Genève est un don, pour la Suisse et au service de l’humanité (fr)

Bern, 08.09.2014 - Genf, 08.09.2014 - Ansprache von Bundespräsident Didier Burkhalter im Rahmen der Preisverleihung 2014 der Fondation pour Genève - Es gilt das gesprochene Wort

Monsieur le Directeur général,
Monsieur le Président du Conseil d’Etat,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président de la Fondation pour Genève,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis de Genève, de la Suisse, du Monde,

Il y a trente ans, presque jour pour jour, je suis venu à Genève pour travailler. Avec celle qui allait devenir mon épouse, nous avions une petite chambre au centre de la ville. Nous l’avons vécu comme un point de départ – c’était en fait un cadeau de la vie ; l’un de ces vrais cadeaux qui n’ont pas de prix…

Si Genève fut un cadeau dans notre vie, cette cité est un don  pour la Suisse. Cette cité est un don pour le monde.

En particulier depuis un 22 août : il y a quelques jours… et 150 ans. C’était en 1864, lorsque les délégués de douze pays signèrent la première Convention de Genève, à l’issue d’une conférence imaginée par Henry Dunant, présidée par le général Dufour et réunie par le Conseil fédéral. Ce 22 août 1864, à l’hôtel de ville de Genève, est né le droit international humanitaire. Depuis lors Genève donne une autre couleur à l’humanité en faisant rayonner sur elle la lumière de l’humanitaire : cette lumière si pure qu’elle semble éteindre les bruits, comme lorsque le soleil se met à éclairer les montagnes à l’aube...

Peut-être est-ce d’ailleurs pour cela qu’à l’occasion de ce 150e anniversaire, j’ai écrit voici quelques jours au canton du Valais et à la commune de Zermatt, pour leur proposer non pas de déplacer, mais de rebaptiser une montagne : « l’Ostpitze » située si haut, à 4632mètres, dans le Mont-Rose, non loin du sommet de la Suisse.

Quel beau symbole ce serait que de nommer le deuxième plus haut point de Suisse et de réunir ainsi au sommet de nos valeurs comme de nos montagnes, les co-fondateurs de la Croix-Rouge avec, à côté de la pointe Dufour, et à une altitude comparable, la pointe Dunant !

Quelques années après la Convention de Genève, c’est une autre naissance qui allait avoir lieu dans la même salle de l’Hôtel de Ville de Genève, le 15 septembre 1872. Avec l’arbitrage dit de « l’Alabama » deux puissances importantes, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, acceptaient de se soumettre, non pas aux juges étrangers, mais à la décision d’une Cour internationale pour régler pacifiquement un important différend. Cette décision exceptionnelle ouvrait la voie à un nouveau type de relations entre les Etats, basée sur le droit non plus sur la seule force, une évolution faite de sagesse qui permit le développement du droit international public tel que nous le connaissons aujourd’hui. Depuis lors Genève donne une autre couleur au monde, en faisant rayonner sur lui la lumière du droit et de la paix : cette autre lumière si pure qu’elle devrait éteindre les souffrances. Elle devrait…

Au fil des ans, de nombreux autres combats vinrent s’ajouter au catalogue des vertus irriguant le cœur de Genève : pour les droits de l’homme, la santé, le développement ; pour l’environnement, les conditions de travail, le commerce ; pour les communications, et bien d’autres domaines qui marquent de leur empreinte l’évolution du monde entier et la vie de chacun de nous au quotidien.


Il suffit de regarder défiler les images du passé pour voir que la Confédération suisse a vite compris le don de Genève. Elle s’est engagée fortement et de longue date pour déployer les ailes internationales de cette ville: de Giuseppe Motta et Felix Calonder – au temps de la Société des Nations – à Max Petitpierre ou Willy Spühler en passant par Friedrich Traugott Wahlen, notamment.

Des conseillers fédéraux venus des quatre régions linguistiques et de tous les partis ont compris, avec d’autres, que Genève est réellement un don, pour le monde et pour la Suisse. Un atout exceptionnel pour défendre ses intérêts et porter haut ses valeurs, aussi haut que ses plus belles montagnes.

Et ils ont saisi le sens d’une histoire à écrire à l’encre qui ne sèche jamais : si Genève est un don, c’est surtout pour les générations suivantes. Ici on construit un monde meilleur, pour demain, pour les générations en devenir. Ici, on revendique la jeunesse – et on refuse l’amertume.
Nous sommes tous les successeurs de ces pionniers. Ce soir, nous devons être reconnaissants de leur travail, de leur vision, car sans eux nous ne serions pas là.

Ils furent les « bons travailleurs qui pour les autres ensemencent », pour reprendre les paroles d’un chant de ma région, l’hymne neuchâtelois, au moment où l’on célèbre les 200 ans de l’adhésion simultanée des trois cantons de Genève, de Neuchâtel et du Valais à la Confédération.
Nos prédécesseurs ont donc créé, construit, fait croître et prospérer le rôle international de Genève, cette « lumière de Genève ». Aujourd’hui il nous appartient d’en prendre soin.

Mais il faut faire bien plus encore : nous devons anticiper, préparer l’avenir, mettre en place les conditions pour que Genève reste un don, demain aussi. Un don pour les vagues incessantes de la jeunesse.

Je suis heureux que la Fondation pour Genève ait décidé de remettre ce prix 2014, au fond, à la Confédération suisse ; une Confédération que j’ai l’honneur de représenter cette année dans la fonction présidentielle.

Mais revenons à Genève : ce prix, si je l’accepte, et si je le prends avec moi, je ne le prends pas pour moi : j’aimerais faire comme mes prédécesseurs, regarder l’avenir – les prochaines vagues qui n’ont pas encore déferlé - et dédier cette reconnaissance aux générations futures, à la jeunesse qui est dans nos cœurs.

La jeunesse, parlons-en ! Ou plutôt, laissons-la parler, comme ce soir ! Elle vient de s’exprimer, par la voix de Simone Fehr et Nina Egger Simone et Nina merci de vos propos et merci d’être là, tout simplement ; vous représentez la jeunesse suisse auprès des Nations Unies, ensemble avec Damian Vogt, aussi présent ce soir, Damian qui m’accompagnera dans quelques jours à New York, à l’occasion de l’ouverture de la 69e Assemblée générale de l’ONU.

La jeunesse est aussi partout dans cette salle ; d’abord parce que nous avons invité les missions permanentes à venir représentées ce soir également par leur plus jeune collaboratrice ou collaborateur. Merci à tous ceux qui ont joué le jeu !  Des missions d’ailleurs dont je me réjouis qu’elles soient de plus en plus nombreuses à Genève, avec l’arrivée récente des Fidji - Bienvenue ! - et celle prévue de plusieurs autres Etats, ce qui nous rapproche d’une présence véritablement et nécessairement universelle.

La jeunesse, ensuite, c’est aussi elle qui nous a accompagnés en musique lors de cette belle soirée. Merci de partager avec nous – et pour Genève - votre don !

La jeunesse, enfin, elle est nichée dans le cœur de chacun de nous, sans se préoccuper de l’âge le moins du monde… Car elle est au cœur de l’action des Nations, des organisations et ONG réunies à Genève.

Mesdames et Messieurs,

Les efforts conjugués au présent pour renforcer Genève résultent d’un travail d’équipe.

Celui qui est fait au sein des services de la Confédération et plus particulièrement du Département fédéral des affaires étrangères : que tous ses collaborateurs en soient ici remerciés ! 

C’est aussi un travail porté par les acteurs internationaux présents ici, qui font vivre Genève et qui la développent. J’aimerais exprimer ma gratitude à notre hôte de ce soir, les Nations Unies. Je pense en particulier à votre travail, M. le Directeur général, et à celui de toute votre équipe.

Merci de nous accueillir ici, Merci de nous ouvrir ce Palais des Nations qui est avant la maison des peuples.

Quant à M. Ban Ki-moon, son message est à la fois touchant et trop élogieux. J’aimerais surtout relever qu’avec tout ce qu’il fait pour le monde, il trouve encore le temps de penser à nous. C’est typiquement lui, et l’on peut dire en effet, qu’entre lui et Genève, c’est une… honeymoon.

Enfin, le présent de Genève et la préparation de son avenir c’est aussi un travail d’ « équipe suisse » qui se base sur une relation de confiance et une forte volonté politique commune que la Confédération partage avec la Ville de Genève et la République et canton de Genève. Ainsi, la Suisse montre qu’elle sait partager le pouvoir pour en multiplier le potentiel en faveur du peuple.

Au moment où Genève remercie la Suisse de son engagement, il me vient à l’idée que nous devrions peut-être créer un « prix miroir », celui d’une « Fondation pour la Suisse » qui permettrait au pays de remercier Genève d’être ce don, cette volonté, cet atout.

Car, au fond, « l’Esprit de Genève », ce sens de responsabilité envers l’humanité, cette essence de volonté, cette science d’indépendance et d’ouverture au monde, cette conscience de solidarité avec les plus faibles et de foi dans le progrès humain, ce dense amour de la liberté et du droit ; tout cette danse de valeurs est devenu, peu à peu, « l’Esprit de la Suisse ».


Mesdames et Messieurs,

Si Genève est une orientation pour l’avenir, nous ne devons jamais perdre le passé, l’oublier. Cet été, le monde commémore beaucoup. Il devrait se souvenir autant.

Fin juillet marquait les 100 ans des débuts du Premier conflit mondial. Cette guerre a engendré des millions de morts, d’innombrables drames et atrocités. Mais elle a aussi souligné la nécessité d’établir un endroit où les nations puissent se rencontrer, des mécanismes pour se concerter et régler leurs différends pacifiquement.

Un lieu pour se parler, tout simplement mais aussi sincèrement ; car le dialogue est la base de toute compréhension de l’autre, puis de la paix, même lorsqu’elle donne l’impression de s’évanouir comme un mirage dans le désert des souffrances. Un lieu impartial au service de l’humanité.  Ce lieu, c’est Genève qui, une fois encore dès 1918, a porté haut sa devise : Post Tenebras Lux. Après les ténèbres de la guerre, la lumière de la paix !

100 ans après, nous gardons la tragédie de la Première guerre mondiale en mémoire, pour la comprendre et éviter qu’elle ne se reproduise. C’est aussi là une sorte de jeunesse. J’ai donc invité cette année des élèves de toute la Suisse à travailler, à réfléchir, à exprimer leurs sentiments sur la guerre et la paix dans le monde d’aujourd’hui, à penser au rôle de la Suisse aussi. J’ai eu le plaisir énorme de rencontrer cet après-midi, ici-même, au Palais des Nations, cette jeunesse pour qui la sincérité est naturelle.


Ces élèves venus de toute la Suisse ont pu découvrir aujourd’hui le travail de l’ONU et du CICR, la valeur ajoutée de Genève. Avec les trois classes qui vont gagner le concours, nous ferons un  vrai travail de mémoire : nous nous rendrons cet automne à Ypres, une ville qui n’est plus comme une autre parce qu’elle est devenue soudainement un champ de bataille, une cité-martyre, un témoin séculaire dans une Belgique qui était neutre...

Pour nous souvenir, pour ne pas oublier, il faut aussi transmettre : la Suisse a décidé, aujourd’hui, d’émettre un signe fort, durable et concret à l’occasion de cette période de commémoration. Elle entend ériger, à Genève, un monument consacré au thème « du droit des victimes, et des devoirs des Etats ». Ce monument interactif sera offert aux Nations Unies. Il devrait trouver sa place ici même, au Palais des Nations, dans ce lieu qui appartient aux populations du monde, dans cette maison qui doit redonner l’espoir à ceux qui ont souffert.

C’est en Europe qu’ont démarré les deux conflits mondiaux. C’est ce Palais qu’on a érigé dans l’Entre-deux-guerres pour promouvoir la paix. Genève est un lieu juste pour ce travail de mémoire.

Cette œuvre se distinguera par son caractère universel : elle sera une marque de reconnaissance des souffrances de toutes les victimes des conflits, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides. Elle se veut aussi un message vers l’avenir, d’engagement de la Communauté internationale pour éviter une répétition de ces atrocités. Elle sera enfin un rappel des acquis du XXe siècle en matière de responsabilité des Etats et de devoir de protéger.

Cette œuvre de mémoire sera réalisée suite à un concours de projets qui sera lancé ces prochains mois.

Mesdames et Messieurs,

Les efforts déployés dans cette ville et dans cette maison de paix n’ont pas suffi à éviter que les ténèbres réapparaissent, il y a 75 ans, avec le second conflit mondial et son cortège d’atrocités et de victimes par dizaines de millions.

A la suite de ce nouveau cataclysme, il fallait que la lumière de Genève retrouve sa force et son flamboiement. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, Genève est devenu le premier centre de gouvernance mondiale. Les récentes discussions sur le nucléaire iranien ou sur les crises syrienne ou ukrainienne le soulignent ; elles montrent aussi que ces efforts ne sont pas suffisants, que la paix se gagne seulement à la force du cœur et seulement si ce cœur, ce courage et cette volonté sont incessants.

Genève s’est développée. Elle a atteint une notoriété si forte que le monde est convaincu qu’elle est la capitale de la Suisse. Ce qui, d’ailleurs, ne dérange pas vraiment à Berne, au bord de l’Aar. C’est là, l’art de la Suisse…

En revanche, ici à Genève, il y a parfois des interrogations surprenantes. Par exemple, peut-on vouloir se battre pour Genève en n’étant pas Genevois ? La réponse est simple : c’est toute la Suisse, d’où qu’on vienne, qui peut ressentir l’importance du rôle de Genève, pour tout le pays et pour le monde.


Le prix de ce soir en est la preuve : même un Neuchâtelois peut le recevoir ; même un Neuchâtelois, né au bord d’un lac qu’il estime être le plus beau de Suisse, peut ressentir et vivre pleinement la beauté profonde de la cité du bout du Léman. 

Mesdames et Messieurs,

Pour que Genève reste demain le don qu’elle est aujourd’hui pour le monde, la Suisse, le canton de Genève et la Ville de Genève ont décidé l’an dernier de conjuguer leurs efforts. Nous disposons enfin d’une stratégie commune. Pour améliorer les conditions matérielles de la présence internationale à Genève, à commencer par la rénovation de cet héritage universel des peuples, le Palais des Nations. Et pour renforcer les talents et les idées de Genève et à Genève.

Le Conseil fédéral enverra cet automne ses propositions au Parlement suisse, son « message » comme l’on dit. Et ce message devra être clair : Genève doit devenir un aimant et une source. L’aimant qui attire les personnes et les entreprises communes afin de les mettre au service des défis de notre monde ; et la source des gestes et des idées que notre pays peut ensuite mettre au service de l’humanité.

Le Conseil fédéral proposera au Parlement de se doter des moyens, techniques, financiers, matériels et intellectuels pour que le site international de Genève garde en son cœur une qualité d’avance. Sa concentration unique d’acteurs doit nous pousser à favoriser d’avantage les synergies. Car les défis de notre temps seront résolus par des réponses globales et multidisciplinaires. Ou mieux qu’à Genève peut-on envisager la mise en réseau d’autant de compétences essentielles?  

La stratégie commune de la ville, du canton et de la Confédération c’est d’agir pour rénover les bâtiments, faciliter les processus et les implantations, renforcer la qualité du contenu par des échanges et des mises en réseau et stimuler l’offre intellectuelle que Genève met à disposition du monde.

Mesdames et Messieurs,

Avec un savant mélange d’ambition et de modestie, la Suisse internationale par Genève est dépositaire de fragments utiles pour l’avenir de notre monde. Dépositaire – comme le gouvernement suisse l’est pour les conventions de Genève ; nous ne décidons pas seul, c’est plus difficile : nous consultons, facilitons, nous tentons de convaincre.

C’est ce que nous voudrions tant en ce moment au sujet d’une réunion des Hautes-Parties Contractantes à la quatrième Convention de Genève pour renforcer le respect du droit international humanitaire.

Les tâches du monde sont encore bien lourdes et sans fin. Mais Genève est véritablement dépositaire de fragments utiles pour l’avenir du monde à construire ensemble. Pour lutter contre les ravages de la pauvreté, pour contrer de terribles épidémies ; pour plus de justice à l’égard des peuples ; pour faire triompher la paix.


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