"A-t-on progressé dans le respect des droits de l’homme ? La réponse se lit dans le regard des enfants de dix ans"

Berne, 29.02.2016 - Genève, 29.02.2016: Allocution d'ouverture du Conseiller fédéral Didier Burkhalter à l'occasion de la 31e session du Conseil des droits de l'homme - Seul le texte prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs, et chers amis,

Bienvenue en Suisse, à Genève ! Bienvenue au cœur des droits de l’homme, dans ce Conseil des droits de l’homme qui fête ses dix ans !

Le Conseil des droits de l’homme est en effet né il y a une décennie, presque jour pour jour : c’était le 15 mars 2006 ; quarante ans après que les Etats membres de l’ONU aient adoptés les deux pactes codifiant les droits de l’homme.

Dix ans : c’est l’âge de l’enfance. Et l’enfance, ce devrait être l’âge d’une certaine insouciance, l’âge de découvertes pleines d’espoirs, l’âge où l’on a encore le droit de rêver nuit et jour.

A-t-on progressé dans le respect des droits de l’homme ? La vraie réponse se lit dans le regard des enfants de dix ans. Pour beaucoup d’enfants, on en est encore loin en 2016. Aujourd’hui, alors que nous nous réunissons ici, dans cette cité genevoise de la paix, de nombreuses crises sévissent de par le monde. Notre monde éprouve beaucoup de difficultés à résoudre ces crises, qui déracinent des millions de personnes et qui font que beaucoup trop d’enfants, précisément, ne connaissent que des cauchemars, nuit et jour.

Prenons la Syrie : elle est en guerre depuis cinq ans, la moitié de la vie de ce Conseil des droits de l’homme ! Plus de onze millions d’enfants, de femmes et d’hommes ont dû quitter leur maison en raison de cette guerre civile syrienne : un terreau fertile pour l’arbitraire, les violations et les abus – de toutes parts - des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

Aujourd’hui, notre monde, notre communauté internationale n’a plus le droit à l’erreur, le droit au « renvoi à plus tard » Nous devons trouver une solution politique à la crise syrienne sans délais. Nous devons tous contribuer à ces efforts : Mon pays, la Suisse, s’engage dans le soutien aux activités de médiation, en cherchant à renforcer la reddition de comptes, en étant prêt à accueillir toute rencontre et négociation, qui doivent reprendre le plus vite possible. L’accord de cessation des hostilités entré en vigueur avant-hier est un pas encourageant dans la bonne direction. La Suisse exhorte toutes les parties au conflit à respecter les termes de cet accord.

Mon pays s’engage également, avec beaucoup d’entre vous, pour qu’une aide humanitaire suffisante et sans entraves puisse soulager les souffrances des populations touchées par le conflit, en Syrie et dans les pays de la région qui font face avec beaucoup de courage. Les migrations de grande dimension que cette crise a engendrées font peur dans beaucoup de pays et provoquent des réactions de repli. Il s’agit de tenir compte des inquiétudes de nos populations, mais il s’agit aussi de ne jamais perdre de vue l’importance essentielle de la dignité humaine. Les migrants – et une fois de plus tout spécialement les enfants – se trouvent souvent dans une situation fragilisée et il importe – également pour éviter davantage de migrations forcées – de renforcer la protection de ces personnes et de leurs droits.

Les droits fondamentaux sont sous pression dans de nombreux pays. La liberté de la presse, la liberté de réunion, les activités des défenseurs des droits de l’homme, l’espace de la société civile, l’interdiction absolue de la torture : autant de domaines qui peuvent être mis en cause. Il faut se battre avec conviction pour les libertés fondamentales et la Suisse le fait. Réduire l’espace de la société civile, par des lois qui limitent leur financement externe, par le recours à la violence des forces de l’ordre ou en créant un climat de peur: tout cela ne fera que régresser notre planète commune et empêche le développement durable et équilibré d’une société.

Les droits de l’homme sont aussi menacés partout où sévit le terrorisme. Pour beaucoup d’entre nous, la réalité de ces dernières années dépasse l’entendement : la brutalité des actes de terreur et leur utilisation médiatico-politiques choque profondément notre conscience universelle.

Des groupes terroristes crucifient des enfants, les utilisent pour des attentats suicide et vendent des petites filles sur le marché public. On nie ainsi les droits de l’homme les plus fondamentaux ; on nie la vie humaine, alors qu’elle n’a souvent même pas eu dix ans pour prendre sa chance...

Nous devons faire davantage; nous devons faire autrement, aussi: combattre le terrorisme à la racine et par les valeurs. En réaffirmant les droits de l’homme sur toute la planète.

Deux exemples de l’engagement de la Suisse en lien à nouveau avec la jeunesse :

En premier lieu, la prévention de l’extrémisme violent, qui est une priorité de la Suisse dans sa lutte anti-terrorisme. Nous nous engageons pour proposer des alternatives au terrorisme, notamment aux jeunes qui pourraient être tentés, par manque de perspectives ou d’alternatives, de commettre des actes terroristes. La Suisse développe son propre plan d’action de politique étrangère dans ce but.
Nous organiserons en avril à Genève, en collaboration avec l’ONU, une conférence internationale visant à discuter des opportunités et défis dans la prévention de l’extrémisme violent et de faire un pas de plus vers une action concertée entre la paix et la sécurité, le développement et les droits de l’homme.
Nous soutenons également les efforts du Fonds mondial contre l’extrémisme violent (GCERF), basé à Genève et par lequel la communauté internationale veut démontrer sa capacité à agir de façon tangible et durable pour la prévention.

Deuxième exemple : la Suisse se bat contre l’application de la peine de mort, qui n’est pas une réponse digne et efficace face au terrorisme. Elle renforce le climat de violence et la culture de la mort que le terrorisme cherche justement à insuffler dans nos sociétés. Voilà pourquoi la Suisse cherche à mettre en évidence les violations des droits de l’homme qui surviennent dans l’application de la peine de mort, par exemple avec la résolution adoptée par ce Conseil en septembre dernier. Voilà pourquoi, aussi, nous estimons que l’on doit encourager tout progrès, même partiel, comme de renoncer à la peine de mort des personnes mineures.

L’engagement de la Suisse en faveur des droits de l’homme, dans ces domaines comme dans d’autres, pour les enfants de dix ans comme pour les autres, est fondé sur ses valeurs et des éléments fondamentaux de sa tradition, comme le dialogue, la recherche du consensus, la protection des minorités et la solidarité.

La tradition humanitaire, l’offre des bons offices et de la médiation, ainsi que l’engagement an matière de coopération internationale font partie des fondements de notre politique extérieure. Le rôle de Genève dans ces domaines et en matière de droits de l’homme est de se mettre à disposition de ces valeurs et du monde, notamment grâce à l’action du Conseil des droits de l’homme et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Nous venons de préciser les principes de cet engagement dans la nouvelle stratégie suisse en matière de politique extérieure des droits de l’homme, qui est officiellement lancée aujourd’hui et doit permettre de porter plus loin encore l’engagement de mon pays.

Ce que nous recherchons avant tout, c’est la mise en œuvre effective, réelle des droits de l’homme. Dit autrement : ce que nous voudrions, c’est que davantage d’enfants d’une dizaine d’années aient le droit de continuer à rêver, jour et nuit. Pour cela, nous sommes pleinement conscients que l’union fait la force ; et nous voulons développer la coopération avec les organisations de la société civile et le secteur privé.

Un mot encore : la prise en compte des droits de l’homme dans la prévention des conflits doit être renforcée. Les violations des droits de l’homme sont toujours un indicateur d’un potentiel d’instabilité ou de l’escalade d’un conflit. Souvent, elles ouvrent la voie aux pires tragédies. C’est pourquoi nous avons l’intention de lancer, en juin de cette année, un appel au plus haut niveau politique en vue d’une optimisation des voies de communication et d’échange opérationnel en matière de droits de l’homme entre le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité pour une meilleure prévention des conflits.

Les droits de l’homme, lorsque leur protection régresse, sont une lampe d’alerte trop souvent négligée. A nous, ensemble, de faire en sorte que cela change !

Mesdames et Messieurs, et chers amis,

Le gouvernement et la population suisse vous remercient d’être là. Ils vous remercient aussi de vous engager toutes et tous dans le cadre de ce Conseil des droits de l’homme qui fête ses dix ans ; et de le faire en pensant à l’espoir que vos actes peuvent donner à tous les enfants du monde qui partagent ce même âge mais pas encore les mêmes droits…


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