René, l’humaniste qui voulait l’ouverture de la Suisse

Berne, 26.10.2020 - Discours de la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga à la cérémonie d’adieu à René Felber, conseiller fédéral de 1988 à 1993

Seul le discours prononcé fait foi

La Suisse a perdu un grand homme d’État.

Et ceux qui ont connu René Felber ont perdu la chaleur d’un être bienveillant.

Je me souviens avec beaucoup d’émotion des rencontres avec lui. Il ne nous parlait pas de lui, il nous parlait de nous, il nous encourageait, il nous souriait.

On sortait d’une conversation avec lui pleine d’élan, heureuse de reprendre le travail, de donner le meilleur de soi-même.

René Felber nous donnait du souffle.

Comme il a insufflé un vent d’humanisme sur la politique étrangère de notre pays.

Socialiste aux convictions profondes, il a œuvré pour le bien du plus grand nombre tant à la ville du Locle que dans son canton de Neuchâtel et dans la Berne fédérale. Mais c’est sans doute son accession à la tête du Département fédéral des affaires étrangères qui a révélé la culture politique exceptionnelle de René Felber.

Une neutralité plus courageuse

Il a marqué notre politique extérieure.

Il a transformé notre neutralité. Une neutralité qui ne devait plus rimer avec lâcheté quand le droit international était bafoué.

C’est grâce à lui que la Suisse a appliqué les sanctions contre l’Irak suite à l’invasion du Koweit. Et que nous avons commencé à participer activement à des missions de paix de l’ONU.

Une ouverture sur le monde

René Felber a grand ouvert les fenêtres de notre pays sur l’Europe et sur le monde. Le but n’était pas de briller dans les salons feutrés des ministères, ni de se lancer dans de grandiloquentes déclarations.

Non.

René Felber avait le verbe précis.

René Felber voulait être utile.

S’il avait de l’ambition, c’était avant tout pour notre pays.

L’ambition de le faire évoluer, d’élever sa voix, de participer aux décisions,

l’ambition de jouer un rôle, tout particulièrement en Europe.

Au-delà d’un accès au marché, il croyait à un destin à façonner ensemble.

Je le comprends. Quand j’étais en charge des migrations, j’ai vu à quel point la Suisse est écoutée quand elle participe à un effort commun.

Un combat africain

René Felber a aussi incarné une nouvelle politique africaine qui mérite toute notre estime.

C’est en Namibie que, pour la première fois de notre histoire, la Suisse a envoyé des hommes en mission de paix.

Et puis il a osé agir contre l’attitude hypocrite de la Suisse envers l’Afrique du Sud et contre le régime de ségrégation raciale de l’apartheid.

En tançant quelques grandes banques suisses actives dans ce pays.

En exhortant durement le président Botha, de passage en Suisse, à rétablir les droits des tous et à libérer Nelson Mandela.

Et en facilitant une entremise entre le régime sud-africain et l’ANC.

Moins de deux ans plus tard,

le 8 juin 1990, Nelson Mandela est à Berne.

La longue silhouette du leader de l’ANC enfin libre – après vingt-sept ans de prison – franchit la porte de la maison de Watteville sous les crépitements des caméras.

Ce jour mémorable, nous le devons à René Felber.

Le sens de l’Etat

En Suisse, René Felber respectait la collégialité, l’instrument de la confiance.

Pas de politique d’annonce. Et avec Jean-Pascal Delamuraz qui prenait pourtant beaucoup de place, aucune concurrence.

Tout au contraire. René Felber a vécu, comme il l’a dit lui-même « une relation d’amitié et de loyauté » avec le Vaudois, habités qu’ils étaient tous deux par un même sens de l’Etat et de profondes convictions européennes.

Le petit non des Suisses à l’Espace économique européen fut, on le sait, une immense déception pour les deux hommes qui avaient attendu, ensemble, le verdict des urnes.

Un gouvernement collégial sert mieux le pays. J’en suis convaincue moi-aussi. Tout spécialement en cette année de pandémie, les décisions que prend le gouvernement gagnent en crédibilité si elles naissent d’un véritable travail d’équipe, porté par tous.

L’homme de culture

Mais il n’y avait pas que la politique dans la vie de René Felber. Il y avait la famille. Essentielle. Nous l’avons entendu. Et il y avait la culture.

Grand lecteur, fin connaisseur d’art contemporain, il allait au théâtre, au cinéma, il écoutait Beethoven, Brel et Brassens.

La culture, ce n’était pas qu’un morceau de musique lors d’un couper de ruban, elle nourrissait sa vie intérieure, sa compréhension du monde.

Une fois à la retraite, René s’est mis au saxophone. Il fallait du souffle, une nouvelle fois.

Chère famille, chers proches de René,

Je vous adresse, au nom du Conseil fédéral, mes très sincères condoléances. Et je vous souhaite beaucoup de courage pour poursuivre votre vie sans lui.

René Felber a rendu son dernier soupir.

Mais son héritage est davantage qu’un souvenir.

Il nous a laissé une Suisse plus humaniste, plus généreuse, un pays qui s’engage pour la paix dans le monde.

Alors aujourd’hui nous sommes tristes, mais aussi pleins de gratitude.

Merci camarade !


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