Nouveau matériau avec mémoire de forme magnétique

Villigen, 04.06.2019 - Des chercheurs de l’Institut Paul Scherrer PSI et de l’ETH Zurich ont développé un nouveau matériau dont la mémoire de forme est activée par magnétisme. Il s’agit d’un matériau constitué de deux composants. Une fois qu’une forme donnée lui a été imprimée, il la conserve lorsqu’il se trouve dans un champ magnétique. Particularité de ce nouveau matériau composite: contrairement aux matériaux à mémoire de forme développés jusqu’ici, il a été réalisé dans un polymère qui renferme des gouttelettes d’un fluide dit magnétorhéologique. Les domaines d’application de ce nouveau type de matériau composite sont par exemple la médecine, la navigation spatiale, l’électronique ou encore la robotique. Les chercheurs viennent de publier leurs résultats dans la revue spécialisée Advanced Materials.

On dirait un tour de magie: un aimant s'éloigne d'une bande noire recourbée en forme de boucle et celle-ci se déroule pour redevenir droite, sans autre intervention (voir vidéo). Ce phénomène magique en apparence s'explique par le magnétisme. La bande noire a en effet été réalisée dans un matériau constitué de deux composants: un polymère à base de silicone et des gouttelettes d'eau et de glycérine dans lesquelles sont en suspension de minuscule particules de fer-carbonyle. Ce sont ces particules qui assurent les propriétés magnétiques du matériau composite et sa mémoire de forme. Si l'on contraint le composite à l'aide d'une pince dans une forme donnée et qu'on l'expose à un champ magnétique, il conserve sa forme, même lorsqu'on ôte la pince. C'est seulement quand on retire le champ magnétique qu'il retrouve sa forme d'origine.

Les matériaux comparables disponibles à ce jour sont constitués d'un polymère qui renferme des particules métalliques. Les chercheurs du PSI et de l'ETH Zurich, eux, ont inséré les particules métalliques dans le polymère à l'aide de gouttelettes d'eau et de glycérine. Ils ont créé ainsi une dispersion, comme celle qu'on trouve dans le lait, où de minuscules gouttelettes de graisse sont finement réparties dans une solution aqueuse. Ce sont elles notamment qui sont responsables de la coloration blanche du lait.

Dans le nouveau matériau, les gouttelettes de fluide qui renferment les particules magnétiques se répartissent avec une finesse similaire. «Comme la phase sensible au magnétisme dispersée dans le polymère est un fluide, les forces produites par l'application d'un champ magnétique sont nettement plus importantes que celles connues jusqu'ici», explique Laura Heyderman, responsable du groupe de recherche Systèmes mésoscopiques au PSI et professeure à l'ETH Zurich. Lorsqu'un champ magnétique agit sur le matériau composite, ce dernier se fige. «Ce nouveau concept de matériau n'a pu émerger que grâce à la collaboration de groupes dotés d'une expertise venue de deux domaines complètement différents: les matériaux magnétiques et les matériaux mous», souligne encore Laura Heyderman.

Mémoire de forme due à un alignement par rapport au champ magnétique

Les chercheurs ont étudié le nouveau matériau entre autres à l'aide de la Source de Lumière Suisse SLS du PSI. Les images par tomographie à rayons X qu'ils y ont réalisées leur ont permis de constater que la longueur des gouttelettes dans le polymère s'allongeait sous l'action d'un champ magnétique et que les particules de carbonyl-fer dans le fluide s'alignaient au moins partiellement suivant les lignes de champ magnétique. Conséquence de ces deux phénomènes: la rigidité du matériau testé augmente jusqu'à 30 fois.

Outre une plus grande solidité, le fait que la mémoire de forme du nouveau matériau soit activée par des champs magnétiques offre un autre avantage. La plupart des matériaux à mémoire de forme réagissent aux variations de température. Dans le cas des applications dans le domaine médical, cela fait surgir deux problèmes. Premièrement, une chaleur trop élevée endommage les cellules de l'organisme. Deuxièmement, le réchauffement régulier d'un objet à mémoire de forme ne peut pas toujours être garanti. L'activation de la mémoire de forme par un champ magnétique permet de contourner ces deux inconvénients.

Des matériaux mécaniquement actifs pour la médecine et la robotique

«Avec notre nouveau matériau composite, nous avons encore franchi une étape importante vers la simplification des composants dans des domaines d'application très divers, comme la médecine et la robotique, se réjouit Paolo Testa, chercheur en sciences des matériaux à l'ETH Zurich et au PSI ainsi que premier auteur de l'étude. Notre travail sert donc de point de départ pour une nouvelle classe de matériaux mécaniquement actifs.»

De nombreuses applications pour des matériaux à mémoire de forme sont en effet imaginables dans les différents secteurs: la médecine, la navigation spatiale, l'électronique ou encore la robotique. A l'instar de cathéters capables de modifier leur degré de rigidité, qui pourraient être insérés dans l'organisme lors d'interventions peu invasives pour être acheminés par les vaisseaux sanguins jusqu'au site de l'opération. L'avantage serait qu'ils se figeraient uniquement aux moments nécessaires et engendreraient par conséquent moins d'effets indésirables comme les thromboses lors de leur progression par les vaisseaux sanguins. Dans le secteur spatial, il existe une demande pour des matériaux à mémoire de forme utilisables pour un type de pneus destinés aux véhicules d'exploration, qui seraient capables de se gonfler ou de se replier de manière autonome. Dans l'électronique, on utilise les matériaux fonctionnels mous pour fabriquer des câbles électriques et des câbles de données flexibles, par exemple dans ce qu'on appelle la technologie mettable (ou «wearables»), c'est-à-dire des appareils que l'on porte dans ses vêtements ou directement à même le corps. La mémoire de forme ouvre aussi de nouvelles possibilités dans la robotique, où de tels matériaux sont capables d'exécuter des mouvements mécaniques sans l'intervention d'un moteur.

Les chercheurs publient à présent leurs résultats dans la revue spécialisée Advanced Materials.

Texte: Institut Paul Scherrer/Sebastian Jutzi

 

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