„Le 1er août est un voyage à travers la Suisse, ses champs amoureusement cultivés et les rivières de la vie“ (fr)

Bern, 01.08.2017 - Aigle-Les Diablerets, 01.08.2017: Address by the Federal Councillor Didier Burkhalter on the occasion of the Swiss National Day 2017 – Check against delivery

Mesdames et Messieurs, et chers amis,

Le 1er août est un voyage. Et pour mon épouse et moi-même, aujourd’hui, c’est un grand plaisir de faire ce magnifique voyage tout au long de la vallée des Ormonts. En commençant plus tôt ce matin par cette cité tout en bas du vallon, qui a pris le nom paradoxal d’Aigle…

Vraisemblablement pour se donner de la hauteur afin de mieux contempler la beauté de toute cette région. Ce n’est pas avec les yeux perçants d’un aigle que nous avons poursuivi notre voyage, mais avec la persévérance centenaire du train qui vous relie. Et maintenant, nous sommes heureux d’être ici, de vivre cette étape avec vous, Ormonanches et Ormonants, d’un jour ou de toujours.

Le voyage du 1er août, on le fait aussi, tous ensemble, en chantant notre hymne national. Et Dieu sait que cet hymne s’efforce, comme l’aigle, de nous faire prendre de la hauteur : il parle d’emblée de « nos monts, sur lesquels le soleil annonce un brillant réveil ». Il nous propose « la paix de l’âme, loin des vains bruits de la plaine ». Et il conclut à nouveau sur ces « grands monts », d’où « vient le secours » pour la patrie, si l’on sait y mettre tout « son cœur ».

Aux Diablerets, votre cœur connait la force des montagnes, la dureté de la nature.  Le proche glacier vient de vous rappeler à quel point il faut respecter cette montagne et cette nature. Il l’a rappelé au moyen d’un événement presque incroyable, d’un autre voyage qui, lui, était resté mystérieux pendant septante-cinq ans…


Chers amis,

Aujourd’hui, je vous propose – avec ce même cœur qui comprend les montagnes, sinon les déplace – de faire un voyage à travers nos valeurs communes. Et ce voyage de valeurs commence par un rassemblement. Le 1er août, c’est d’abord cela : la réunion, la célébration – ensemble – du pays que nous partageons, à travers la diversité de nos régions et à travers le temps sans fin des générations d’avant et d’après. Et ce pays qui est le nôtre, il existe – et il fait résonner les montagnes – grâce à une volonté commune.

La fête à Aigle ou aux Diablerets, de même que votre présence à toutes et tous, Mesdames et Messieurs, sont l’incarnation de cette volonté commune, de la Suisse et de ses idéaux. La commémoration de la naissance de notre pays est l’occasion pour nous de partager un sentiment profond. Interrogeons notre cœur et nous y trouverons de la gratitude et de la reconnaissance, car notre pays est prospère et l’on a une grande chance d’y vivre bien.

Ces dernières années, j’ai parcouru le monde en plus du pays. J’ai vu toutes sortes de montagnes et de vallées. On m’a ouvert toutes sortes de maisons, parfois si pauvres qu’elles n’avaient même pas de porte et bien peu de toit, parfois si faibles qu’elles menaçaient de disparaître à chaque nouveau glissement de terrain ou à la prochaine explosion. J’ai ressenti de très fortes émotions devant les souffrances et les attentes humaines, tout spécialement celles des enfants. Lorsqu’on est Suisse, lorsqu’on est de ce pays si calme, on ne comprend pas pourquoi la guerre est souvent plus forte que la paix ; on ne comprend pas pourquoi les vains bruits de la plaine l’emportent ; on ne comprend pas pourquoi – trop souvent – le soleil d’ailleurs n’annonce ni un brillant réveil, ni l’égalité des chances pour tant de ces enfants.

Et pourtant notre hymne national – encore lui et si on l’écoute bien – nous avait averti : il nous avait dit que « la foudre peut éclater avec bruit dans la sombre nuit ». Dans une sorte de clair-obscur, il nous fait réaliser le privilège de vivre en Suisse : une terre qui est si pauvre en matières premières et qui pourtant s’avère être un Eldorado pour les jeunes ; des perspectives, des formations, des emplois…

Dans notre pays, la vie est comme la nature : elle peut être dure et elle l’est pour beaucoup, mais chacune et chacun a sa chance, et même devrait avoir, selon moi, une seconde chance lorsque cela s’avère nécessaire. Nous vivons dans le pays de la seconde chance alors que notre monde oublie souvent d’en donner même une première.

Voyager au travers des valeurs de notre pays, c’est aussi porter notre regard sur sa stabilité. Une stabilité qui s’explique par des fondements institutionnels et qui – depuis des siècles – s’amuse à rappeler sans cesse qu’elle est basée sur la modestie. Les femmes et les hommes d’ici ont voulu que les institutions soient plus fortes que les personnes. En fait, ils ont voulu que toute personne soit importante dans ce pays, mais qu’aucune d’entre elles ne soit irremplaçable, à commencer par les conseillers fédéraux, bien sûr ! Disons-le tout net : la Suisse est championne du monde de la stabilité. Elle est une ancre, un point fixe en Europe et dans le monde. C’est un roc, comme ces montagnes autour de nous : « une forteresse », comme le dit notre hymne national.

Même si une part de mystère doit toujours subsister, on ne peut s’empêcher alors de poursuivre notre voyage pour chercher le secret de ce succès helvétique. En fait, il ne faut pas aller trop loin. Après avoir contemplé toute cette Suisse multiple, on se rend compte que la réponse est en chacun d’entre nous, dans le cœur que l’on met pour notre patrie.

Car la Suisse est une idée qui nous appartient à tous, qui repose sur une vision intemporelle, fondamentalement juste, de sécurité et de prospérité pour tous. Une idée qui nous permet d’envisager l’avenir avec cette sérénité de l’âme en paix. Une idée que nous portons tous en nous et à laquelle nous devons croire pour qu’elle porte – chaque année, à chaque étape du voyage - tous ses fruits. Une idée unique.


Chers amis,

Continuons notre voyage du 1er août à travers cette idée suisse. Que l’on regarde partout ou même que l’on décide de mieux voir en soi en fermant les yeux, on y découvre des champs amoureusement cultivés : les champs du fédéralisme, de la démocratie directe, de la diversité et de la neutralité : notre culture en quatre spécificités, notre nature en quatre atouts qui sont comme les bras de la croix blanche de notre drapeau.

Voyons d’abord le fédéralisme pousser dans toutes nos vallées : il permet d’engranger la responsabilité propre des communes et des cantons ; l’État ne se met jamais à « voyager » loin de la population. Chez nous, l’État est au service des citoyens ; la fête nationale se célèbre de manière décentralisée dans plus de deux mille villes et villages. Chaque commune est une capitale. Pour nous aujourd’hui, la capitale, c’est ici.

Ensuite, la démocratie directe, qui s’impose comme un grand marché coloré : chez nous, ce sont les citoyens – tous les citoyens - qui prennent les grandes décisions. Le pouvoir est réparti, partagé. Les débats sont partout, à tous les stands. Chacune et chacun d’entre nous tient dans ses mains les rênes de notre pays. Lorsque je l’explique à l’étranger, j’ai parfois l’impression de raconter un voyage au pays des merveilles…
Et à voir les regards s’ouvrir en face de moi, je pense que cette impression est souvent partagée de par le monde qui nous entoure et nous envie, sans toujours nous comprendre.

Troisième atout : notre diversité, qui est à l’image de nos paysages. La Suisse est une nation construite grâce aux différences, grâce à l’envie d’en faire une force plutôt que des conflits. Nous additionnons nos différences linguistiques, culturelles et religieuses pour bâtir la cohésion du pays. Comme notre pays, tout au long des millénaires, a cherché à associer les lacs et les rivières, les plaines et les montagnes. Notre volonté politique et sociale commune est plus forte que ce qui nous sépare. C’est cela qui nous permet de laisser l’isolationnisme et le nationalisme de côté et de reconnaître constamment l’importance des minorités dans la réalité de notre pays. C’est peut-être aussi cela que notre hymne national décrit comme un « trésor précieux ».

Enfin, la neutralité : un mot dans lequel on retrouve toutes les lettres du mot nature. La neutralité est notre nature. Elle donne le ton de la vie dans notre pays. La Suisse n’aime pas les conflits. Et c’est courageux si l’on sait être en même temps une constante force de paix pour l’humanité, ainsi que le veut notre Constitution. Il n’est certes pas simple de mener une politique étrangère aussi indépendante, spécifique, impartiale, dans un monde instable et multipolaire. Mais c’est également une grande chance, pour la Suisse comme pour ce monde.

Ce voyage à travers le 1er août et ses champs pleins des valeurs nous a amené tout naturellement au cœur battant du pays : la liberté ; cet Etat libéral que l’on découvre au bout de la longue marche de notre histoire nationale ; cet idéal basé sur la conviction emplie d’humanisme que l’on doit respecter tous les choix de vie. Dans notre ciel, chacun est une étoile.

La liberté, chers amis, c’est aussi celle de concevoir le 1er août comme une préparation, une réflexion constante pour le prochain voyage de la Suisse : celui qui l’emmène vers son avenir.

Nous vivons dans un monde qui inquiète : les changements sont de plus en plus rapides et ne correspondent plus vraiment à notre notion naturelle du temps ; la communication moderne est une révolution qui nargue la vérité ; les crises et les guerres font rage, comme si l’on ne voulait plus y mettre fin ; la concurrence entre les nations est de plus en plus acharnée, que ce soit pour l’accès aux matières premières ou pour imposer ses vues ; dans de nombreuses régions, l’espace réservé à la société civile et aux médias, aux droits fondamentaux des êtres humains, se réduit ; presque partout, la sécurité est menacée par le terrorisme et les cyberattaques.

Tout cela alors que notre monde pourrait prendre un autre chemin, car il n’a jamais eu autant de moyens à sa disposition pour réduire les souffrances et la pauvreté ; d’ailleurs, la communauté internationale vient de se mettre d’accord sur un agenda 2030 universel pour cela et sur une volonté qui paraissait mondiale de protéger notre planète et son climat qui nous fait vivre. Au fond, il suffirait que notre monde ne se contente pas de dire ce qu’il pourrait faire, mais qu’il fasse réellement ce qu’il dit.

Et la Suisse dans tout cela ? Forte de toutes ses valeurs forgées au cours du temps et grâce à son cœur de liberté, elle peut jouer le rôle de constructeur de ponts, de bâtisseur de la confiance. Non seulement chez nous, comme ici aux Diablerets où l’on sait même construire des passerelles entre les sommets, non seulement à Genève où le monde vient chercher des solutions, mais également en transportant nos valeurs et notre capacité de dialogue et de compromis à l’étranger. La sécurité et la prospérité de la Suisse passent aussi par la sécurité et la prospérité du monde. Même nos montagnes font la chaîne au-delà de nos frontières.

Ce voyage-là est aussi un voyage du 1er août, un voyage de la Suisse. C’est un voyage qui permet d’offrir notre savoir-faire pour la paix, en matière de fédéralisme ou de séparation des pouvoirs. C’est un voyage pour défendre la liberté et protéger des hommes, des femmes et des enfants.

J’ai eu la chance énorme de vivre ce voyage, d’en suivre les itinéraires plus ou moins lointains, toujours avec la Suisse dans le cœur. J’ai lu dans les yeux des enfants rencontrés à quel point notre pays peut être utile.

Imaginez-vous le regard des gens lorsqu’une bonne année après l’avoir promis, l’on ouvre un réseau d’eau dans un camp en plein soleil et en plein désert de Jordanie, abritant des dizaines de milliers de réfugiés, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. Imaginez-vous aussi la réaction de la population à l’est de l’Ukraine, habituée à être abandonnée à son sort et aux bombardements, lorsque la Suisse impartiale réussit comme seul pays à envoyer des convois humanitaires pour aider des millions de personnes, des deux côtés de ce qu’on appelle la ligne de contact - qui n’est autre que la guerre. 


Mesdames et Messieurs,

Notre pays de modestie a aussi le droit d’être fier d’un tel voyage : les croix suisses visibles sur les camions et les trains qui traversent les zones de conflit et de souffrance sont devenues un symbole d’humanité et une preuve reconnue de notre rôle spécifique. Un trait d’union à travers les tranchées.

Durant ces dernières années, j’ai constamment ressenti l’importance de mettre le cap de notre voyage suisse sur la paix et la stabilité en Europe ; de donner la priorité à une contribution concrète pour plus de sécurité dans notre continent. Nous avons progressé dans ce voyage, là où la Suisse peut faire entendre sa voix pour désamorcer les tensions entre les pays occidentaux et la Russie, restaurer un climat de confiance par le dialogue et l’action commune : dans le cadre de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE. Et nous allons continuer sur ce chemin-là, qui emprunte patiemment les interminables champs de l’Est.

En chemin vers un avenir de sécurité et de prospérité, notre pays voyagera le mieux s’il développe de bonnes relations avec son grand voisin de l’Union européenne. Plus de la moitié de nos échanges commerciaux – et tous les emplois et les perspectives qui voyagent dans le même élan – se créent avec lui. Voyons la Lombardie, par exemple : elle importe autant de marchandises suisses que le Brésil, la Russie et l’Afrique du Sud réunis, qui comptent, ensemble, quarante fois plus d’habitants.

Ce voyage intense entre la Suisse et l’Union européenne se vit dans les deux sens. Troisième partenaire commercial de l’UE, la Suisse est l’Etat qui a conclu avec elle le plus grand nombre d’accords. Des relations étroites et flexibles, des ponts stables s’imposent dans l’intérêt commun. Ce que l’on vient de confirmer concrètement la semaine dernière par un nouvel accord éliminant les barrières commerciales qui pourraient freiner cet élan helvético-européen.

La Suisse et l’Union européenne ont développé ensemble la voie bilatérale. L’avenir consiste à consolider les fondations de ce chemin ; à clarifier les règles du « contrat bilatéral » ; à garantir les emplois de nos prochaines générations par un accès au marché sûr et concurrentiel ; et à faire respecter les institutions politiques helvétiques. C’est la seule voie pour que ce voyage nous ramène toujours chez nous, là où l’on trouve en même temps la prospérité et l’indépendance. Et cet avenir-là est possible, si on le veut vraiment, ensemble et avec un optimisme souverain.


Mesdames et Messieurs, chers amis,

Mon épouse et moi-même vous remercions de tout notre cœur de nous avoir invités à faire ce voyage du 1er août avec vous toutes et tous. Merci d’avoir partagé, pas à pas et côte-à-côte, la beauté sereine de votre vallée et la grande force des montagnes.

Pour l’avenir, nous exprimons, tout simplement, tout naturellement, notre confiance dans notre patrie ; et nous vous souhaitons, à chacun d’entre vous, comme à tout notre pays et à tous ses habitants, à toutes ses étoiles et ses cœurs pieux, un merveilleux voyage dans les champs amoureusement cultivés et le long des rivières de la vie.


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