Droits de l'homme et économie suisse

Bern, 15.11.2016 - Discours du président de la Confédération Johann Schneider-Ammann prononcé lors du Forum 2016 des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l'homme.

Seule la parole prononcée fait foi.

Monsieur le Président,
Monsieur le Haut-Commissaire,
Excellences,
Mesdames et Messieurs

Je vous remercie de m'accorder l'honneur  de vous adresser un message lors de votre Forum consacré au leadership et à l’influence en matière d’économie et de droits de l’homme.

Depuis l’adoption des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme en deux-mille-onze, les rôles respectifs des Etats et de l’économie pour promouvoir et respecter les droits de l’homme se sont cristallisés.


Comme par le passé, les Etats ont la responsabilité de concevoir et de mettre en œuvre leurs propres conditions-cadre de politique sociétale et économique. La mutation économique en cours, nous oblige cependant de constater que la gouvernance et le leadership en matière d’économie et de droits de l’homme ne reviennent plus, au vingt-et-unième siècle, aux seuls Etats.

Du fait de la mondialisation, l’interdépendance internationale des activités économiques est beaucoup plus forte.

De plus en plus, les produits et les services sont réalisés dans plusieurs pays, au long de chaînes de création de valeur à maillons multiples, qui sont soumises à des conditions-cadre et à des standards économiques, écologiques et sociétaux différents.

Les entreprises qui entendent assumer leur responsabilité sont dès lors placées devant des défis de taille, raison pour laquelle elles doivent pouvoir s’appuyer sur des lignes directrices internationalement reconnues.

Les Principes directeurs constituent donc la pierre angulaire pour établir des règles du jeu équitables au niveau global, et pour assurer la bonne gouvernance dans le domaine du respect des droits de l’homme en matière d’activités économiques.

Mesdames et Messieurs,

Pour que nous puissions discuter du rôle des droits de l’homme dans les relations économiques internationales, nous devons préserver les échanges commerciaux. C’est seulement à partir du moment qu’ils sont assurés que nous pouvons discuter du respect des droits de l’homme
par les entreprises.

Or, force est de constater que ces derniers mois, le libre-échange est contesté. La campagne électorale aux Etats-Unis, mais aussi le vote britannique pour quitter l’Union-Européenne en sont des illustrations éclatantes. Désécurisés, beaucoup d’électeurs voient leur salut dans le protectionnisme.

Petit pays, la Suisse doit l’essentiel de son immense prospérité à son ouverture au monde et ses marchés. De nombreux pays émergents ont pu sortir des millions de gens de la pauvreté et les faire accéder à une vie plus digne en jouant le jeu du libre-échange et du commerce international. Nous ne devons pas douter : le protectionnisme n’est pas la solution.

Mesdames et Messieurs,

Nous, les gouvernements et le secteur privé, nous devons unir nos forces pour contribuer à améliorer l’impact positif que l’économie peut avoir sur la vie des gens et sur les droits de l’homme.

En usant ensemble de notre influence, nous ouvrons la porte vers un cadre social plus inclusif, plus stable et plus pacifique. La paix sociale est un avantage comparatif qui favorise les investissements.

Chaque leader engagé dans ce sens doit s’investir personnellement pour motiver, par le dialogue, les acteurs de l’économie et de la société civile à œuvrer ensemble.

Les entreprises sont les  créateurs d'emplois par excellence. Grâce à leurs investissements, elles jouent un rôle vital dans le progrès économique et social d’un pays, c’est-à-dire à sa stabilité.  Or la stabilité est un des meilleurs ingrédients pour le développement d’une culture du respect des droits de l’homme.

La préparation de l’adoption du plan d’action national suisse pour la mise en œuvre les Principes directeurs n’a été possible que par le dialogue et une collaboration fructueuse avec les acteurs de la société civile, de l’économie, les partenaires sociaux et le monde académique.

Notre plan reconnait que les activités des entreprises ne se résument pas uniquement à l‘investissement, à la création de places de travail et au développement économique. Il constate aussi que l’activité économique peut éventuellement avoir des effets collatéraux indésirables.

Le plan d’action suisse vise en priorité à combler les lacunes de gouvernance (Governance Gaps), particulièrement lorsque les entreprises déploient leurs activités à l’étranger, dans des zones à hauts risques ou en proie à des conflits.

Le système judiciaire suisse assure l’accès à des voies de recours pour les victimes de violations des droits de l’homme qui ont lieu sur son territoire ou sous sa juridiction.

En outre, la Suisse offre en dernier recours des mécanismes de règlement des différends. Les victimes peuvent y accéder lorsque des entreprises sises en Suisse sont associées à des violations des droits de l’homme à l’étranger, et lorsque l’accès aux voies de recours n’est pas garanti dans le pays hôte des entreprises.

Je suis convaincu que la majorité des grandes entreprises suisses s’acquittent de leurs responsabilités en matière de droits de l’homme. 
 
Elles ont pour la plupart intégré cette approche dans leur modèle de gestion. Leur succès doit convaincre les entreprises récalcitrantes. 

Cette approche pragmatique contribue à atteindre le but recherché par le gouvernement suisse, à savoir que les entreprises suisses s’acquittent de leurs responsabilités en matière de droits de l’homme sans subir de désavantage concurrentiel.

L’adoption des plans nationaux doit tenir compte de la structure économique des Etats. L’économie suisse repose sur un tissu formé de nonante-neuf pour cents de petites et moyennes entreprises. Ces entreprises ne disposent pas toujours des ressources ni des connaissances nécessaires pour intégrer les Principes directeurs dans leurs modèles de gestion. Il faut donc éviter de leur imposer des charges administratives trop lourdes et des coûts de production trop élevés, pour leur permettre de rester compétitives sur les marchés.

Le plan national contient une cinquantaine d‘instruments politiques au service des droits de l’homme et de l’économie suisse.

Le plan d’action suisse ne prévoit aucune nouvelle mesure législative. Il sert à communiquer et à sensibiliser l’économie sur les attentes du Conseil fédéral.

Mesdames et Messieurs,

“An algorithm is a political statement!”

On m’a rendu attentif à ce graffiti sur un escalier de l’Université de Zürich lors du lancement de l’Initiative suisse pour la société numérique de cette université en septembre dernier.

Ce graffiti m’a interpellé.  Il doit tous nous interpeller. Pourquoi ? Actuellement les entreprises sont extrêmement sollicitées par la transformation numérique de l’économie.

La numérisation de l’économie nous offre une chance unique d’aborder la question des droits de l’homme, parce que cette transformation rompt de vieilles pratiques de gestion qui devront être remplacées par de nouveaux « business modèles ».

La numérisation ouvre des portes à des opportunités pour que les entreprises intègrent, dans leurs futurs modèles de gestion, des considérations autres que strictement économiques. Il doit s’agir d’un cercle vertueux : le développement d’une société numérique
ne doit pas cacher des mécanismes visant à traquer les défenseurs des droits de l’homme, mais contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans tous les domaines – politique, économique, social et culturel.

Pour le futur de ce Forum, vous devrez donc aborder la question centrale qui se pose pour les entreprises : comment intégrer la promotion et le respect des droits de l’homme dans les algorithmes qu’elles utiliseront dans le futur ?

Nous devons faire preuve de solidarité, entre les acteurs économiques et de la société civile d’une part, mais entre les Etats d’autre part, pour que le respect des droits de l’homme dans le cadre de l’activité économique globalisée contribue à la stabilité et la paix dans le monde.

Je forme mes vœux de plein succès pour les travaux du cinquième Forum des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme.

Je vous remercie pour votre attention.


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