Une vis soluble

Dübendorf, St. Gallen und Thun, 05.11.2019 - Lorsqu'un os éclate, les chirurgiens en réunissent les fragments au moyen de vis orthopédiques. Les vis en magnésium qui se dissolvent lentement dans le corps épargnent au patient une opération supplémentaire, réduisant d'autant les risques d'infection. Mais ce qu'il advient de ces implants dans le corps reste mal compris. Des chercheurs de l'Empa analysent les mécanismes de corrosion du magnésium pour mettre au point les meilleurs alliages et vis orthopédiques à surface fonctionnalisée.

Lorsqu'un chirurgien étudie la manière de fixer des fragments d'os à leur emplacement original, il peut choisir entre différents types de matériel d'ostéosynthèse. Il y a les vis et plaques de titane ou d'acier, mécaniquement très stables mais qu'il faudra retirer. Ou alors les prothèses en matière organique qui se dissolvent avec le temps mais présentent d'autres inconvénients tels qu'une moindre solidité et des produits de dégradation pas toujours inoffensifs. Des chercheurs de l'Empa étudient actuellement une autre approche: de petites prothèses et vis en magnésium qui sont mécaniquement stables et dont l'ultérieure dégradation dans le corps n'affecte pas les tissus.

Cette piste est particulièrement intéressante pour les interventions médico- orthopédiques sur les enfants dont l'ossature se développe rapidement. Les vis biodégradables n'entravent pas leur croissance. Elles dispensent en outre les jeunes patients d'une seconde intervention, ce qui réduit les risques d'infection et les coûts. «On voit plutôt le magnésium comme une poudre blanche souvent conseillée comme complément alimentaire», remarque Arie Bruinink du laboratoire «Technologie des assemblages et corrosion» de l'Empa. «Les implants en alliage de magnésium sont non seulement biocompatibles, mais présentent dans la première phase critique de la guérison des propriétés mécaniques semblables à celles des os, ce qui les rend même plus indiqués que les implants de titane.»

Merveilleux, mais cela peut aussi parfois mal tourner: le processus de dissolution du magnésium s'accompagne de mécanismes de corrosion complexes pouvant affecter les surfaces et produire diverses molécules. En fonction du type d'alliage de magnésium choisi, la dégradation peut s'accompagner de production d'hydrogène allant parfois jusqu'à la formation d'un coussinet gazeux sous la peau du patient. La dégradation des vis de magnésium par oxydation avec libération d'hydrogène est tout à fait souhaitable. Mais si la production d'hydrogène dépasse la capacité d'évacuation du corps, le processus de guérison des os encore fragiles est compromis.

La biocorrosion des vis de magnésium reste mal comprise. Les chercheurs de l'Empa en recréent les conditions de manière aussi réaliste que possible et l'étudient par des procédés analytiques développés sur place. Leur objectif: trouver les meilleurs alliages de magné- sium ou autres éléments biocompatibles, ainsi que de nouvelles fonctionnalités pour les surfaces de vis résorbables en magnésium. Enfin, réussir une désagrégation lente et contrôlée des implants prévenant toute formation de bulles de gaz dans les tissus.

«On sait déjà que la réaction varie selon l'acidité du tissu», explique Bruinink. En milieu légèrement acide, la corrosion du magnésium dégage de grandes quanti- tés d'hydrogène gazeux; lorsque le pH se déplace vers l'alcalin, la réaction produit entre autres des composés carbonatés qui risquent de bloquer le processus souhaité. En milieu de pH 7,4, comparable au sang, il se forme plutôt des hydroxydes de magnésium ou des liaisons phosphate qui entravent partiellement la poursuite de la corrosion. Le sang – de par son puissant mécanisme tampon – sait maintenir son pH dans une étroite fourchette. On a étudié en laboratoire des implants de magnésium dans un milieu tampon tout aussi puissant mais non physiologique. Bruinink juge toutefois cette approche peu réaliste.

«Le sang est un liquide très particulier!» constate le docteur Faust sous la plume de Goethe. On ignore en revanche ce qu'il pensait du liquide interstitiel. Pourtant, avec ses quelque dix litres, ce liquide salin et sous-estimé occupe plus de place que le sang. Il circule tranquillement entre les tissus et les cellules à la lenteur d'un escargot et se révèle d'une importance cruciale pour la conception des nouveaux implants. En effet, le processus de guérison des fractures, qui est sous le contrôle des cellules immunitaires, conjugue dégradation et reconstruction de l'os et se déroule essentiellement dans le liquide interstitiel.

L'acidité de ce liquide varie dans une fourchette bien plus importante que le sang. Selon la partie du corps ou l'état des tissus où elle est posée, la vis est soumise à des influences différentes. Pour prévoir de manière réaliste le processus corporel de biocorrosion, Bruinink a mis au point des outils de me- sure et des chambrettes d'écoulement microfluidique permettant d'étudier la régulation pH telle qu'elle se joue dans le corps. Le chercheur place ses échantillons d'alliage au magnésium dans une batterie de dix chambrettes où circule un liquide reproduisant fidèle- ment le liquide interstitiel, aussi tranquillement que dans le corps humain.

Le pH de chaque chambrette est mesuré et le liquide est en outre soumis à une analyse électrochimique de précision portant également sur le potentiel électrochimique et le changement d'impédance superficielle de l'alliage, un indicateur de corrosion et de formation d'hydrogène gazeux. «Les chambrettes sont de minuscules laboratoires simulant fidèlement la réalité de la corrosion», explique Bruinink. La prochaine étape sera d'y placer les échantillons d'al- liages en présence de cellules vivantes pour reproduire plus fidèlement encore ce qui se passe dans le corps. «Dès que nous aurons clarifié le mécanisme de biocorrosion des alliages de magnésium, nous pourrons doter les implants de surfaces fonctionnalisées pour, par exemple, stimuler la réactivité de l'environ biologique.»


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