Vers de nouveaux transistors de puissance

Villigen, 11.07.2018 - L'industrie de l'électronique attend d'un nouveau type de transistor de puissance en nitrure de gallium qu'il offre des avantages considérables par rapport aux transistors à haute fréquence qui sont utilisés aujourd'hui. Mais de nombreuses propriétés fondamentales du matériau ne sont pas encore connues. Pour la première fois, des chercheurs du PSI ont visionné un flux d'électrons dans le transistor en question. Pour ce faire, ils ont utilisé la source de rayons X mous la plus puissante au monde, qui se trouve à la Source de Lumière Suisse SLS du PSI. Les chercheurs du PSI ont mené cette expérience unique en son genre avec des collègues de Russie et de Roumanie. Leur résultat: lorsqu'on étudie le transistor en nitrure de gallium en régime à haute tension, on constate que les électrons se déplacent plus efficacement dans certaines directions. Des éléments de connaissance qui permettront de développer les transistors plus rapides et plus performants. Ceux-ci sont une condition indispensable pour le passage de nos réseaux de communication au standard 5G à venir. Les chercheurs viennent de publier leurs résultats dans la revue spécialisée Nature Communications.

Les smartphones, et de manière générale les technologies de communication mobile du futur proche, auront impérativement besoin d'une nouvelle génération de composants à semiconducteurs: le standard courant actuel 3G/4G de notre communication mobile atteint les limites de ses capacités. Dès 2020, son successeur, le standard 5G, devrait être disponible dans le commerce. Il offrira de plus hautes fréquences (jusqu'à 100 gigahertz), un débit plus élevé de transmission de données (jusqu'à 20 Gbps), de plus grandes densités de réseau et une meilleure efficacité énergétique. Toutefois, les transmetteurs à haute fréquence plus puissants nécessaires à cet effet ne sont pas réalisables avec des transistors traditionnels et la technologie conventionnelle des semi-conducteurs. Dans le monde entier, des chercheurs travaillent donc à une alternative: des transistors à haute mobilité d'électrons (HEMT ou high electron mobility transistors). Dans un HEMT, les électrons peuvent se déplacer librement entre deux semi-conducteurs différents, à l'intérieur d'une couche d'un millionième de millimètre d'épaisseur. Dans le cadre de leur expérience, Vladimir Strocov du PSI et ses collègues ont cherché à savoir dans quelle mesure la construction astucieuse d'un HEMT pouvait contribuer à assurer un flux d'électrons optimal. Leur résultat: lorsqu'on étudie le transistor en nitrure de gallium en régime à haute tension, on constate que les électrons se déplacent plus efficacement dans certaines directions.

Des électrons libres de leurs mouvements

Les semi-conducteurs sont les composants fondamentaux de tous les circuits miniaturisés et de toutes les puces informatiques. Ils ne conduisent le courant que si on les prépare de manière particulière. Dans les composants semi-conducteurs classiques, comme les transistors, cela se fait par l'intégration ciblée d'atomes d'un élément chimique complémentaire. Mais ces atomes étrangers ralentissent le mouvement des électrons. Dans les HEMT, le problème est élégamment résolu. On y met en contact des combinaisons adéquates de matériaux semi-conducteurs purs en une espèce de sandwich, de sorte qu'une mince couche conductrice d'un millionième de millimètre se forme à l'interface. Cela permet de se passer des atomes étrangers. Cette idée, qui a été formulée pour la première fois au début des années 1980 par le Japonais Takashi Mimura, est déjà exploitée aujourd'hui dans les circuits à haute fréquence de tous les smartphones. Dans la pratique, toutefois, le fait que l'agencement des atomes dans un semi-conducteur forme une structure cristalline particulière joue un rôle également. Le HEMT de nitrure d'aluminium et de nitrure de gallium analysé par Vladimir Strocov et son équipe, par exemple, présente une symétrie sextuple au niveau de son interface: il existe donc six directions équivalentes le long des chaînes d'atomes. Pour étudier le flux d'électrons à l'intérieur de l'interface, les chercheurs ont placé leur HEMT dans un microscope très particulier, puisqu'il n'étudie par les positions des électrons, mais leurs vitesses de propagation. Ce microscope est la source la plus intense au monde de rayons X mous: la ligne de faisceaux ADRESS de la Source de Lumière Suisse (SLS).

Expérience sur un transistor vivant

La dénomination technique de cette méthode d'analyse est APRES (pour angle-resolved photoelectron spectroscopy ou spectroscopie photoélectronique résolue en angle). Jusque-là, elle avait été utilisée avec des sources lumineuses dans le domaine de l'ultraviolet. Vladimir Strocov et son équipe se sont servis, eux, de la lumière de type rayons X à plus haute énergie de la SLS. Cela leur a permis de soulever les électrons du fond de la couche conductrice du HEMT et ensuite de les diriger dans un instrument de mesure qui déterminait leur énergie, leur vitesse et leur direction. Ainsi, ils ont donc mené, pour ainsi dire, une expérience sur un transistor vivant. C'est la première fois que l'on réussit à visualiser les propriétés fondamentales d'électrons dans un hétérostructure semi-conductrice, souligne Vladimir Strocov.

Poussée de puissance pour les réseaux mobiles

L'intensité élevée du rayonnement à la SLS – qui dépasse celle de toutes les installations comparables – a joué un rôle décisif, confirment Leonid Lev et Ivan Maiborod de l'Institut Kourtchatov, en Russie, où les HEMT ont été produits: L'instrumentation unique de la SLS nous a fourni des résultats scientifiques extrêmement importants. Elle nous a montrée la voie pour développer des structures HEMT avec une fréquence de travail plus élevée et une plus grande puissance. La préférence des électrons pour une certaine direction de flux peut être exploitée sur la plan technique, relève Vladimir Strocov: Si nous dirigeons les atomes dans le HEMT en nitrure de gallium de telle sorte qu'ils coïncident avec la direction d'écoulement des électrons, nous obtenons un transistor nettement plus rapide et plus puissant. Avec pour conséquence une poussée de puissance pour la technologie 5G. Aujourd'hui déjà, le HEMTS en nitrure de gallium que les scientifiques viennent d'étudier est promis à un bel avenir dans le domaine du développement de nouveaux transmetteurs. Les éléments récemment mis en évidence par l'expérience permettront d'améliorer d'environ 10% la performance des transmetteurs selon les chercheurs. Pour les réseaux mobiles, cela signifie qu'il faudra moins d'antennes-relais pour obtenir la même couverture réseau et la même performance, avec à la clé des économies de plusieurs millions de francs au niveau des coûts d'entretien et des coûts énergétiques.

Texte: Jan Hattenbach

 

À propos du PSI

L'Institut Paul Scherrer PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à la disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de l'institut sont centrés sur la matière et les matériaux, l'énergie et l'environnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, étant ainsi le plus grand institut de recherche de Suisse. Le budget annuel est d'environ CHF 390 millions. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant l'ETH Zurich, l'EPF Lausanne, l'Eawag (Institut de Recherche de l'Eau), l'Empa (Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage).

 

Publication originale

k-space imaging of anisotropic 2D electron gas in GaN/GaAlN high-electron-mobility transistor heterostructures
L. L. Lev, I. O. Maiboroda, M.-A. Husanu, E. S. Grichuk, N. K. Chumakov, I. S. Ezubchenko, I. A. Chernych, X. Wang, B. Tobler, T. Schmitt, M. L. Zanaveskin, V. G. Valeyev & V. N. Strocov
Nature Communications, 11 July 2018 (online)
DOI: 10.1038/s41467-018-04354-x

 

 


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Dr. Mirjam van Daalen
Responsable de la communication
Paul Scherrer Institut
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Auteur

Institut Paul Scherrer


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