Inauguration du Rolex Learning Center de l’EPFL - « C’est Babel qu’on réinvente »

Ecublens - Lausanne, 27.05.2010 - Allocution du Conseiller fédéral Didier Burkhalter, 27 mai 2010 - Seule la version orale fait foi « L’architecture c’est la vie » a affirmé le conseiller fédéral Didier Burkhalter, rappelant que le rôle de l’architecture était d’abord d’offrir des espaces de vie aux hommes et aux femmes et de leur permettre des rencontres et des interactions. Le Rolex Learning Center de l’EPFL sublime cette vision : il offre des nombreux espaces de rencontre et d’échange. C’est une véritable ruche qui devient le cœur du campus de l’EPFL. « C’est Babel qu’on réinvente » en en gardant les meilleurs aspects et en évitant le piège de la tour d’ivoire. Au contraire ce centre ouvre l’école sur la cité. « Ce nouveau joyau dans la couronne que représente pour la Suisse son système universitaire fera briller encore davantage nos Ecoles Polytechniques dans le monde entier » ajoute le chef du DFI. Il rappelle aussi que le paysage universitaire suisse est en plein évolution, une évolution nécessaire au vu de la concurrence internationale qui s’accroit en matière de formation de recherche et d’innovation. La Suisse doit rester parmi les nations à la pointe mondiale dans ces secteurs, dans 20 ou 50 ans également. Le conseiller fédéral a toutefois souligné que des infrastructures de la qualité du Learning Center tout comme les importantes réformes législatives en cours ne sont qu’un cadre dans lequel agir. C’est la créativité et l’engagement des hommes et des femmes qui en feront la valeur ajoutée. Ce sont les dynamismes individuels qui, mis bout à bout, permettent de renverser des montagnes et d’offrir de l’espoir et des innovations exceptionnelles.

Mesdames et Messieurs les représentants des autorités fédérales, cantonales, communales, universitaires et du domaine des EPF,
Mesdames et Messieurs les représentants des institutions et entreprises partenaires,
Mesdames et Messieurs les concepteurs, créateurs et constructeurs de ce centre,
Mesdames et Messieurs les Professeurs, enseignants et collaborateurs de l’EPFL
Et surtout Mesdames et Messieurs les étudiantes et étudiants, chercheuses et chercheurs à qui ce centre est destiné,
Mesdames et Messieurs,

« La construction c'est pour faire tenir, l'architecture c'est pour émouvoir. » disait Le Corbusier. On peut donc avec son biographe estimer que si, souvent, on pense à l'architecture en termes de murs, de colonnes, de frontons ou de dalles, en réalité l'architecture ce sont les espaces ou l’on vit, davantage les vides que les pleins. Ce sont les pièces dans lesquelles nous vivons, les églises dans lesquelles les croyants prient, les écoles dans lesquelles on apprend et où l’on s’interroge, les musées dans lesquels on admire, où l’on s’évade, où l’on s’inspire. Ce sont les rues et les places de nos villes et de nos villages : là où l’on échange, là où l’on vit.

Au fond, si l’architecture offre l’espace de la vie, alors l’architecture, c’est la vie !

Le Rolex Learning Center que nous inaugurons aujourd’hui sublime cette vision, peut-être plus que tout autre lieu.

La vie a commencé à couler ici dès ce printemps. Par les nombreuses allées qui constituent les veines de cette école, les étudiants, les enseignants, les visiteurs ont déjà afflué ici par milliers, dans ce cœur du campus de l’EPFL, pour apprendre assurément, réviser forcément, réfléchir évidemment, méditer sûrement, se ressourcer indubitablement. Puis ces étudiants, ces enseignants, ces visiteurs ont reflué vers leur faculté, leur laboratoire, leur salle de cours – remontant les artères du campus -  pour y apporter le savoir nouveau auquel ils venaient de se confronter, pour tester l’idée qui venait de germer, pour appliquer la théorie qu’ils venaient d’esquisser en marge d’un livre ou au coin d’une nappe en papier, pour prolonger l’Odyssée de la connaissance. 

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L’architecture c’est la vie – et si le Corbusier a raison « La construction c'est pour faire tenir, l'architecture c’est pour émouvoir », alors les architectes du Learning Center lui on rendu un double hommage :
- Premier hommage : les murs pour « faire tenir »  il n’y en a pas beaucoup. Il y a ici surtout du vide, de l’espace pour les rencontres, de l’air pour la vie, des courbes et des « collines », des creux et des patios. Prouesse des ingénieurs : il y a tellement peu de murs et de colonnes… qu’on en vient à se demander comment tout cela tient debout !
- Second hommage : oui ce centre sait nous émouvoir. Par le rôle qu’il joue, par les impulsions qu’il donne, par la vie qu’il instille dans toute l’école et par ses formes sensuelles, généreuses, intrigantes.

Les architectes Mme Kazuyo Sejima et M. Ryue Nishizawa du bureau Sanaa ont été récompensés il y a quelques jours à New York par le prestigieux prix Pritzker – « le Nobel de l’architecture ». Le jury, bien inspiré dans son choix, évoque dans sa citation une architecture à la fois délicate et puissante, précise et fluide. Ce n’est certainement pas un hasard si cette consécration intervient au moment où aboutit l’édification du Rolex Learning Center. Il y a quelques jours, le New York Times appelait malicieusement le Learning Center « an undulating slice of Swiss cheese » ! Nul doute que le jury y a vu, comme nous ce soir, bien plus qu’un clin d’œil aux spécialités du terroir helvétique !

Les architectes de Sanaa méritent donc nos félicitations appuyées et nos remerciements. En tant que ministre de l’éducation et de la culture, je me réjouis de voir que ces architectes d’exception ont d’ores et déjà édifié des écoles, un théâtre et plusieurs musées – autant de lieux de vie de la culture et du savoir ! Des lieux où l’architecture est une manifestation de l’espoir.

Mais en tant que ministre de la santé et du social, je ne peux que les inviter à relever à l’avenir aussi d’autres défis, comme de construire des hôpitaux ou des établissements médico-sociaux : d’autres lieux de vie et de rencontre qui méritent également qu’on leur apporte clarté, fluidité, sensualité et qu’on y transmette le même espoir.

Cette inauguration est aussi l’occasion de remercier et de féliciter les dizaines d’architectes, d’ingénieurs, de techniciens, de spécialistes, d’ouvriers qui ont permis de réaliser ce bâtiment qui sait nous émouvoir et qui tient debout, presque sans murs ni colonnes. Les films que nous avons vu ce soir ont bien montré la somme d’efforts, de capacité d’adaptation, d’intelligence et de savoir faire qu’il leur a fallu additionner ici !

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« Le grand symbole de l'architecture, Babel, est une ruche. » dit Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris. Ce centre, lové en plein cœur de l’EPFL, lieu où tout converge, à la fois bibliothèque, centre d’apprentissage innovant et centre culturel, mais aussi forum, restaurant et cafétéria, librairie, banque, espace de travail, centre de carrière, … ce bâtiment fait pour susciter des rencontres, sera naturellement une ruche, le rendez-vous de toutes les disciplines et des 120 nationalités présentes sur le campus. C’est le vieux rêve de Babel qu’on réinvente.

Pourtant, comme s’il avait tiré les leçons de l’histoire biblique, le Learning Center est tout le contraire d’une tour. Par sa forme à l’évidence : au contraire du New Museum que Sanaa a construit à New York, le Learning Center lui ne cherche pas à s’élever vers le ciel. Mais surtout parce qu’ici rien n’est conçu pour isoler l’Ecole du monde dans lequel elle évolue. Rien ne suggère une tour d’ivoire arrogante et hermétique : l’espace est ouvert, transparent, accessible, public. Les étudiants, les chercheurs, les congressistes, les citoyens pourront y déambuler librement et s’y rencontrer, ils pourront y mêler leurs différences. L’école est ouverte sur la Cité.

On a donc gardé le meilleur de Babel. Une Babel construite - plus sagement - près du sol en épousant les formes de la terre. (On nous dit que le learning center représente deux terrains de football… ayant beaucoup joué au foot il me semble quand même qu’un terrain est un peu plus plat !) C’est donc les deux pieds sur terre, même si l’on se croirait dans un vaisseau, que les chercheurs des EPF iront décrocher la lune pour briller au firmament de la recherche mondiale !

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Mesdames et Messieurs,

En construisant ce centre, la Suisse offre un symbole puissant de l’importance qu’elle octroie à sa place scientifique. Un symbole qui fait briller encore davantage les Ecoles Polytechniques de Lausanne et de Zurich, l’ensemble du domaine des EPF, sur la scène internationale. En plus d’être reconnues pour leur savoir et leurs innovations, les EPF le seront désormais aussi par l’ampleur du geste architectural qui s’y déploie.

Le pari était osé : il faut bien avouer que ce n’est pas sans quelques froncements de sourcils et retroussements de nez que le Parlement avait pris connaissance du projet de Rolex Learning Center, certains évoquant le « caractère ostentatoire » du projet qui heurtait l’habituelle modestie helvétique. Mais le Parlement a vite saisi toute la portée stratégique de cet investissement et il a approuvé les crédits nécessaires. Qu’il en soit remercié.

Le pari était osé aussi car s’il nécessitait le soutien des autorités publiques pour une moitié, il reposait pour l’autre sur le soutien de partenaires privés. Ceux-ci se sont annoncés présents. Le Conseil fédéral exprime sa reconnaissance envers tous les partenaires qui ont cru en ce projet, en cette école, en nos EPF, en la place de la science et de la recherche suisse, et qui se sont engagés pour permettre la réalisation de ce centre hors du commun. Leur engagement va bien au-delà d’un simple soutien financier : ils se sont associés à l’avenir de cette institution. C’est donc un partenariat fort qui engage les deux parties. Espérons que ce succès ouvrira la voie à d’autres partenariats similaires, dans d’autres sites de formation et de recherche, qu’ils soient fédéraux ou cantonaux. 

La réussite de ce projet est un exemple à suivre. Il en va de même du Quartier de l’innovation, à quelques pas d’ici, où 2000 chercheurs industriels se frotteront quotidiennement aux étudiants et à la recherche fondamentale. Mieux encore : ce partenariat est basé sur une valeur : celle du respect mutuel. Chaque partenaire apporte sa pierre à l’édifice – fût-il en béton – mais chacun respecte le rôle de l’autre. Côte à côte, mais chacun dans son rôle respectif: voilà qui est essentiel pour qu’un tel partenariat soit fort et crédible à long terme. Ces heureux développements, qui renforcent le rôle de ruche d’un tel campus, montrent que les Universités qui osent le pari de l’ouverture tout en affirmant leur autonomie et leurs valeurs y gagnent des forces supplémentaires.

Enfin, le pari du Rolex Learning Center était osé, car qui aurait pensé que dans le pays de la précision, le symbole d’une Ecole mondialement réputée pour son exactitude pourrait être… une vague ? La vague de la précision… qui plus est construite en partenariat avec un fleuron de la haute précision horlogère ! Un pari vaguement osé et précisément réussi !

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Mesdames et Messieurs,

Le Rolex Learning Center est un nouveau joyau serti dans la couronne que représente pour la Suisse un système universitaire de grande qualité. Nous avons la chance de compter une véritable pépinière de lieux de formation et de recherche, qui offre une variété extraordinaire de compétences, de savoirs et de talents.

Mais si la Suisse est dans les nations de tête en matière de formation supérieure, de recherche et d’innovation, le véritable défi sera de rester dans cette excellente position dans 20 ou 50 ans. Nous ne devons pas nous assoupir sur ces lauriers académiques : il nous faut au contraire évoluer et lutter pied à pied. Dans le domaine de la formation, de la recherche et de l’innovation, plus que dans tout autre peut-être, ne pas avancer signifierait reculer. La petite Suisse fédéraliste doit notamment utiliser ses ressources exceptionnelles de manière plus coordonnée.

Vous comprendrez que je fais référence aux chantiers en cours au sein de notre espace suisse de la formation. Les nouveaux articles constitutionnels adoptés par le peuple et les cantons en 2006 ont fait évoluer les subtils équilibres du « fédéralisme académique » suisse. La Confédération et les cantons portent désormais ensemble la responsabilité partagée de la qualité et de la perméabilité de l’espace suisse des hautes écoles.

Ceci doit permettre de mener une politique davantage coordonnée au plan national – notamment dans les domaines où les investissements, par leur ampleur, doivent être centralisés. Je pense par exemple au supercalculateur que la Confédération construit au service de l’ensemble des hautes écoles. Je pense aussi à un projet de l’envergure du Blue Brain, ici à l’EPFL.
Pourtant ce nouveau type de fédéralisme ne doit pas niveler la qualité de notre système sous prétexte de coordination : il doit préserver, mieux il doit renforcer ce que l’ancien modèle avait de meilleur : l’autonomie stratégique de chaque haute école. Chaque école est la mieux placée pour savoir comment elle veut se profiler et où se situent ses forces.

Le modèle des pôles nationaux de recherche le démontre parfaitement : inspirée par une philosophie bottom-up (mais pas selon le modèle de la tour de Babel !) il permet de financer de grands projets de recherche initiés par les Hautes Ecoles, via le Fonds national. Les Pôles nationaux ont permis à ce jour à près de mille jeunes scientifiques d’effectuer leur doctorat et de créer 63 nouveaux postes de professeurs assistants afin de lancer de nouvelles carrières académiques. La 3e série de ces pôles, dévoilée récemment, a vu le site de Lausanne – EPFL et Université – se distinguer par la qualité de ses projets. Félicitations à ces écoles et ces chercheurs dont les projets ont été reconnus à la fois par leurs pairs et par les autorités.

C’est donc un subtil mélange de coordination et d’autonomie que le Parlement est en train de chercher à travers la nouvelle loi sur l’aide et la coordination des hautes écoles.  En parallèle nous entendons réviser également la loi sur l’encouragement de la recherche et de l’innovation. Ensemble, ces deux réformes permettront de redessiner un paysage de la formation et de la recherche plus cohérent, dynamique et ouvert, qui s’appuie sur des partenariats forts : entre Confédération et cantons, entre public et privé, entre la tradition et l’avenir. Le trait d’union entre eux doit rester l’excellence.  Cette véritable « marque déposée » helvétique est plus précieuse que jamais dans une compétition internationale qui s’accroit, suite au réveil de géants endormis et de tigres et dragons orientaux qui ne demandent qu’à prendre place dans le concert scientifique mondial… 

Nous adaptons donc nos lois et nos conditions-cadre. Nous construisons et modernisons nos infrastructures. Mais de nouvelles lois et des infrastructures de la qualité de celle que nous inaugurons ici, d’aussi bonne facture qu’elles soient, sont inopérantes sans le génie des femmes et des hommes qui les font vivre.

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Mesdames et Messieurs,

L'architecture, ce sont les espaces, davantage les vides que les pleins. On peut en dire de même de nos lois et de nos écoles : elles ne sont qu’un cadre – les espaces dans lesquels les femmes et les hommes peuvent vivre et agir. L’avenir de la place scientifique suisse et celui d’écoles comme les Ecoles polytechniques fédérales repose avant tout sur la responsabilité, l’engagement et la créativité de leurs employés, de leurs étudiants, de leurs dirigeants, de leurs partenaires, de chacun d’entre nous : ces dynamismes individuels qui, mis bout à bout permettent de renverser des montagnes pour des causes justes, de modéliser le cerveau humain, de voyager dans l’infiniment petit, de soigner ce qu’on croyait incurable, d’offrir de l’espoir et des innovations exceptionnelles.

Mesdames et Messieurs, les étudiants, les chercheurs, les enseignants, les dirigeants, les partenaires de l’EPFL, dès lundi, le Learning Center redeviendra cette ruche vivante et vibrante dont on se réjouit de goûter au miel… Comme l’ensemble de cette école, il deviendra ce que vous en ferez. La clé est entre vos mains. 

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Mesdames et Messieurs,

Pour conclure j’utiliserai une autre citation sur l’architecture, de Goethe cette fois qui disait  « L'architecture, c'est de la musique figée. »

Ce soir, nous pouvons admirer une véritable symphonie architecturale…  et le programme de la soirée nous permettra maintenant d’apprécier une musique qui n’a rien de figée celle-ci – une musique tout à fait vivante.

Le moment est venu: laissons entrer doucement, l’air de ne pas y toucher, les sons de la vie dans le Rolex Learning Center. Ici la science et l’art se rejoignent. Laissons l’architecture, la science, la musique se mettre à vibrer ensemble, à résonner, à vivre !

Je vous remercie de votre attention.


Auteur

Secrétariat général DFI
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