La forte croissance économique compromet la réalisation de l’objectif de Kyoto

Berne, 19.11.2010 - En ratifiant le Protocole de Kyoto, la Suisse s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport à 1990 entre 2008 et 2012. Selon la dernière étude prospective de l’OFEV pour cette période, le niveau des émissions devrait être supérieur aux pronostics établis jusqu’ici. Si ce scénario se réalise, la Suisse aura des difficultés à réaliser l’objectif de Kyoto.

L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) réalise chaque année à l'automne une étude prospective des émissions pour la période 2008 à 2012 afin d'évaluer si les objectifs du Protocole de Kyoto et de la loi sur le CO2 sont respectés. En 2009, les perspectives économiques sombres avaient conduit à pronostiquer une forte baisse des émissions.  

Les prévisions les plus récentes, qui ont été présentées le 18 novembre 2010 à la Commission de l'environnement du Conseil des Etats (CEATE-E), obligent à corriger les émissions à la hausse pour la période 2010 à 2012. Si l'on y ajoute les émissions de 2008 et 2009, dont le niveau effectif est supérieur à l'objectif de Kyoto, on arrive pour l'ensemble de la période à des émissions annuelles dépassant de 0,8 million de tonnes l'objectif de Kyoto, qui est de 48,6 millions de tonnes. Ce calcul inclut l'achat de certificats d'émission par la Fondation Centime Climatique et l'effet de puits de carbone des forêts suisses.

La bonne marche de l'économie entraîne une hausse des émissions

La correction à la hausse de l'estimation est imputable principalement au dynamisme de la croissance. Il y a un an, le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) tablait sur un fort ralentissement économique en 2009 et 2010, avec pour conséquence un recul du produit intérieur brut (2009: -2,7%; 2010: -0,4%). En réalité, le ralentissement économique enregistré en 2009 a été deux fois moins important que pronostiqué (-1,4%) et le SECO prévoit pour 2010 non seulement que l'économie suisse ne se contractera pas, mais qu'elle affichera une croissance vigoureuse de 2,7%. Positive en soi, cette évolution a cependant un inconvénient: les émissions de gaz à effet de serre ne baisseront pas aussi fortement que prévu il y a un an.

Objectif largement manqué pour les carburants

La loi sur le CO2 fixe un objectif de réduction par rapport à 1990 de 8% pour les carburants et de 15% pour les combustibles. Or les émissions dues aux carburants sont aujourd'hui 13% plus élevées qu'en 1990. Elles avaient baissé de 2008 à 2009, mais ce ne sera plus le cas de 2010 à 2012 en raison de la croissance économique attendue. Même si l'on comptabilise les certificats d'émission acquis à l'étranger par la Fondation Centime Climatique (2 millions de tonnes par an) et l'effet de réduction des émissions en Suisse imputable au centime climatique (environ 0,4 million de tonnes par an), qui concerne essentiellement les combustibles, on aboutit à une prévision de 15 millions de tonnes, ce qui représente un dépassement de 0,8 million de tonnes par rapport à l'objectif de 14,2 millions de tonnes. En valeur relative, l'écart entre l'objectif de réduction et le volume effectif des émissions s'inscrit à 21%.

Le bilan dans le domaine des combustibles est meilleur, bien que la barre soit placée plus haut. Les émissions pronostiquées s'établissent autour de 22,0 millions de tonnes (en tenant compte des réductions imputables au centime climatique), soit à peine plus que l'objectif de 21,6 millions de tonnes. Il y a cependant assez peu de visibilité dans ce domaine car il est difficile d'évaluer l'impact des deux mesures importantes entrées en vigueur le 1er janvier 2010, à savoir la hausse de la taxe sur le CO2 et le programme d'assainissement des bâtiments.

Dans les domaines qui ne sont pas visés par la loi sur le CO2 mais pris en compte par le Protocole de Kyoto (agriculture, déchets, production industrielle), les émissions sont aujourd'hui à peu près au même niveau qu'en 1990. Après avoir reculé dans les années 90, elles ont recommencé à augmenter au cours des dix dernières années et il y a lieu de penser qu'elles se stabiliseront à leur niveau actuel.

Que prévoit le Protocole de Kyoto pour combler les retards par rapport à l'objectif?

Le Protocole de Kyoto ménage la possibilité de compenser les éventuels retards par rapport à l'objectif en achetant des certificats d'émission sur le marché international à l'issue de la période couverte par le Protocole. Chaque pays dispose pour cela d'un délai de 100 jours après l'examen par l'ONU de ses relevés d'émission pour la période 2008 à 2012. Cela devrait intervenir à la fin de 2014 ou au début de 2015. Cet achat augmenterait la part de réduction des émissions achetées à l'étranger, ce qui détériorerait le ratio entre les réductions acquises à l'étranger et celles réalisées en Suisse. Le principe du pollueur-payeur guidera le choix des sources de financement pour ces achats compensatoires.  

Incertitude toujours importante

Comme toute prévision, ces pronostics restent entachés par une certaine incertitude. Le volume effectif des émissions peut être très différent des prévisions, selon l'évolution de la conjoncture et des prix mais aussi en fonction des températures hivernales (qui déterminent l'activité de chauffage). En ce qui concerne l'objectif de Kyoto, le degré d'incertitude est toujours de +/- 1,7 millions d'équivalents-tonnes de CO2. Les prochaines prévisions seront établies à l'automne 2011, une fois définitivement connues les émissions de CO2 de l'année 2010.


Adresse pour l'envoi de questions

Mme Andrea Burkhardt, cheffe de la division Climat, OFEV, tél. 031 322 64 94.
M. Paul Filliger, division Climat, OFEV, tél. 031 322 68 58



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