Les gestations réussies sont-elles influencées par des signaux sociaux dépendants du CMH ? Une analyse chez les chevaux

Berne, 06.12.2017 - L’organisme femelle s’interroge et décide s’il veut maintenir une gestation ou non. Il fait cela non seulement par le choix du partenaire, mais aussi après la fécondation. Les signaux de ce mécanisme sont associés au CMH (complexe majeur d’histocompatibilité) du partenaire. Ces nouveaux résultats sont le fruit d’une collaboration de recherche entre les Universités de Berne, Lausanne et Hanovre ainsi qu’avec le Haras national suisse d’Agroscope à Avenches sur l’étude de la fertilité du cheval et sont maintenant publié pour la première fois dans le journal renommé «Royal Society journal Proceedings B».

De très nombreuses gestations se terminent par un avortement spontané, ayant souvent lieu entre la fécondation de l’ovule et la détection de la grossesse. Chez l’homme, on estime que 20 à 70% des ovocytes fécondés et des embryons précoces meurent spontanément pendant cette période. Les défauts génétiques de l’embryon précoce ou les problèmes de santé de la mère sont bien sûr des explications probables pour un grand nombre de ces pertes. Mais il est également possible que l’issue d’une gestation dépende de la situation sociale de l’organisme maternel. Ainsi, une hypothèse possible serait que les embryons fécondés soient susceptibles ou non d’être acceptés par l’organisme maternel en fonction de la préférence de ce dernier envers les différents pères potentiels.

Il n’est cependant pas aisé de prédire quel mâle sera perçu par l’organisme féminin comme un «père préféré». L’équipe de chercheurs s’est donc concentrée sur les gènes du CMH. Ces gènes jouent d’une part un rôle très important dans le fonctionnement du système immunitaire et d’autre part peuvent influencer les odeurs corporelles et donc le choix du partenaire. Diverses études expérimentales chez l’humain, la souris, le cheval et d’autres vertébrés ont montré que les odeurs corporelles d’individus possédant un type de CMH dissimilaire étaient préférées à celles provenant d’individus au CMH similaire. Ces préférences olfactives semblent cibler la production d’un mélange varié de gènes du CMH chez les descendants. Effectivement, dans la population humaine se trouve un mélange disproportionné des gènes du CMH. Si les gènes du CMH affectent non seulement le choix du partenaire, mais aussi la fertilité, alors on peut s’attendre à ce que les couples avec des types de CMH similaires mettent plus de temps à atteindre une grossesse que les couples avec des types de CMH dissimilaires. Cette hypothèse a pu être confirmée. Chez les huttérites, un groupe religieux dans lequel la contraception est désapprouvée, plus le temps entre les naissances dans un couple est long, plus l’homme et la femme ont des types de CMH similaires. Cependant, ces premières observations ne sont pas encore concluantes. Il fallait une expérience étroitement contrôlée. Un travail de recherche a donc été mené sur des chevaux en collaboration entre les Universités de Berne, Lausanne et Hanovre (Allemagne) ainsi qu’avec le Haras national suisse d’Agroscope à Avenches.

«Pour notre expérience, nous avons pu profiter du fait que les juments sont amenées au Haras national pour l’insémination et qu’elles sont détenues en contact avec un étalon du Haras dans la même écurie», explique le responsable de l’étude Dominik Burger de l’Institut suisse de médecine équine. Cet «étalon stimulateur» possédait soit un CMH dissimilaire, soit un CMH similaire à celui de la jument, c’est-à-dire que l’étalon et la jument n’avaient soit aucun, soit au minimum un antigène CMH commun. L’insémination a ensuite été réalisée avec du sperme d’un autre étalon, comme le veut la pratique dans l’élevage de chevaux, sélectionné par le propriétaire de la jument. «Ainsi, la jument n’a eu aucun contact social avec le père de son embryon. Selon l’hypothèse susmentionnée, l’organisme de la jument devrait estimer que l’étalon stimulateur est le père de l’embryon et si les odeurs dépendantes du CMH augmentent effectivement la fertilité, nous nous attendons à des taux plus élevés de gestation chez les juments qui ont été exposées à un étalon avec un type de CMH dissimilaire que chez celles qui ont été exposées à un étalon avec un type de CMH similaire. Nous avons testé les réactions de 191 juments et nous avons trouvé que les stimuli sociaux dépendant du CMH au moment de l’ovulation influencent réellement le succès de la gestation.» En effet, le taux de gestation chez les juments exposées à des étalons stimulateurs avec un type de CMH dissimilaire a été en moyenne 20 points de pourcentage supérieur à celui des juments exposées à des étalons avec un type de CMH similaire.

Dominik Burger (ISME Université de Berne et Agroscope) et Claus Wedekind (Université de Lausanne) ajoutent : «Nous concluons sur la base de nos résultats que l’organisme femelle a un contrôle important sur la reproduction sur au moins deux plans : d’une part sur le choix du partenaire et d’autre part par la résorption spontanée de l’embryon précoce, avant même que la gestation soit détectée. Lors de notre expérience avec des chevaux, nous avons testé une hypothèse qui devrait en principe s’appliquer généralement aux vertébrés à fécondation interne.» Il existe une forte probabilité que ce contrôle maternel sur la reproduction ait également lieu chez de nombreux autres mammifères – y compris l’homme.


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