivals de cinéma. Chacun d'eux a une identité propre: films suisses ou internationaux, courts ou longs métrages, films d'animation ou films fantastiques notamment - et les documentaires à Nyon.

Visions du Réel fonctionne aujourd'hui comme une courroie de transmission culturelle. Les talents venus d'ailleurs y contribuent largement chaque année. Et les talents locaux y acquièrent une légitimité et un public.

Avec son film « Hiver nomade », le lauréat de 2012, Manuel von Stürler, est ensuite aller gagner le prix de la European Film Academy. Ainsi naissent les traditions d'excellence: à la faveur de l'engagement de ceux qui font ce festival.

Et puis on ne vient pas à Visions du Réel que pour voir des films. C'est aussi l'occasion de visiter des ateliers et des expositions, de faire des rencontres. Aujourd'hui on peut faire des films presque seul; on peut les visionner seul. Mais rien ne peut remplacer la surprise d'une rencontre. La rencontre, c'est l'accélérateur d'émotions: on y découvre toujours quelque chose de nouveau.

Pour questionner le réel avec pertinence, un bon film doit surtout savoir le montrer. « Un pays qui n'a pas de film documentaire est comme une famille sans album de photos », dit le réalisateur chilien Patricio Guzmán. Autrement dit, le film documentaire, c'est aussi la lente construction de notre conscience collective.

Prenons « More than honey », de Markus Imhoof, qui dresse un portrait clair et fascinant des défis de notre temps. Le lauréat du Meilleur documentaire des Prix du cinéma suisse 2013 perpétue la tradition suisse du documentaire. Rien qu'en Suisse, ce film a attiré plus de 200'000 spectateurs, et 150'000 en Allemagne. Sans aucun doute, ce succès est l'un des résultats du travail lancé ici, à Nyon.

Le documentaire engagé ne cesse d'ailleurs de gagner en audience. Ce succès donne raison à un illustre voisin, Jean-Luc Godard, qui disait ceci: « Tous les grands films de fiction tendent au documentaire, comme tous les grands documentaires tendent à la fiction. » Ce que Godard souligne, c'est que les ingrédients d'un bon film sont toujours les mêmes, qu'il s'agisse de fiction ou de documentaire.

Cette dramatisation croissante du documentaire ne se fait pas sans heurts. Ainsi Visions du Réel fait aussi office de référence. Sur les 3500 films reçus, seuls 110, dont 24 suisses, sont sélectionnés au final cette année.

Ce gigantesque travail de sélection permet d'établir quelques critères de qualité du genre. Il nous rappelle notamment qu'il ne suffit pas de manier un objectif pour être soi-même objectif. Toutes les statistiques et les références du monde n'exprimeront jamais qu'une seule réalité. Ainsi un film documentaire, lorsqu'il est réussi, nous rappelle que la réalité ne coïncide pas forcément avec la vérité: tous les documentaires ne peuvent pas s'appeler « Une vérité qui dérange ».

Alfred Hitchcock résumait ces ambivalences par cette formule remarquable: « Dans un film de fiction, le réalisateur est dieu; dans un documentaire, dieu est le réalisateur. »


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