Les insecticides affament les organismes aquatiques

Dubendorf, 16.05.2013 - Les abeilles ne sont pas les seules à pâtir de la présence des nicotinoïdes dans l’environnement. Ces insecticides particulièrement solubles dans l’eau portent également atteinte aux organismes aquatiques. Des concentrations faibles mais permanentes peuvent s’avérer mortelles.

Fin avril, la commission européenne a ordonné une forte limitation de l’usage des composés neurotoxiques de la famille des nicotinoïdes pour une durée de deux ans. L’Office fédéral suisse de l’agriculture agit de même sens en suspendant l’autorisation de trois insecticides utilisés dans la culture du colza et du maïs. Ces décisions ont été prises au vu d’études indiquant la toxicité des nicotinoïdes pour les abeilles et attestant de leur implication dans le phénomène de mortalité massive observé ces dernières années.

 

Le danger vient de l’exposition chronique

Une étude de l’Eawag qui paraît aujourd’hui dans la revue PLOS ONE (Public Library of Science) montre maintenant que ces mêmes insecticides sont également toxiques pour les invertébrés aquatiques. Les biologistes ont exposé des gammares, petits crustacés indigènes, à des concentrations élevées mais intermittentes d’insecticide ou à des concentrations faibles mais permanentes du même produit. Les pics de pollution se produisent généralement dans les cours d’eau lorsqu’une partie des substances solubles mais peu biodégradables sont entraînées par ruissellement suite à des pluies intervenues pendant ou juste après les applications dans les champs. Curieusement, les pics de concentration de courte durée – un jour maximum – affectaient moins les animaux exposés que les concentrations beaucoup plus faibles mais maintenues pendant plusieurs jours à plusieurs semaines. Alors que les gammares se remettaient assez rapidement d’une exposition forte mais passagère lorsqu’ils étaient replacés dans une eau propre, ils mourraient de faim au bout de deux à trois semaines d’exposition chronique suite à une action perturbatrice du produit neurotoxique sur leurs fonctions motrices et alimentaires. 

 

Des effets non décelables par les tests de toxicité classiques

Cette lente agonie sous l’effet d’une exposition faible mais chronique aux nicotinoïdes n’est pas décelée par les tests de toxicité classiques car ils ne sont pas réalisés sur la durée de plusieurs semaines qui serait nécessaire. L’étude a d’autre part révélé que la saison à laquelle les gammares sont prélevés dans le cours d’eau pour les essais et l’environnement dans lequel ils avaient vécu pouvaient avoir une grande influence sur la gravité des effets. En effet, leur état de santé initial et leurs réserves adipeuses influent fortement sur les résultats des tests. Pour éviter ces interférences et déterminer les processus agissant en complément de la perturbation trophique sur la survie des organismes exposés, l’équipe de chercheurs a développé un modèle mathématique. Celui-ci permet maintenant de prédire les concentrations et les durées d’exposition qui sont dangereuses pour les organismes étudiés.


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