Santé à porter

Dübendorf, St. Gallen und Thun, 29.06.2020 - Bien choisir sa tenue, ce n’est pas seulement prendre soin de son apparence. Grâce aux nouvelles technologies, les tenues high-tech peuvent monitorer les variables physiologiques de leur utilisateur ou ajuster le microclimat qui y règne. Les textiles à l’origine de ces progrès se composent de fibres «intelligentes» et biocompatibles, et de composites biocompatibles ayant déjà fait leurs preuves dans la recherche et l’innovation médicales, en particulier dans les systèmes de délivrance de médicaments et de remplacement tissulaire.

Ce n'est pas seulement en été qu'il peut faire chaud pendant les activités sportives, car les sports d’hiver posent aussi un problème particulier: comme il fait froid, il faut s’habiller chaudement, Mais lorsqu’on fournit un effort soutenu, le corps enclenche sa propre «climatisation», laquelle produit des litres de transpiration. Si bien qu’arrivée la pause bien méritée, le sportif est couvert de vêtements trempés. Pour éviter qu’il ne prenne froid, des chercheurs de l’Empa de Saint-Gall ont développé en collaboration avec des partenaires industriels une membrane électroosmotique qui sèche le vêtement, gardant ainsi le sportif au chaud. Le fabricant suisse de vêtements de sport KJUS a intégré cette technologie dans une veste de ski. On l’active par son smartphone. Les expériences conduites dans l’enceinte climatique de l’Empa ont confirmé le bon fonctionnement et le confort des vêtements bénéficiant de cet «effet pompe».

Avatar en complet-cravate

Pour savoir si un pantalon ou une jaquette sont agréables à porter et dissipent correctement la chaleur, il est possible aujourd’hui de passer par la modélisation. Agnes Psikuta, chercheuse à l’Empa, et son équipe du laboratoire «Biomimetic Membranes and Textiles» de Saint-Gall ont développé à cette fin un logiciel qui intègre les propriétés des tissus, la morphologie de l’utilisateur et la couche d’air isolante entre la peau et les vêtements. «Cet avatar anatomiquement personnalisable permet de simuler la manière dont un vêtement tombe sur le corps et ses effets thermiques, au repos comme en mouvement», explique Psikuta. On peut ainsi optimiser le patron d’un complet avant même d’en couper le tissu. Il existe aussi des tenues protégeant leurs porteurs des effets de la chaleur. La tenue des pompiers doit isoler de la chaleur, être étanche, résister au feu et pouvoir «respirer», tout en n’étant ni trop lourde, ni trop rigide. La couche d’air isolante joue ici un rôle crucial. Des mannequins permettent d’optimiser ces tenues en laboratoire. «Nous pouvons maintenant nous livrer à des essais réalistes en laboratoire pour déterminer comment l’isolation d’une tenue de protection change selon que le pompier agenouillé dirige sa lance vers le foyer ou qu’il rampe à quatre pattes dans un bâtiment en flammes», explique Psikuta.

Des capteurs pour pieds de sportifs

Le mouvement... c’est également ce qui motive cet accessoire fait d’un dérivé du bois: un capteur articulaire souple en nanocellulose développé dans le cadre du projet «D-Sense». Fabriqué par impression 3D à partir d’une matière renouvelable, il est biocompatible et se trouve en contact direct avec la peau. L’«encre» utilisée dans ce cas est enrichie de nanofils d’argent qui rendent la nanocellulose électriquement conductrice. On l’utilise par exemple pour des semelles intérieures glissées dans les chaussures d’athlètes de haut niveau. Elles y agissant en capteur, mesurant avec précision la charge, la pression et la force dynamique. On en dérive le mouvement des articulations qui peut alors être finement analysé. «C’est par ses propriétés mécaniques que la nanocellulose s’impose dans la création de nouveaux composites» explique Gustav Nydström qui dirige le laboratoire «Cellulose & Wood Materials» de l’Empa de Dübendorf. Ce capteur multicouche fait également l’objet d’un des projets du grand axe stratégique «Advanced Manufacturing» du Domaine des EPF. On peut envisager d’en intégrer aux implants articulaires afin d’assister le processus de rétablissement.

Analyse de données sur le sommeil

La médecine moderne propose d’autres éléments high-tech portables. Lorsqu’un individu paraît entièrement immobile, par exemple durant son sommeil, plusieurs muscles poursuivent leur activité, le cœur continue de battre et la cage thoracique de se soulever et de s’abaisser. Mais quel est le rythme cardiaque durant le sommeil? Et celui de la respiration, régulier ou souvent interrompu au cours de la nuit? Des chercheurs de l’Empa ont mis au point une ceinture de suivi cardiaque brodée de capteurs enregistrant l’activité cardiaque tout au long de la nuit. Passé par l’installation de revêtement plasma de l’Empa, le fil de broderie a été couvert d’une couche métallique nanométrique qui le rend conducteur, sans effet cutané et lavable. On utilise cet appareil de mesure souple sur les personnes souffrant d’apnée du sommeil.

D’autres applications cliniques de la ceinture à capteur sont en cours de développement avec des partenaires industriels et du secteur de la santé. Ainsi, la ceinture ECG complétée d’un capteur de température corporelle peut aider au diagnostic de dégénérescences mentales telles que la maladie d’Alzheimer dans la mesure où le suivi de longue durée des paramètres vitaux peut fournir des précisions sur les performances cognitives du cerveau. Les spécialistes en textiles de l’Empa étudient actuellement avec des chercheurs de l’Université de Haute-Alsace de Mulhouse l’intégration de capteurs supplémentaires dans leurs textiles, ce qui doit permettre d’étendre encore le champ d’application et le confort à l’usage de cette technique tant en médecine que dans le sport. «Nous allons truffer une pièce d’habillement – par exemple un T-shirt – de capteurs pour l’analyse de différents paramètres physiques tels que le rythme respiratoire ou la teneur en oxygène» explique Simon Annaheim. La mesure de ces paramètres est assurée par des fibres polymères optiques fabriquées par filage au jet fondu.

Camouflage des pompes cardiaques

Les fibres textiles peuvent être produites par différents processus de filage qui en déterminent la microstructure. Les chercheurs de l’Empa en tirent parti pour développer des membranes similaires aux tissus biologiques. Les membranes polymériques en fibres noyau-manteau hautement élastiques sont colonisables par les cellules humaines, ce qui permet d’y former un tissu fonctionnel épais de plusieurs couches. Ces travaux s’inscrivent dans le grand projet «Zurich Heart» réunissant l’Empa, l’EPFZ et l’Hôpital universitaire de Zurich. Les membranes «vivantes» revêtiront l’intérieur de pompes cardiaques, leur servant de camouflage pour que l’appareil soit mieux accepté par le corps.

Des bactéries détectives

Les fibres de polymère peuvent également être façonnées en capteurs des molécules volatiles portées par le flux respiratoire. L’équipe de Luciano Boesel fabrique par électrofilage des membranes polymériques multicouche pouvant détecter certains gaz dans la respiration. «Lors d’infections bactériennes telles qu’une pneumonie ou une néphrite chronique, il se forme des amines volatiles», explique Boesel. Son équipe met actuellement au point un capteur d’amines très sensible pouvant mettre en évidence des traces de différentes amines dans la respiration et donc de diagnostiquer certaines maladies de manière précoce et non invasive.

Des médicaments à revêtir

Sous forme de pansements «intelligents», les fibres textiles peuvent également signaler qu’une plaie guérit mal; elles peuvent aussi libérer différentes substances telles que des antibiotiques, des analgésiques ou des médicaments naturels. Les chercheurs ont trouvé des modes de dosage précis et astucieux: la substance est libérée par une légère pression sur le bandage ou par un signal lumineux. Elle peut aussi l’être sous l’action de stimuli chimiques provenant du patient, comme le pH d’une plaie.

Nanopochettes pour substances actives

Amin Sadeghpour, chercheur à L’Empa, va encore plus loin dans les micro et nanostructures. Il réalise de minuscules cubes qui peuvent être détectés par une membrane cellulaire. Larges de 10 nanomètres, ces cubes ne peuvent charrier que d’infimes quantités de substances actives. Mais de par leur constitution – un empilement de nanotubes – ils peuvent embarquer différentes substances normalement non miscibles. Ce qui permet différentes combinaisons de médicaments et de vitamines. Ces cubes biocompatibles sont assemblés en nano-pochettes dites «cubosomes». L’électrofilage permet d’en revêtir les fibres avec lesquelles on confectionne des bandages ou des textiles médicaux. Ces nano-éléments, matériaux biocompatibles et fibres intelligentes permettront de réaliser des accessoires parfaitement adaptés non seulement à des avatars, mais aussi à des patients et des sportifs de haut vol.


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Dr. Simon Annaheim
Biomimetic Membranes and Textiles
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simon.annaheim@empa.ch

Dr. Agnes Psikuta
Biomimetic Membranes and Textiles
Tél. +41 58 765 76 73
agnes.psikuta@empa.ch

Dr. Luciano Boesel
Biomimetic Membranes and Textiles
Tél. +41 58 765 7393
luciano.boesel@empa.ch

Dr. Gustav Nyström
Cellulose & Wood Materials
Tél. +41 58 765 4583
gustav.nystroem@empa.ch

Dr. Giuseppino Fortunato
Biomimetic Membranes and Textiles
Tél. +41 58 765 7677
Giuseppino.Fortunato@empa.ch

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