Mieux vaut prévenir que guérir

Berne, 21.06.2024 - Discours de M. le Conseiller fédéral Guy Parmelin, Chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) à l’occasion de l’AG de l’Association Suisse d’Assurances

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Délégués,

Chers invités en vos titres et fonctions,

En écoutant le discours très intéressant de votre président Stefan Mäder, j'ai compté que le mot « Bundesrat » était apparu pas moins de cinq fois dans son texte. Cinq fois, Mesdames et Messieurs, ce n'est plus un appel, c'est une invocation !

Je ne sais si faire une apparition parmi vous dans ces circonstances relève du miracle, mais c'est en tous les cas avec grand plaisir que je vais dresser un tableau général des dossiers économiques qui nous concernent.

Quand j'observe la marche du monde, je ne peux m'empêcher de penser que l'assurance est un métier qui a de l'avenir... déjà aujourd'hui ! Au cours des quatre à cinq dernières années, en effet, la succession des périodes de crise a mis comme rarement en évidence aussi bien l'augmentation du risque que son pendant direct : l'importance d'être bien assuré, l'important d'être prêt.

La pandémie fut le premier de ces épisodes marquants. Il a déclenché le plus grand plan d'aide à l'économie de l'histoire récente de notre pays. Peu de temps après, c'est l'explosion des prix de l'énergie qui a nécessité la mise à disposition d'Axpo, une entreprise d'importance systémique pour la Suisse, d'un crédit-cadre de 4 milliards de francs destiné à lui éviter des problèmes de liquidités. Enfin, souvenez-vous que le naufrage de Credit Suisse et sa fusion avec UBS ont conduit à l'apport de garanties énormes de la part de la Confédération et de la BNS afin de stabiliser le système financier et de protéger l'économie suisses.

Même si l'engagement de ces derniers montants n'a finalement pas été nécessaire, je peux vous dire que ce dossier comme les deux précédents ont projeté le Conseil fédéral dans une sorte de jeu de rôle où le métier d'assureur lui est soudain devenu étrangement familier.

Toutes ces mesures n'ont pas été gratuites. Celles qui ont été prises afin de faire face à la pandémie ont à elles seules représenté des montants phénoménaux, cinq milliards de francs rien que pour les coûts directs liés à la santé.

Comme vous le savez, cette situation a mis lourdement à mal les finances fédérales. Pour renflouer les caisses, le gouvernement a décidé d'une approche différente que celle qu'aurait sans doute préconisée un assureur privé : ainsi, au lieu d'augmenter les recettes de primes pour couvrir ces coûts - autrement dit, au lieu d'actionner le levier fiscal -, nous avons privilégié la recherche de pistes d'économie. Ce faisant, l'objectif recherché était de ne pas réduire l'attractivité de notre pays, de ne pas décourager les investissements et de ne pas entraver la consommation des ménages privés.

Lors de sa séance du 8 mars 2024, le Conseil fédéral a ainsi décidé d'instituer un groupe d'experts externes qu'il a chargé de réexaminer les tâches et les subventions fédérales. Ce groupe devra nous soumettre d'ici la fin de l'été des propositions pour éliminer les déficits structurels. En clair, il devra dire dans quels secteurs, de quelle manière et dans quelle ampleur il faut tailler dans le budget de la Confédération.

Les missions et les limites de la croissance de l'Etat sont ainsi placées sur la table d'opération. Il est évidemment trop tôt pour dire comment le patient va s'en tirer.

Un humoriste argentin aujourd'hui décédé, Aldo Cammarota, aurait dit ceci : « Le meilleur moyen pour économiser de l'argent, c'est d'en avoir. »

C'est dans la logique de cet aphorisme, mais de façon on ne peut plus sérieuse, que le Conseil fédéral a publié le 22 mai dernier son agenda de politique économique ainsi qu'un rapport de situation qui fait le point sur l'évolution économique de ces dernières années et qui évalue la qualité de nos conditions-cadres.

Comme vous le savez sans doute, la Suisse entend continuer de privilégier une politique industrielle horizontale par une amélioration régulière de ces mêmes conditions-cadres et par une réduction des coûts de production des entreprises, plutôt que par des soutiens ciblés ou sectoriels.

Concernant l'agenda que je viens d'évoquer, six enjeux principaux se dégagent, notamment en ce qui concerne l'amélioration des accès aux marchés et la diversification des débouchés. Cela inclut bien entendu la négociation des mesures de stabilisation de nos relations avec l'UE, mais aussi le développement de notre réseau d'accords de libre-échange. Le dernier en date, signé avec l'Inde ce printemps, a nécessité 16 années de négociations ! D'autres suivront, mais vous voyez que ce sont là des entreprises de longue haleine.

Un de mes chevaux de bataille concerne la réduction de la charge administrative. La nouvelle loi sur l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises est un instrument important dans cette direction. Ainsi, chaque année, nous devons systématiquement analyser certains domaines en fonction de leur potentiel d'allègement.

J'en appelle sur ce point aux associations économiques, et donc également à l'Association Suisse d'Assurances, pour qu'elles n'hésitent pas à soumettre des propositions dans ce sens à l'analyse du SECO, car ce sont elles qui, par expérience, savent le mieux où se situe le potentiel d'amélioration.

J'aimerais pour conclure insister sur le besoin urgent et crucial de main-d'œuvre qualifiée dans notre pays. Un des principaux axes stratégiques de notre politique économique jusqu'en 2027, et sans doute bien au-delà de cette législature d'ailleurs, sera de mieux exploiter le potentiel de main-d'œuvre présent en Suisse. La solution passe par une participation accrue au marché du travail des femmes, des travailleurs âgés et du personnel qualifié arrivant en Suisse dans le cadre d'un regroupement familial. C'est une tâche considérable, mais elle conditionne la vitalité même de notre économie.

Enfin, vu l'évolution démographique et la situation financière de l'AVS, des révisions permettant de pérenniser le financement de notre système de prévoyance sont prévues au cours de la présente législature.

Comme vous pouvez le constater, l'agenda du Conseil fédéral en matière de politique économique est plutôt chargé et implique plusieurs départements. En outre, le soin à apporter à nos conditions-cadres s'inscrit dans le temps long, puisque je crains que les phases de crise ne soient appelées à se répéter.

Dans ces circonstances, il m'apparaît que nos stratégies respectives - celle des assureurs et celle du Conseil fédéral - sont les mêmes : « Mieux vaut prévenir que guérir. »

Je vous remercie de votre engagement à cet égard et vous souhaite une excellente suite de journée.


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