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Discours du CF P. Couchepin lors de la leçon d'honneur du Pr. Pflug, Lausanne

COMMUNIQUE DE PRESSE / Lausanne, le 1.2.2001

Discours du CF P. Couchepin lors de la leçon d'honneur du Pr. Pflug,
Lausanne

" L'ingénieur et la cité "

Leçon d'honneur du Professeur Léopold Pflug,
à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne

DISCOURS DU CONSEILLER FEDERAL

PASCAL COUCHEPIN,

CHEF DU DEPARTEMENT FEDERAL DE L‘ECONOMIE

Lausanne, le 1er février 2001

Embargo 01.02.2001 / 17h15

Seule la version orale fait foi !

Monsieur le Président du Conseil des écoles polytechniques fédérales
(M. Waldvogel),

Monsieur le Président de l'école polytechnique fédérale lausannoise
(M. Aebischer),

Mesdames, Messieurs,

C'est sans hésiter que j'ai accepté de participer, à la demande du
Professeur Léopold Pflug, à sa leçon d'adieu. En effet, depuis que je
le connais personnellement, cela fait une dizaine d'années, j'ai été
impressionné par l'esprit qui motive son action. D'autres diront mieux
ce que fut sa contribution scientifique. Par contre, j'ai pu juger par
moi-même l'engagement civique, l'action publique du Professeur Pflug
et sa profonde humanité. Il est de ceux qui pensent et pratiquent le
principe selon lequel il n'y a pas de pédagogie, à quelque niveau que
ce soit, sans l'amitié, sans l'affection même pour l'élève et tout
particulièrement pour l'élève qui passe par des moments professionnels
ou privés plus difficiles.

Le Professeur Pflug est réellement un ingénieur dans la cité. Il l'a
démontré par son engagement dans diverses organisations d'intérêt
public et par sa contribution à des associations qui promeuvent le
développement scientifique. Je l'ai bien connu lorsque j'étais
président de commune dans un organisme de promotion de la gestion de
l'énergie dans les milieux urbains.

Mais je voudrais aussi saisir cette occasion pour évoquer avec vous
quelques questions qui relèvent de la politique de la science et de la
technologie et de l'attitude de nos sociétés à l'égard de la science,
de la recherche et du progrès.

On prétend que François Mauriac, orfèvre en matière d'ironie mordante,
aurait dit un jour à l'époque où l'Allemagne n'était pas réunifiée : „
J'aime tellement l'Allemagne que je préfère qu'il y en ait deux ". Le
Conseil fédéral en son temps décida sans ironie qu'il aimait tellement
la science, la recherche et la technologie, qu'il confia ce secteur à
deux départements fédéraux, tout en respectant bien sûr les
compétences cantonales en matière d'éducation, notamment en matière de
recherche.

Au Département fédéral de l'intérieur appartient la gestion, le
développement des Ecoles polytechniques ainsi que la coopération avec
les universités cantonales. Au Département de l'économie revient
l'organisation et la réorganisation des Hautes Ecoles spécialisées et
le transfert technologique.

Le système n'est pas simple mais il peut fonctionner avec efficacité
si les partenaires collaborent facilement. Nous l'avons constaté à
plusieurs reprises et particulièrement lors de l'élaboration du
Message relatif à l'encouragement de la formation, de la recherche et
de la technologie où les deux Ministères oeuvrèrent de concert pour
élaborer une politique stimulante et cohérente.

Aujourd'hui, des voix parlementaires et non parlementaires demandent
la création d'un grand Ministère de la science ou tout au moins la
réunion sous un seul toit de toutes les compétences en la matière. Le
débat est ouvert. Il est probable qu'il ne s'achèvera pas de sitôt.
Car une telle réforme ne peut être imaginée que dans le cadre plus
large d'une nouvelle répartition des compétences entre départements.
Elle n'interviendra probablement pas avant que soit réglée le problème
de la réforme du gouvernement.

Enfin, sur le fond, quelques solides arguments militent en faveur du
système actuel. La science, la recherche et la technologie ne sont pas
le seul secteur qui relève de deux départements.

Le Département de l'économie dont je suis responsable est
co-responsable de la politique étrangère et de l'intégration
européenne puisque nous sommes leader en matière de politique
économique extérieure. Nous avons aussi une responsabilité partagée
pour la politique d'aide au développement puisque le Département de
l'économie est chargé des mesures d'aide destinées à intégrer les
économies des pays émergeants à l'économie mondiale alors que le
Département des affaires étrangères est responsable de l'aide au
développement de base. Cette division permet de mieux prendre en
compte certains conflits d'objectifs, l'arbitrage, le cas échéant,
appartenant à l'autorité collégiale, le Conseil fédéral.

D'autre part, très pragmatiquement, la répartition dans deux
départements donne plus de poids à la tâche elle-même puisque deux
conseillers fédéraux doivent avoir une connaissance plus pointue des
dossiers et ont tout naturellement tendance à se soutenir mutuellement
pour favoriser la tâche générale, illustrant sans ironie et dans un
autre domaine la boutade de Mauriac relative aux deux Allemagne.

L'EPFL dépend donc du Département fédéral de l'intérieur alors qu'en
ma qualité de chef du Département de l'économie, c'est sous ma
responsabilité qu'est placée la politique en matière de technologie et
donc l'ingénierie.

Dans une optique classique, à la Humboldt, la notion de science
conçoit l'enseignement et la recherche comme une unité. Le cercle
scientifique est une communauté de savants, étudiants et professeurs,
réunis dans le but d'expliquer le monde. L'union de l'enseignement et
de la recherche est une option stratégique qui permet de stimuler le
dynamisme de la science grâce à l'interaction entre la recherche du
savoir et son transfert.

Mais tout le monde est d'accord aujourd'hui pour dire que ce dynamisme
ne doit pas se borner au milieu académique, à un cercle d'initiés,
mais au contraire permettre à la société entière de se développer. La
tendance isolationniste cependant ne disparaît totalement. Le risque
que le savant s'isole, dans sa tour d'ivoire ou ailleurs, demeure
toujours.

La science n'est pas seulement source de savoir. Elle est également
une source de savoir-faire, de compréhension des forces de la nature,
de qualité de la vie. Son pouvoir innovateur est un puissant facteur
de croissance économique et, partant, de richesse.

A l'avenir, le succès d'une économie dépendra en grande partie de sa
capacité de transformer rapidement les découvertes scientifiques en
produits demandés par les marchés.

L'ingénieur dans la cité ne se contente pas de faire des calculs sur
commande. Il entre en synergie avec la société. Il prend son pouls. Il
observe, analyse les problèmes et s'engage à les résoudre. La
politique dans le domaine de la science et de la technologie a pour
objectif d'encourager ces synergies, de les soutenir et de les ancrer
dans nos institutions, à tous les niveaux.

La réforme des HES qui est en cours vise cet objectif : renforcer le
principe de l'ingénieur dans la cité. La mission des HES et leur
essence même est définie par les trois facettes de leur mandat :
formation et formation continue, recherche et développement, transfert
de technologies.

Il nous faudrait aussi améliorer la collaboration entre HES et écoles
polytechniques, favoriser les synergies entre ces institutions. Il
faudra probablement aussi se demander si certaines tâches ou certaines
fonctions ne doivent pas être transférées de l'une à l'autre, en
fonction de la vocation de chacune d'entre elles.

Ces exigences doivent être réalisées dans le cadre plus général d'une
société dont l'attitude à l'égard de la science et de la technologie
est ambiguë. Les opinions publiques sont fondamentalement favorables à
un effort accru en faveur de l'éducation, de la science et de la
recherche.

Mais parallèlement à cette attitude positive, on constate
périodiquement que nos sociétés se posent des questions existentielles
à l'égard de la science. On sent monter des bouffées d'angoisse chaque
fois qu'une avancée scientifique ouvre la porte à de nouvelles
possibilités que nos habitudes, nos critères moraux ou sociologiques
n'ont pas encore apprivoisées.

Or le progrès scientifique et toutes les institutions qui le
favorisent ne peuvent pas progresser sans un appui fort de l'opinion
publique. Cet appui est nécessaire tout simplement au départ pour
assurer les crédits, mais il est plus important encore pour assurer le
renouvellement des chercheurs, des enseignants et des techniciens. Il
faut que l'opinion publique tienne en estime savants et enseignants
pour que des jeunes doués choisissent ces carrières.

Mais pour cela, il faut que la science, le savant et l'ingénieur
soient ouverts sur la cité. Il faut que les enjeux scientifiques, les
débats civiques et éthiques qu'ils provoquent soient portés sans
démagogie sur la place publique. Un régime de démocratie directe comme
le nôtre est particulièrement apte à faciliter ce débat.

Je me souviens avec admiration de certaines discussions auxquelles
j'ai assisté lors de la campagne sur le génie génétique. Elles
démontraient un bon sens fondé une véritable culture civique. De tels
débats permettent de diffuser des connaissances, de créer ce fond de
compétence qui assure l'efficacité et la sagesse des décisions prises
en démocratie directe. Mais ce système ne peut fonctionner que si, là
aussi, les savants, les enseignants, les étudiants sortent des
citadelles universitaires pour participer au débat. L'ingénieur, pour
reprendre le thème d'aujourd'hui, doit être dans sa cité.

Le Professeur Pflug en fut un bon exemple. Il a fait œuvre civique et
pour cela, au nom de l'Etat, je le remercie.