Vignerons suisses sous pression

Changins, 14.10.2016 - En viticulture, 2016 a été une année exceptionnellement difficile. La pression du mildiou a causé ponctuellement des pertes de récolte considérables. Si l’usage de produits phytosanitaires est indispensable pour permettre la production de raisin de qualité, ces traitements sont de moins en moins acceptés par la société qui peine à comprendre leur nécessité. Depuis de nombreuses années, Agroscope développe des méthodes permettant aux vignerons suisses de raisonner l’utilisation des pesticides. Dès 2017, un plan d’action national renforcera ces efforts.

Des pluies très abondantes jusqu’en juillet ont localement fortement favorisé le mildiou de la vigne. Des infections précoces importantes sur les inflorescences dans la première quinzaine de juin ont conduit au dessèchement complet d’un grand nombre de grappes. Les pluies de mi-juillet ont ensuite produit de nouvelles infections sur grappes qui ont encore réduit la récolte. Une telle pression de mildiou n’avait plus été observée depuis 1996. Ceci a conduit, dans certaines parcelles, à des pertes de récoltes considérables, malgré l’usage de produits phytosanitaires. Comment expliquer ce paradoxe ?

Une maladie fortement épidémique
Le mildiou est une maladie fortement épidémique qui, en conditions humides, peut se développer de manière explosive. Une fois installé, il n’existe aucun fongicide capable de l’éliminer totalement. Des infections secondaires sont possibles même en l’absence de pluie, grâce à la rosée ou à la transpiration du végétal. Il est donc indispensable d’anticiper et de traiter préventivement la vigne avant que le mildiou ne s’installe.

Des résidus indésirables
Dans l’esprit du consommateur, les produits phytosanitaires sont synonymes de danger pour la santé et l’environnement. Régulièrement, des analyses de denrées alimentaires et de vins mettent en évidence la présence de résidus de ces produits. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de traces largement en-dessous des valeurs de tolérance fixées par l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Rappelons ici qu’une valeur de tolérance est une valeur maximale. Elle est fixée à partir des données toxicologiques, tient compte des bonnes pratiques agronomiques et vise l’innocuité pour la santé humaine. Des méthodes d’analyse extrêmement sensibles permettent de détecter des traces infimes de molécules pour lesquelles des effets indésirables sur la santé humaine sont supposés. Les normes appliquées en Suisse le sont dans l’ensemble de l’Union européenne. Toutefois, les exigences et les attentes de la société évoluent. En cela, les préoccupations de la recherche corroborent celles de la société. Une attention constante est portée à l’évaluation des pratiques viticoles afin de trouver des alternatives appropriées. Un plan d’action national visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires est actuellement en consultation auprès des cantons. Il fixe des objectifs et des mesures concrètes. Sa mise en œuvre est prévue en 2017.

Le bio est-il une alternative ?
La production biologique renonce aux produits de synthèse et protège les vignes principalement avec du cuivre, du soufre et accessoirement avec d’autres produits d’origine naturelle. Ces produits de contact ont des durées d’action généralement plus courtes et sont facilement lessivés par les pluies. Par conséquent, les traitements doivent être renouvelés fréquemment. Le cuivre, appliqué en viticulture depuis la fin du 19e siècle, est un métal lourd qui s’accumule dans les sols. Le recours au cuivre, conjugué à un nombre de traitements nécessaires plus élevé, conduit à un bilan global mitigé. C’est pourquoi depuis près de 30 ans, de nombreux instituts recherchent des alternatives au cuivre tant en Suisse qu’en Europe. A ce jour, aucun produit naturel montrant une efficacité suffisante n’a pu être découvert.

Ensemble vers une viticulture encore plus durable
Les vignerons sont détenteurs du permis obligatoire pour l’application des produits phytosanitaires. En professionnels consciencieux, ils en connaissent les risques et s’efforcent de les utiliser avec mesure, de manière ciblée. Ce principe est à la base de la production intégrée. La réalité économique les oblige à viser une production de raisins et de vins de haute qualité en quantité suffisante pour leur assurer un revenu satisfaisant. Les vignerons suisses doivent composer quotidiennement avec les imprévus de la nature, tout en s’efforçant de pratiquer une viticulture durable. Les efforts conjoints de la filière vitivinicole et de la recherche Agroscope permettront de continuer à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires et les risques qui y sont liés. Le plan d’action national constituera un puissant levier supplémentaire pour y parvenir.

Le rôle précurseur d’Agroscope
La recherche agronomique suisse répond aux préoccupations sanitaires et environnementales depuis les années 70. Des chercheurs d’Agroscope ont été les pionniers dans le développement de la production intégrée en viticulture. Plusieurs succès majeurs, tels que la lutte par confusion sexuelle contre les vers de la grappe et la lutte biologique contre les acariens à l’aide de prédateurs, permettent aujourd’hui encore de se passer presque totalement d’insecticides et d’acaricides. Le programme de sélection de vigne résistante aux maladies fongiques a permis de diffuser en 2013 le premier cépage résistant au mildiou, nommé Divico. La modélisation des maladies et l’outil de dosage adapté au volume foliaire disponibles sur le site www.agrometeo.ch permettent une réduction de 20 à 30% de l’usage des fongicides. Toutefois, les maladies fongiques étant fortement épidémiques, il est toujours indispensable de traiter préventivement les vignes sensibles au mildiou et à l’oïdium pour empêcher les infections et les pertes de récolte, que ce soit en production intégrée, biologique ou biodynamique.


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