Festival Images

Vevey, 08.09.2018 - Rede von Bundespräsident Alain Berset anlässlich der Eröffnung des Festivals Images in Vevey – Es gilt das gesprochene Wort.

Il n'y a vraiment que dans le milieu de la photographie que, invité à discourir, l'on peut sans problème évoquer le négatif et les épreuves.

Ce soir, je dois malheureusement employer ces termes dans leur sens premier.

Il m'est en effet arrivé quelque chose de résolument négatif et qui va inévitablement transformer ce discours en une épreuve, pour moi comme pour vous, je le crains. J'avais prévu, pour faire honneur à votre manifestation et souligner la pertinence de ce média qu'est la photographie, de vous montrer une série de diapositives. Le problème, c'est que nous n'avons qu'un seul rétroprojecteur pour tout le Conseil fédéral. Il a été acheté en 1964, avec le solde des crédits obtenus à l'époque pour l'acquisition des nouveaux Mirages III. Et ce soir, c'est mon ami Guy Parmelin, qui a une réunion de la plus haute importance avec l'Etat-major de notre armée, qui l'a réquisitionné.

Aussi, je dois vous demander de faire un effort d'imagination parce que je vais vous décrire avec des mots la série de clichés que j'avais spécialement sélectionnés à votre intention. Merci d'avance pour votre indulgence.

1. Sur le premier cliché, nous nous trouvons au bord du lac, sur un quai, à l'ombre des platanes. Les portraits de trois baigneuses, dans les tons vert et bleu, sont alignés, suspendus au-dessus de l'eau par un mécanisme ingénieusement simple, s'inspirant de la canne à pêche. Soufflées par la brise, les baigneuses nagent dans les airs. Ou sortent-elles au contraire du lac, prises comme des sirènes ? Des passants ont en tous les cas sorti leur téléphone portable pour immortaliser cet instant figé dans la grâce. Pas de doute, nous sommes bien à Vevey, dans un univers parallèle prétexte à rêveries.

2. Deuxième cliché. Nous quittons les abords du lac pour le centre de Vevey. Une cycliste passe sur la route, au croisement des feux. Derrière elle, l'image d'un arbre recouvre un pan d'immeuble. Ses branches n'ont pas de feuilles, sa cime se perd dans le brouillard.

La nature reprend le contrôle de la cité. L'arbre est dénudé, mais la ville est rhabillée. La poésie naît ici de la superposition des contraires.

3. Troisième cliché : à l'intérieur d'un temple. Sur les bancs, une assemblée de visiteurs.

Devant eux, un artiste parle de son travail. A Vevey, la photographie, art profane, investit également les lieux sacrés. Il y a beaucoup de monde pour écouter le photographe, ce qui tendrait à faire démentir cette citation de Raymond Depardon : « il faut aimer la solitude quand on veut être photographe ». Contredire Depardon dans un lieu de repentance, c'est plutôt inattendu ! La photographie nous rappelle ici qu'elle procède au départ d'une inversion de la réalité.

4. Quatrième cliché. Il concerne une installation présentée à Vevey en 2016. Sur une place, des gens regardent à travers des jumelles panoramiques fixées contre un mur.

De l'autre côté de ce mur, c'est la Corée du Nord, un pays sous le feu de l'actualité mais qui reste néanmoins mystérieux, même à l'époque de Google Street. La photographie devient politique lorsqu'elle nous donne à voir l'état du monde. Nous ne saurions l'oublier, nous autres Suisses, concitoyens des grands photographes René Burri et Werner Bischof qui ont, par leur travail au sein de l'agence Magnum, marqué le siècle dernier de leurs regards.

5. Le cinquième cliché évoque précisément la Suisse. Un paysage de montagne s'affiche sur la façade d'un immeuble. Au premier plan, de dos, la tête d'un homme, coiffée d'une casquette blanche qui semble se fondre dans les neiges. Un touriste, peut-être, que l'on suppose contemplatif, du moins si l'on se réfère au titre de l'œuvre : « Think of Switzerland ». Ce cinquième cliché nous fait envisager Images Vevey comme un festival international, ouvert sur un monde dont la Suisse fait partie intégrante et qui lui donne l'occasion de se montrer. Par le biais du huitième art, notre paysage alpin s'expose ainsi en grand, comme une huitième merveille du monde.

6. Sixième et avant-dernier cliché. Aux abords de la Gare de Vevey. On troque la casquette, pour le bob et les lunettes de soleil : le photographe allemand Joachim Schmid s'expose aux quatre coins de la planète. Il a réalisé un tour du monde en quatre-vingts selfies ! Le selfie a récemment installé la photographie au rang d'un art de vivre.

Il a, certes, toutes les apparences du geste égoïste. Mais en définitive, la plupart des selfies pris dans le monde sont des photos de groupes qui célèbrent la joie de vivre ensemble. Il y a là un paradoxe moderne généré par la photographie, qui souvent donne à réfléchir.

7. Septième et dernier cliché. Nous sommes à Corseaux. Dans la « salle de verdure » de la villa Le Lac, dessinée pour ses parents par le Corbusier, et dont l'ouverture crée un tableau du Léman. Sont attablés : le photographe Jürgen Teller et l'artiste autrichien Erwin Wurm, à l'affiche du festival cette année. Ce dernier est réputé pour son humour aux confins de l'absurde ainsi que pour son extravagance, deux immenses qualités d'artistes par le prisme desquelles il nous est donné de voir le monde autrement. Ce que l'on devrait attendre de toute manifestation culturelle digne de ce nom. Erwin Wurm s'est rendu célèbre pour ses « one minute sculptures », concept qu'il importe à Vevey et qui permet à tout un chacun de poser devant son objectif avec un objet particulier pour acquérir, l'espace d'une minute, le statut d'œuvre d'art vivante. Et c'est précisément sur son concept de « one minute sculptures » que s'achève mon propre concept de « seven pictures speech ».

Les sept images que je viens de vous décrire existent, vous pouvez les retrouver sur le site officiel d'Images Vevey*. J'ai souhaité qu'elles fassent office, en ce soir d'inauguration, de bande-annonce virtuelle, prélude à cette manifestation bisannuelle veveysane de très haute tenue et, soulignons-le, gratuite, grâce notamment à ses soutiens, parmi lesquels la Confédération, via Présence suisse et Pro Helvetia. Si j'avais été en possession de l'appareil à diapositives du Conseil fédéral, nous serions arrivés à la fin de la projection, et derrière moi, sur l'écran, vous verriez maintenant un carré blanc.

Celui-ci symboliserait le silence. Le plus bel hommage qui puisse être rendu à l'image.

Je vous remercie de votre patience et vous souhaite de faire de très belles découvertes.

* www.images.ch


Adresse für Rückfragen

Nicole Lamon, Kommunikationschefin EDI, Tel. +41 78 756 44 49


Herausgeber

Generalsekretariat EDI
http://www.edi.admin.ch

https://www.admin.ch/content/gov/de/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-72086.html