Pour la première fois, des réactions chimiques ont été observées directement dans les particules fines

Villigen, 13.03.2020 - Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI ont développé une nouvelle méthode pour analyser les particules fines de manière encore plus détaillée. Elle leur a permis de réfuter la doctrine selon laquelle les molécules contenues dans les poussières fines ne subissent plus de réactions chimiques parce qu’elles font partie de la phase condensée. A la chambre à smog du PSI, ils ont analysé des composés chimiques directement dans les particules fines et observé la dégradation de molécules avec le dégagement d’acide formique dans l’atmosphère qui en résultait, par exemple. Ces éléments de connaissance vont permettre de mieux comprendre les processus qui ont lieu à l’échelle mondiale dans la formation des nuages et la pollution atmosphérique, mais aussi d’affiner les modèles correspondants. Ces résultats d’analyse paraissent à présent dans la revue spécialisée Science Advances.

Le promeneur qui sent l'odeur aromatique qui se dégage d'une forêt de conifères inhale de l'α-pinène (ou alpha-pinène). Il s'agit de l'un des composés organiques volatils que contiennent les huiles des conifères et est présent également dans l'eucalyptus et le romarin. Son odeur déclenche des sensations agréables chez la plupart des gens. Ce qui est moins agréable, en revanche, c'est que sous l'action de certains radicaux, l'α-pinène se transforme dans l'atmosphère en d'autres composés appelés molécules organiques hautement oxydées. Certaines de ces molécules sont des substances réactives, parfois nocives. Cela fait quelques années seulement qu'elles se trouvent dans la ligne de mire des chercheurs spécialistes de l'atmosphère et leur rôle dans la formation des nuages, par exemple, n'est pas encore bien compris.

Ces molécules organiques hautement oxydées sont moins volatiles que la substance de départ, l'α-pinène, et se condensent donc facilement. Avec des particules de poussière, et d'autres substances solides et liquides présentes dans l'air, elles forment ce que l'on appelle des particules fines ou aérosols.

«Jusqu'à maintenant, on pensait qu'une fois qu'elles se retrouvaient dans les particules fines, les molécules de ce type étaient protégées de transformations ultérieures, explique André Prévôt du Laboratoire de chimie de l'atmosphère au PSI. On croyait qu'elles ne changeaient plus une fois incorporées dans la particule, et qu'elles se répartissaient simplement dans l'atmosphère et finissaient par retomber avec la pluie.»

Mais, comme les chercheurs du PSI emmenés par André Prévôt viennent de le démontrer, cette opinion largement répandue ne correspond pas à la réalité: «Les réactions se poursuivent aussi dans les particules fines.» Les molécules restent réactives: soit elles réagissent les unes avec les autres pour former de plus grandes molécules, soit elles se désintègrent en dégageant par exemple de l'acide formique. Ce composé très répandu ne se retrouve pas seulement chez les fourmis et les orties, mais aussi dans l'atmosphère où il constitue un indicateur important de pollution de l'air.

Les observations des chercheurs du PSI contribuent à améliorer les modèles de simulation, par exemple ceux qui portent sur la formation des nuages et la pollution atmosphérique. Ces modèles reproduisent les processus qui se jouent dans l'atmosphère pour, par exemple, prédire l'impact d'une réduction de certaines émissions sur la qualité de l'air. 

De l'aérosol à l'appareil de mesure

Les chercheurs du PSI ont été les premiers à analyser des composés chimiques directement dans les particules fines, sous conditions atmosphériques. Pour ce faire, ils ont utilisé la chambre à smog du PSI dans laquelle il est possible de simuler les processus qui ont lieu dans l'atmosphère. Les chercheurs ont injecté une petite quantité d'α-pinène dans cette chambre et ont laissé le composé réagir avec ozone. Durant 15 heures, ils ont observé ce qui se passait et identifié les composés chimiques qui se formaient à partir de l'α-pinène et ceux qui finissaient par disparaître.

Ces observations ont été rendues possible grâce à ce que l’on appelle un EESI-TOF (extractive electrospray ionization time-of-flight mass spectrometer ou spectromètre de masse à temps de vol avec une source électrospray extractive). Il s’agit d’un nouvel appareil d’analyse que les chercheurs ont développé en collaboration avec l’entreprise Tofwerk, à Thoune, pour réaliser des mesures atmosphériques. «Cet appareil peut aussi détecter de grandes molécules directement dans l’aérosol, détaille Urs Baltensperger, spécialiste de chimie de l’atmosphère. Alors que les méthodes de mesure plus anciennes décomposent au préalable les molécules à haute température afin d’obtenir de plus petits fragments.» Le nouvel appareil ionise sans fragmentation. «Nous pouvons détecter chaque molécule séparément», précise encore Urs Baltensperger. 

Avec l'aide du PSI, Tofwerk a entre-temps commencé à commercialiser l'appareil pour que d'autres chercheurs spécialistes de l'atmosphère puissent eux aussi profiter de cette nouvelle méthode.

Mesures à Zurich

La nouvelle méthode d'analyse n'est pas seulement exploitable en laboratoire, elle peut aussi être utilisée directement sur le terrain. Durant l'hiver 2018/2019 et l'été 2019, des chercheurs du PSI s'en sont servi pour mesurer les particules fines présentes dans l'air dans la ville de Zurich.

Or il s'est avéré qu'en été, les particules fines zurichoises étaient composées pour un bon tiers de produits de réactions de l'α-pinène et de molécules similaires. En hiver, en revanche, ce sont les émissions des installations de chauffage au bois et leurs produits de réaction qui dominent.

Les chercheurs ont planifié des campagnes de mesure en Chine et en Inde, où ils comptent mener des analyses pour identifier les molécules qui se forment dans une métropole de plusieurs millions d'habitants.

Les résultats de l'analyse paraissent le 13 mars 2020 dans la revue spécialisée Science Advances.

Texte: Institut Paul Scherrer/Brigitte Osterath

 

A propos du PSI
L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes qu'il met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est une préoccupation centrale du PSI. C'est pourquoi environ un quart de nos collaborateurs sont des apprentis, des doctorants ou des postdocs. En tout, le PSI emploie 2100 collaborateurs, ce qui fait de lui le plus grand institut de recherche en Suisse. Son budget annuel s'élève à environ 407 millions de francs. Le PSI fait partie du domaine des EPF avec l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne et trois autres instituts de recherche: l'Eawag, l'Empa et le WSL.

 

Publication originale

On the fate of oxygenated organic molecules in atmospheric aerosol particles
V. Pospisilova, F. D. Lopez-Hilfiker, D. M. Bell, I. El Haddad, C. Mohr, W. Huang, L. Heikkinen, M. Xiao, J. Dommen, A. S. H. Prevot, U. Baltensperger, J. G. Slowik
Science Advances,
13. März 2020 (online)
DOI: 10.1126/sciadv.aax8922

 


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Auteur

Institut Paul Scherrer


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