Les procédés d’imagerie du PSI aident les fusées à décoller

Villigen, 21.06.2019 - Certaines fusées de l’Agence spatial européenne (ESA) décollent vers l’espace avec le soutien de l’Institut Paul Scherrer. Des images réalisées au PSI garantissent l’assurance qualité de composants des lanceurs de type Ariane 5 et Vega, en coopération avec l’entreprise Dassault Aviation. Les chercheurs du PSI utilisent les neutrons générés à la source de neutrons SINQ pour radiographier des composants dits pyrotechniques qui sont intégrés dans les fusées de l’ASE. Ces composants servent de cordeaux détonant ou de charge d’allumage et assurent, entre autres, le largage des boosters au centième de seconde près. Le lancement d’Ariane du 20 juin a également impliqué des composants qui avaient été analysés au PSI.

La source de neutrons de l’Institut Paul Scherrer PSI permet d’étudier certains composants avant que ces derniers ne soient intégrés aux lanceurs de type Ariane 5 et Vega. Ces fusées développées par l’Agence spatiale européenne (ASE) acheminent dans l’espace des satellites et d’autres engins spatiaux non habités. Les éléments analysés au PSI sont ce qu’on appelle des composants pyrotechniques qui jouent un rôle décisif pendant le vol de la fusée: remplis d’explosif, ils agissent soit comme un cordeau détonant, soit pour déclencher une série d’effets souhaités. Les éléments qui ont assuré le décollage réussi de la fusée Ariane 5 le 20 juin dernier avaient eux aussi été analysés au PSI plusieurs mois auparavant.

Des neutrons au service de l’assurance qualité

Les composants pyrotechniques utilisés dans les fusées Ariane 5 et Vega sont faits d’une gaine métallique remplie d’un explosif. «Les transmissions de signaux pyrotechniques fonctionnent comme dans un effet domino», explique Christian Grünzweig, physicien et membre du groupe de recherche Imagerie neutronique et matériaux appliqués au PSI. Une fois déclenché – allumé en l’occurrence – le signal passe plus loin et déclenche d’autres détonations le long de la ligne de manière ciblée. «Et comme avec les dominos, une fois que c’est terminé, ça l’est pour de bon: les composants pyrotechniques ne peuvent vivre qu’une seule combustion, souligne le chercheur. Il est impossible de tester en amont s’ils vont fonctionner de manière fiable.»

Les radiographies classiques ne sont pas suffisantes pour procéder à un contrôle, car les rayons X ne peuvent pratiquement pas traverser les métaux. «Mais la bonne nouvelle, poursuit Christian Grünzweig, c’est que notre imagerie neutronique peut souvent être utilisée là où les rayons X échouent.» Les neutrons – qui sont les composants de charge électrique nulle des atomes – traversent en effet sans difficulté la plupart des métaux, y compris le plomb. «L’explosif, en revanche, contient notamment des atomes d’hydrogène qui affaiblissent nettement le faisceau de neutrons, ce qui met l’explosif en évidence sous forme de contraste sombre, précise encore le chercheur. Bref, il n’y a que les neutrons qui permettent de visualiser de l’explosif protégé par du métal.»

Les radiographies neutroniques sont ensuite analysées par des collaborateurs du constructeur aéronautique Dassault Aviation. Ces derniers vérifient par exemple si l’explosif a été introduit comme prévu et sans défaut dans les composants. Ce point est décisif, car une imperfection dans la répartition de l’explosif interromprait l’effet domino lors de la combustion, ce qui rendrait les composants inutilisables. Le lancement récent de la fusée a été le premier effectué depuis la signature en avril de cette année d’un accord officiel de coopération entre le PSI et Dassault Aviation.

Jusqu’au largage du satellite

Même si de prime abord la juxtaposition des éléments pyrotechnique ressemble à un simple cordeau détonant, sa mission dans la navigation spatiale est autrement plus complexe. Alors que des cordeaux détonants assurent une simple propagation du signal, il existe encore une multitude d’autres composants pyrotechniques. Certains multiplient le signal: à un cordeau entrant succèdent jusqu’à neuf cordaux sortants et donc neuf signaux sortants. À d’autres endroits, des cordeaux détonants forment des boucles pour transmettre le signal en différé jusqu’à un lieu donné. Là, ils déclenchent ensuite de minuscules détonations, au terme desquelles des lames, par exemple, sectionnent certaines attaches correspondantes. De cette manière, les deux boosters qui forment ensemble le premier niveau d’accélération sont largués de manière parfaitement synchronisée. Le revêtement protecteur de la charge utile est largué de manière analogue pendant la suite du vol de la fusée. Quant à la charge utile proprement dite, c’est-à-dire le satellite ou un autre engin spatial, elle est finalement larguée du lanceur par le biais d’une autre détonation.

«Plusieurs processus décisifs sont intégralement initiés par les éléments pyrotechniques, dont l’allumage initial se produit au moment du lancement de la fusée», explique David Mannes, chercheur lui aussi du groupe Imagerie neutronique et matériaux appliqués au PSI.

Les avantages divers et variés de l’imagerie neutronique

L’imagerie neutronique n’est possible que dans quelques centres de recherche dans le monde et, en Suisse, elle l’est uniquement au PSI où elle est établie depuis de nombreuses années et accessible à l’industrie. Avec cette méthode, il est possible de visualiser l’intérieur de matériaux et de composants sans endommager ces derniers, ce qui permet de répondre à toutes sortes de questions d’ordre scientifique ou encore de résoudre certains problèmes rencontrés dans le domaine technique et dans l’industrie. Les radiographies neutroniques d’un buste en or de l’empereur romain Marc-Aurèle datant du IIe siècle apr. J.-C. ont ainsi permis, par exemple, de mettre en évidence de nouveaux éléments de connaissances sur le procédé utilisé pour sa fabrication. Des images réalisées par Christian Grünzweig et David Mannes ont aidé l’industrie pharmaceutique à comprendre les processus qui se jouent lors du stockage de seringues préremplies. Quant au site ABB de Wettingen, en Argovie, grâce à des radiographies neutroniques réalisées au PSI, il a pu bénéficier de certaines recommandations pour augmenter sa production de composants céramiques.

Texte: Institut Paul Scherrer/Laura Hennemann

 

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