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Les améliorations foncières améliorent aussi le paysage

Les améliorations foncières améliorent aussi le paysage

Exposé de M. Franz-Sepp Stulz
Chef de la division Nature, Office fédéral de l'environnement, des forêts et
du paysage

L'agriculteur travaille la terre pour produire les denrées alimentaires dont
la société a besoin. Pour ce faire il met en place les outils qui lui sont
nécessaires - bâtiments, dessertes, terrasses - modelant ainsi le
territoire, dans un processus dynamique initié il y a des siècles. Il en est
résulté des paysages variés et souvent très typés, répondant aux aspirations
des êtres humains et aux besoins d'une multitude d'espèces végétales et
animales partageant le territoire de l'homme.

"Produit dérivé" de l'activité des hommes, le paysage est un bien commun.
Capital culturel, social, écologique et économique dont le devenir intéresse
chacun et chacune : le paysage fait partie du champ d'action de la
politique. En 1997, le Conseil fédéral adoptait les bases de sa politique du
paysage, dans un document intitulé Conception "Paysage suisse". Sa
philosophie consiste à intégrer une composante "paysage" à chaque activité
de la Confédération ayant une incidence sur le paysage.

De la simplification à la reconstruction du paysage

Les améliorations foncières modernes s'inscrivent dans cette stratégie.
Auparavant, lorsqu'elles n'avaient pas d'autre objectif que l'amélioration
des conditions de production, les améliorations foncières ont trop souvent
simplifié le paysage rural, en éliminant les structures gênant l'
exploitation rationnelle du sol. Cependant on gommait ainsi les témoignages
des générations précédentes et on ôtait aux espèces sauvages
d'indispensables bases de vie. La multifonctionnalité désormais assumée par
l'agriculture s'est logiquement accompagnée d'une évolution des
améliorations foncières. Elles ont élargi leurs tâches à l'ensemble des
enjeux de l'espace rural, en particulier la protection des ressources
naturelles, sol, eaux, biodiversité et paysage. Depuis une dizaine d'années,
cette orientation nouvelle s'est concrétisée dans les campagnes par
plusieurs réalisations exemplaires. En organisant un concours avec l'ASPAN,
l'OFEFP a souhaité faire connaître plus largement la nouvelle orientation
donnée à cet instrument d'organisation du territoire rural.

Les améliorations foncières, par la redistribution des terrains et le
redécoupage des parcelles qu'elles facilitent, sont l'instrument adéquat
pour atteindre des objectifs agricoles tout en les coordonnant avec des
projets paysagers d'envergure régionale. Des exemples probants existent dans
toute la Suisse romande: organisation d'un réseau écologique cohérent à
Ins - Gampelen (BE) ainsi qu'à Grandvillard (FR), revitalisation de cours
d'eau à St-Aubin - Sauges (NE) ainsi qu'à Vuisternens-devant-Romont (FR),
revitalisation et rationalisation d'activités agricoles qui ont modelé le
paysage à St-Martin (VS); protection appliquée de grands milieux naturels à
Ecublens (FR) ou à Damphreux (JU).

De telles réalisations dépassent le cadre d'une simple exploitation
agricole; elles nécessitent la participation de nombreux acteurs, un cadre
juridique sûr, la participation financière des pouvoirs publics, autant de
prestations que l'amélioration foncière est à même de réunir.

La participation de tous les milieux concernés est nécessaire

Parmi les bons exemples - cités plus haut - qu'il a visités, c'est celui de
Damphreux que le jury a particulièrement distingué. Outre la réussite de
l'intégration paysagère que l'on constatera durant la visite prévue en fin
de matinée, cette réalisation se distingue par une participation de tous les
partenaires et bénéficiaires à la réalisation d'une amélioration foncière.
Outre les exploitants et la commune, le syndicat de Damphreux compte aussi
parmi ses membres influents la Fondation pour la protection des marais de
Damphreux. Dès le départ, cette organisation a perçu le potentiel qu'une
amélioration foncière peut présenter pour réaliser un projet-nature
d'envergure autour d'un ensemble de végétation marécageuse de grande valeur.
Nul doute qu'elle compte parmi les artisans de la distinction remise
aujourd'hui ! Cependant, il est certain que cette nouvelle forme de
collaboration ne se fait pas sans frictions - certains échos sont même
parvenus jusqu'à Berne... Mais c'est le lot de ceux qui tracent de nouveaux
chemins et . qui sont parfois reconnus puisqu'aujourd'hui c'est en
particulier cette démarche d'élargissement du cercle des partenaires, de
collaboration, que le jury a voulu récompenser.

Maintenir le réseau écologique

L'OFEFP souhaite que l'instrument d'organisation du territoire que constitue
l'amélioration foncière soit pleinement utilisé au service de projets
multifonctionnels. En aménageant ou en protégeant des éléments marquants du
paysage rural - cours d'eau, rideaux-abris, marais, bosquets - les
améliorations foncières assurent les grandes lignes du réseau écologique,
son squelette. Celui-ci se voit complété et renforcé par les surfaces de
compensation écologique, encouragées par les paiements directs de la loi sur
l'agriculture. Dans le cas de Damphreux, la priorité portera sur les
couloirs de migrations des amphibiens vers les étangs. Améliorations
foncières et surfaces de compensation écologique sont ainsi deux instruments
complémentaires de la politique agro-environnementale suisse. Elles
déploient des effets favorables sur la société dans son entier, en
garantissant un paysage varié et vivant, tout en contribuant à la qualité
des eaux potables et à la protection contre les crues.

De tous les efforts que l'agriculture réalise en faveur de l'environnement,
le paysage est la partie la plus visible, la carte de visite tendue à
monsieur et madame tout-le-monde. Au moment où l'agriculture suisse entend
valoriser son image et tirer pleinement parti des notions de terroir, de
typicité et de proximité, c'est dire toute la portée que revêt sa relation
avec le paysage et le soin qu'elle met à le préserver voire à le
reconstruire.