Sommet sur les zones de haute montagne

Genève, 29.10.2019 - Discours du Conseiller fédéral Alain Berset à l’occasion du premier Sommet sur les zones de haute montagne à Genève – seules les paroles prononcées font foi.

C'est un honneur pour la Suisse d'accueillir ce premier sommet sur les zones de haute montagne. Nous remercions l'Organisation météorologique mondiale (OMM) d'avoir pris l'initiative d'organiser ce sommet, en collaboration avec d'autres organisations des Nations Unies, partenaires, scientifiques et donateurs.

Ce sommet a pour but de soutenir le développement durable dans les régions de montagne, conformément aux objectifs de développement durable de l'ONU. Et il y a urgence. La Suisse est un pays de montagnes - elles composent deux tiers de notre territoire - et l'urgence d'un tel sommet nous apparaît d'autant plus évidente.

Le réchauffement climatique entraîne en effet d'énormes bouleversements dans les zones de haute montagne où ses conséquences sont particulièrement visibles. Le changement de rythme des précipitations, la hausse de la limite de la neige ou encore la fonte des glaciers sont des facteurs qui perturbent le cycle de l'eau et qui influencent la disponibilité des ressources en eau pour les populations des régions de montagne. Et pas seulement pour elles, puisque les glaciers, la neige et le pergélisol régulent les ressources en eau douce pour environ la moitié de la population mondiale.

Les changements observés dans la cryosphère accroissent en outre le risque de catastrophes naturelles - éboulements, inondations, glissements de terrain - avec des conséquences dévastatrices pour les populations et les économies locales.

En Suisse, nous sommes particulièrement touchés par le phénomène du réchauffement climatique. Au cours des 150 dernières années, la température moyenne y a augmenté de 2°C, bien plus que la moyenne mondiale qui a enregistré un réchauffement global de 0,9°C. Conséquence : nous assistons à une diminution des réserves de neige et de glace dans les Alpes. Au cours des douze derniers mois, environ 2% du volume total des glaciers suisses ont été perdus[1]. Et sur les cinq dernières années, la perte a dépassé 10% - un phénomène jamais observé depuis plus de 100 ans.

Depuis le début du 20e siècle, 500 glaciers suisses ont complètement disparu, et les quelque 4000 glaciers alpins restants risquent de fondre de plus de 90% d'ici à la fin du siècle, si rien n'est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique.

Le réchauffement climatique est essentiellement d'origine humaine et nous devons prendre des mesures pour le limiter. Sans tarder. Nous devons tous nous mobiliser - responsables politiques ou économiques, chercheuses et chercheurs et société civile. La jeune génération - et les électrices et électeurs - nous montre la voie à suivre. Elle nous demandera des comptes si nous n'entreprenons rien de concret ni de crédible.

L'Accord de Paris a marqué un tournant historique. Il s'agit maintenant de passer à la mise en œuvre pour limiter le réchauffement climatique du globe à 1,5°C ou 2°C, par rapport à la période préindustrielle.

Le secrétaire général de l'ONU l'a bien résumé, lors du sommet sur l'action pour le climat il y a un mois à New York : « Les pays doivent impérativement renforcer leurs stratégies pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l'Accord de Paris, et rehausser leurs ambitions pour lutter contre les changements climatiques. » Fait positif : 77 pays, dont la Suisse, se sont engagés à éliminer totalement leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050.

Il nous reste toutefois beaucoup à faire et il importe de définir, de toute urgence, des mesures prioritaires et coordonnées pour faire face aux changements brusques et durables que subit la cryosphère. 

Dans ce contexte, l'OMM a un rôle crucial à jouer. Spécialiste des questions liées au climat et au cycle de l'eau, elle est un acteur clef pour relever les défis actuels. Un des défis majeurs consiste à disposer de données de qualité. La communauté internationale a en effet besoin d'informations climatologiques et hydrométéorologiques fiables et scientifiquement fondées pour comprendre et appréhender l'évolution du climat.

Elément central de la surveillance des régions de montagne, les mesures in situ et à distance, telles que les mesures satellitaires, permettent d'informer les décideurs politiques et d'alerter la population en cas d'événements critiques. Elles permettent de renforcer la capacité à s'adapter aux changements climatiques et facilitent la prise de décision des responsables politiques afin de garantir une gestion rationnelle des risques à l'échelle nationale et locale.

L'autre grand défi est de coordonner les efforts entre les différents acteurs. Car les changements climatiques et leurs effets sur la nature ne connaissent pas de frontières. Une collaboration étroite entre les différentes agences surveillant le climat, la météorologie, l'hydrologie et la cryosphère est nécessaire. Et des processus optimisés tout le long de la chaîne - de la communauté scientifique jusqu'aux autorités - s'imposent.

Le besoin d'une collaboration étroite existe dans toutes les régions de montagne, en particulier dans les pays en développement. Car dans ces pays, les moyens financiers et organisationnels sont souvent insuffisants pour mettre sur pied les mesures nécessaires. L'alliance de l'ONU Mountain Partnership, dont la Suisse est membre, joue à ce titre un rôle important. Elle a en effet pour objectif de réunir les différents partenaires et acteurs pour qu'ils partagent leurs connaissances et coordonnent leurs politiques et investissements dans les zones de montagne.

La Suisse participe également activement à des programmes de recherche suprarégionaux et internationaux destinés à mieux comprendre le réchauffement climatique et ses effets sur l'environnement. Elle met aussi à disposition d'autres pays son savoir en matière d'observation de processus hydrologiques et climatiques dans les régions de montagne. Des capacités de recherche ont pu ainsi être développées dans la région de l'Himalaya.

La Suisse a aussi soutenu les autorités péruviennes pour la mise sur pied d'une surveillance des glaciers et d'un système d'alerte en cas d'écroulement. La collaboration que nous avons développée au niveau de l'arc alpin est un modèle qui a fait ses preuves et qui pourrait inspirer d'autres régions montagneuses.

Le temps presse. La réduction des émissions de CO2 doit rester la priorité absolue des politiques climatiques nationales et internationales. C'est le seul moyen de limiter le changement climatique et de protéger les sources d'eau potable que sont les montagnes et, avec elles, l'ensemble de ces territoires qui regroupent une faune, une flore et un habitat déjà fragilisés.

Tous les acteurs et tous les domaines de la société - l'énergie, l'agriculture, l'industrie, les transports, l'immobilier - sont appelés à agir. Nous avons tous intérêt à adapter notre manière de vivre pour respecter les objectifs d'un développement durable. Car les coûts et les risques liés à l'inaction seront très élevés.

Je vous souhaite d‘intéressantes et fructueuses discussions.



[1] Selon une étude de l'Académie suisse des sciences naturelles.


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