«La politique en matière de handicap doit avoir pour ambition de permettre la plus grande autonomie possible»

Lausanne, 13.01.2024 - Discours de la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider à l'occasion des 100 ans du service en faveur des personnes atteintes de surdicédité. Seules les paroles prononcées font foi (nur auf Französisch).

Célébrer un anniversaire est un rituel porteur de sens et important. Exprimer de la gratitude à l’égard d’une association est précieux. Toutefois, je souhaite en premier lieu rendre hommage à chaque personne présente cette fin d’après-midi, et avec vous aux 57 000 personnes en Suisse ayant à faire face à une réalité exigeante liée à l’expérience de la surdicécité, parfois présente depuis la naissance dans vos vies. Chacun et chacune d'entre vous représente un parcours de vie unique, teinté de courage, de résilience. J’associe naturellement votre entourage à ma reconnaissance.

Vous surmontez chaque jour des défis que certaines personnes ne peuvent même pas imaginer. Pour communiquer ou vous déplacer bien sûr, mais aussi pour les activités de la vie quotidienne. Faire bouillir de l’eau pour se préparer un thé est une tâche anodine pour la plupart d’entre nous. Une personne atteinte de cécité devra entendre l’eau frémir, une personne atteinte de surdité l’observera. Lorsque ces deux mondes se rencontrent, dans l’obscurité et le silence, il faut alors toucher, sentir les vibrations, ou demander et accepter du soutien. Dans ces conditions, oser le pari de l’autonomie, s’affirmer parfois face à son environnement proche, c’est vivre avec une part de risque même dans son propre logement.

Les enjeux de la société en matière d’inclusion questionnent assurément notre politique d'égalité: on formule volontiers l’hypothèse qu’un sens compensera l’autre et que nos infrastructures sont ainsi adaptées, par exemple dans les transports publics, pour couvrir les besoins des personnes malentendantes ou malvoyantes. En tant que personnes sourdaveugles, vous êtes de véritables sismographes faces aux limites qui fragilisent les attentes légitimes en matière d’inclusion. Or, la politique en matière de handicap doit avoir pour ambition de couvrir aussi vos besoins, pour permettre une vie ouverte sur la plus grande autonomie possible.

La réorientation de l'aide aux personnes en situation de handicap vers un financement par sujet, actuellement en discussion dans de nombreux cantons, devrait contribuer à ce que les personnes sourdaveugles puissent choisir encore plus librement qu'aujourd'hui leur mode de vie et organiser leur quotidien de manière autonome. Le Conseil fédéral est par ailleurs attentif aux attentes mentionnées dans l'initiative pour l'inclusion pour laquelle des signatures sont actuellement récoltées.

Un élément à ne pas négliger concerne l’isolement et la solitude, avec lesquels il n’est pas anodin de cohabiter. Helen Keller, cette illustre écrivaine sourde-aveugle américaine, exprime cette réalité avec une concision percutante: «La cécité sépare des choses, la surdité des personnes.»

Si l’assistance humaine est essentielle pour des questions pratiques, elle est tout aussi capitale sur le plan social. Dans cette salle aujourd’hui, on trouve des proches, des bénévoles formés par l’UCBA, des assistantes et assistants en communication. Vous êtes par moment des mains, des yeux, des oreilles et une voix. Vous êtes surtout des guides et des compagnons précieux et indispensables.

Votre engagement transcende les mots et les gestes, car vous bâtissez des ponts là où les obstacles pourraient sembler insurmontables. Votre utilité n’est pas à démontrer mais à souligner et à reconnaître à sa juste valeur.

La culture est également une facilitatrice précieuse en matière d’inclusion. Pour que chacun et chacune y ait accès, une médiation particulière s’impose pour dépasser certaines barrières liées aux sens. Il faut ici relever l’excellent travail des associations comme l’«Art d’inclure». Votre expérience et vos compétences ouvrent des possibles et permettent des progrès significatifs pour lutter contre l’isolement. 

Nous aurons le privilège de vivre une belle démonstration dans peu de temps avec le concert de l’Orchestre de chambre de Lausanne. En rendant l’art accessible aux personnes en situation de handicap visuel et auditif, vous sensibilisez aussi chaque personne dans le public. Le toucher et les vibrations sont des formes de perception importantes. Ils permettent non seulement de nouveaux accès pour les personnes concernées, mais élargissent également la perception sensorielle de tous les participants et créent des liens inédits.

Enfin, je ne saurais oublier l’Union centrale suisse pour le bien des aveugles, 120 ans d’existence et d’engagement. Et 100 ans pour le service dédié aux personnes atteintes de surdicécité. Cet anniversaire est l’écho d’une longue, remarquable et remarquée épopée et histoire. Quelle audace et responsabilité vous avez su manifester et endosser par rapport à une société trop timide ou timorée en matière d’intégration. Les personnes concernées savent à quel point votre engagement en faveur de la promotion de l’égalité et du respect à leur égard, pour défendre leurs droits et leurs intérêts, a contribué à faire tomber de nombreuses barrières. A vous aussi, un immense merci.

Je me sens à l’aise aujourd’hui car j’ai en fait, dans le sillage de mes études, commencé ma vie professionnelle dans un service spécialisé à Neuchâtel (ANBA) avec pour mandat particulièrement l’intégration scolaire des enfants aveugles ou malvoyants. Je me souviens avec émotion de leur courage, de leur insouciance mais aussi de leurs découragements passagers, de leur insatiable envie de s’intégrer, bref de leur résilience. Le soutien et l’amour de leur entourage était un appui précieux et les progrès réalisés souvent époustouflants. Nous avions notamment demandé à la Confédération que les dictaphones soient intégrés dans les moyens auxiliaires en guise de soutien pour les déplacements. C’était une autre époque. Mais pas loin de quatre décennies plus tard, je ressens les mêmes émotions teintées de respect et d’estime pour mon premier discours en tant que cheffe du Département fédéral de l’intérieur.

Avec sa permission je citerai encore Manuele Bertoli qui, tout en souffrant de cécité, a été durant 12 ans conseiller d’état tessinois, 3 fois président, et également membre du comité UCBA responsable pour les sourdaveugles: «Agir pour l'inclusion des personnes qui ont des besoins particuliers n'est pas seulement un devoir de la société envers ses citoyens, mais aussi une grande et belle occasion de croissance collective pour rendre cette société meilleure.» Ses mots et votre centenaire sont un élan pour poursuivre les étapes d’une politique inclusive ambitieuse, et un rappel de la responsabilité de la collectivité pour construire une société qui accueille, soutient et valorise chaque personne afin qu’elle puisse vivre dans la dignité.


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