La protection des eaux, un défi pour l’agriculture

Dubendorf, 05.09.2017 - Étangs asséchés, ruisseaux mis sous terre, pollution due aux engrais et aux pesticides – le bilan des atteintes portées par l’agriculture à l’eau et aux cours d’eau est lourd. Vouloir le réduire est un défi de taille non seulement pour l’agriculture, mais aussi pour l’ensemble de la société. En effet, l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires est un objectif tout aussi important. À la journée d’information de l’Eawag, des professionnels démontrent qu’il est possible d’aborder les conflits entre l’intérêt économique et la protection en menant un dialogue objectif, en se fixant des buts transparents et en prenant toute une série de mesures.

 

 

Il est certain que, sous l’effet du changement climatique et de la croissance démographique, les conflits entre la protection des eaux et l’agriculture ne sont pas près de s’atténuer. Il est donc urgent de dialoguer dans la société et les milieux politiques sur les objectifs qu’il importe de se fixer et la démarche qui permettra de les réaliser. La recherche fournit des éléments de réponse pratiques : Cette année, l’Eawag a donc intitulé sa journée d’information : « L’agriculture et les cours d’eau – des approches de solution aux défis actuels ». À Dübendorf, près de 300 experts issus des milieux scientifiques, administratifs et politiques se penchent aujourd’hui sur la situation actuelle empreinte de tensions. Voici quelques priorités émanant des dix exposés. Pour plus de détails, veuillez consulter les actes de conférence (pdf).

 

Décider en ayant conscience des conséquences

« La science à elle seule ne peut résoudre les conflits d’objectifs entre protection et production », estime Christian Stamm, expert dans le domaine de l’eau et de l’agriculture à l’Eawag. En effet, les conflits s’accompagnent toujours d’un arbitrage entre différents objectifs. Pour cela, la recherche peut mettre à disposition des méthodes d’aide à la décision, permettant de présenter clairement les répercussions des possibilités d’action. La recherche peut aussi contribuer à trouver des solutions en développant de nouvelles techniques de production, comme par exemple des robots, qui ne pulvériseraient de produits phytosanitaires que là où c’est nécessaire, au lieu de soumettre des champs entiers à un traitement aux herbicides. Cela suffit-il à assurer une agriculture à la fois durable et intensive ? Stamm ne le pense pas : « Il est probable que les consommatrices et consommateurs aussi devront adapter leurs exigences en matière de denrées alimentaires. »

 

Aménager de nouveaux étangs et de nouvelles mares

Pour gagner des terres arables, on a rectifié et canalisé des rivières pendant des décennies. En mettant en œuvre des programmes de revitalisation, les cantons tentent de renverser la vapeur. Souvent, les petits plans d’eau en marge sont oubliés. Près de 90 % des étangs et mares ont été sacrifiés à l’intensification de l’agriculture, commente le biologiste Beat Oertli de la Haute École Spécialisée de Suisse Occidentale à Genève. C’est, selon lui, une énorme perte pour la biodiversité, car les étangs sont des points chauds de biodiversité. En Suisse, on ne dénombre plus aujourd’hui que huit petits plans d’eau pour dix kilomètres carrés. Dans les zones où l’on pratique l’agriculture intensive, il est rare d’en trouver encore un sur une même surface. C’est aussi une perte pour d’autres services écosystémiques, comme par exemple l’épuration de l’eau, la rétention des crues ou la protection contre l’érosion. Les drainages et remblais mettent en danger non seulement certains étangs, mais aussi tout le réseau de petits plans d’eau d’une zone. Oertli demande par conséquent de mieux protéger les étangs restants et, à chaque fois que cela est possible, d’en aménager de nouveaux ainsi que suffisamment de larges zones riveraines. « L’idée n’est ni insensée, ni complexe à réaliser, ni même très chère », conclut Oertli.

 

Offrir plus de temps de récupération aux organismes aquatiques

Au niveau des rivières, en dehors de la stabilisation des rives, c’est surtout la charge polluante qui pèse dans la balance. Des analyses ont permis d’identifier plus d’une centaine de substances actives entrant dans la composition de produits phytosanitaires – parfois à des concentrations toxiques. Selon Heinz Singer, chimiste de l’environnement à l’Eawag, « le problème réside dans le fait que l’observation des différentes substances actives ne suffit pas. Certains organismes peuvent subir des dommages chroniques du fait des concentrations durablement élevées et des mélanges de substances présents dans les ruisseaux. » Pendant toute la période végétative, il n’y a guère de moments pendant lesquels l’eau est exempte ou quasi exempte de polluants. Ainsi, les organismes aquatiques sensibles n’ont pas le temps de récupérer. Singer estime par conséquent que seul un large éventail de mesures peut améliorer la situation, ainsi que le prévoit le plan d’action Produits Phytosanitaires de la Confédération.

 

Des mesures exigeantes nécessitent un engagement résolu

Christian Leu, Chef de la section Qualité de l’eau à l’Office fédéral de l’environnement, place beaucoup d’espoir dans le « plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires » qui devrait être présenté cet automne encore au Conseil fédéral. La nécessité d’agir en faveur des cours d’eau est grande, mais des solutions existent : Promouvoir de nouvelles prescriptions d’utilisation en matière d’homologation, utiliser moins de produits chimiques, veiller grâce une bonne pratique et de nouvelles technologies à ce que moins de produits chimiques viennent polluer les eaux tout en assurant malgré tout la protection des cultures – voilà les piliers majeurs de ce plan. Cependant, selon Leu, il serait important d’optimiser aussi les analyses des cours d’eau. Ce serait la seule stratégie permettant de vérifier si la qualité des eaux s‘améliore vraiment. « Les mesures sont exigeantes. Pour les mettre en œuvre, toutes les parties prenantes doivent faire preuve de solidarité et d’engagement », déclare le représentant de l’OFEV en conclusion.

 

L‘OFA invite l’agriculture suisse à jouer un rôle de pionnier

Les prestations doivent être fournies, dans la mesure du possible, dans un plus grand respect des principes écologiques appliqués jusqu’ici et valorisées, déclare Eva Reinhard, directrice adjointe de l’Office fédéral de l’agriculture (OFA). L’objectif consiste à assumer à l’échelle internationale un rôle de pionnier sur le plan de l’efficacité d’utilisation des ressources. La force d’innovation, l’esprit d’entreprise et la connaissance des services écosystémiques jouent un rôle central à cet égard. Dès 2022, la politique agricole devra faire le lien entre les domaines du marché, de l’environnement et des ressources naturelles et les entreprises agricoles afin d’ouvrir des perspectives au secteur agro-alimentaire. La représentante de l’OFA estime qu’il importe de vérifier les mesures et objectifs actuels et de les remettre en question, si nécessaire. Selon elle, la recherche joue un rôle crucial dans cette évolution et mise sur des nouveaux systèmes d’incitations et technologies ainsi que sur une numérisation croissante de l’agriculture. Il conviendrait de tenir compte des aspects spécifiques aux sites, ce qui nécessite des méthodes optimisées permettant d’évaluer les services écosystémiques et des systèmes de suivi valables.

 


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Eawag: L'Institut de Recherche de l'Eau du Domaine des EPF
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