1er janvier 1989 - Les paroles prononcées font foi
Vous qui souffrez et qui êtes dans la peine, je veux m'adresser à vous d'abord.
Vous vous êtes dit, peut-être, que les vœux du Nouvel-An étaient pour les autres, qui ne connaissent pas eux-mêmes vos difficultés.
Non! Ces vœux sont précisément pour vous. Et c'est surtout à vous que je les apporte, en profonde fraternité. Vous n'êtes pas seuls. Notre société n'est pas asservie au robot, même si elle en prend parfois le chemin, je le reconnais. Elle est capable de solidarité et de chaleur humaine.
J'espère en être le porteur auprès de vous. Et auprès de ceux qui, en Suisse, se sentent déconnectés, abandonnés, marginalisés. Il y en a. Je vais plus loin et je vois avec vous, mes chers compatriotes, tous ceux qui, dans le monde, sont frappés.
Frappés par des cataclysmes naturels ou frappés par des catastrophes terroristes - l’année en fut secouée dramatiquement.
Frappés dans leur santé, sinon dans leur vie même - voyons, en face, des drames de la faim et des épidémies.
Frappés dans leur dignité d'êtres humains - voyons, en face aussi, les agressions quotidiennement répétées contre le plus précieux des biens: la liberté...
Que notre conscience ne nous dicte pas seulement une carte de souhaits de 1er janvier. Au contraire, qu'elle soit notre inspiration active, chaque jour de 1989. Il n'y a pas une virgule à changer à la Déclaration des Droits de l'Homme. Il faut qu'elle devienne une réalité respectée universellement.
Mes chers compatriotes, dans le pays, hors du pays, La Suisse existe parce que les hommes «=Menschen» l’ont voulu. Rien ne la prédisposait naturellement à exister. Elle s'est construite à contre-courant, pendant 7 siècles de combats opiniâtres.
Alors, faisons le point, car l'année qui commence aujourd'hui sera importante. Pour la Suisse elle-même. Pour la Suisse dans le monde. Pour la Suisse en Europe.
Trois réflexions, trois directions pour notre action.
Première direction. Sachons, certes, que la Suisse est historiquement différente de tous les autres pays d'Europe. Respectons ses originalités. Cela ne signifie pas qu'elle soit, en tous points, nécessairement un cas particulier. Cela ne signifie surtout pas qu'elle soit une île. La Suisse est et reste un Etat souverain mais elle n'est pas une île! Et naïfs serions-nous d'imaginer que les tumultes du monde sont pour les autres... Deuxième direction. Nous appartenons donc à ce que l'on appelle le concert des nations. Pour y jouer une partition forte, nous devons tous reprendre de l'initiative, de l'audace, de l'esprit d'entreprise, dans tous les domaines (et pas seulement dans le domaine économique). Il faut courir des risques, investir. Créer et innover. Abandonner les routines. Echapper au chloroforme du succès et du confort, car rien ne nous est donné sans effort, on l'oublie! Il n'y a d'espoir que dans la dynamique permanente du renouveau. La jeunesse suisse, tout particulièrement, y est acquise. Faisons-lui confiance et rappelons-nous que la Suisse, ses activités publiques et privées ne peuvent être conduites en pilotage automatique.
Troisième direction. La Suisse est diverse, dans son unité. Sa diversité doit être force et non affaiblissement. Elle ne peut être force que si les Suisses se connaissent mieux entre les groupes linguistiques qu'ils constituent. J'en appelle à cette plus grande cohésion intérieure de la Suisse - nous sommes sur le chemin de la fête du 7e centenaire de la Confédération, en 1991. Cette cohésion nous permettra d'autant mieux de rayonner en Europe et dans le monde. C'est une nécessité.
Mes chers compatriotes, notre pays, plus que jamais, a besoin de votre engagement personnel. Je vous remercie de le lui apporter vigoureusement.
Que Dieu bénisse notre pays! Et à vous tous:
Bonne année!
Buon Anno!
In bun onn nov!
Ein glückliches neues Jahr!
