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Loi sur l'aménagement du territoire

Seul le discours prononcé fait foi

Loi sur l'aménagement du territoire:
un coup de pouce aux efforts d'adaptation de l'agriculture
et non la porte ouverte au développement anarchique des constructions

Extrait du discours prononcé par
le conseiller fédéral Arnold Koller, chef du Département fédéral de
justice et police, lors de l'ouverture de la 56e OLMA, à Saint-Gall, le
8 octobre 1998

Appel

.....(Partie introductive)

Mesdames et Messieurs,

Les agricultrices et les agriculteurs sont, eux aussi, de plus en plus
appelés à devenir des entrepreneurs inventifs, car c'est la seule
manière pour eux d'affronter les formidables mutations que connaît
aujourd'hui l'agriculture. Ne pas reculer devant les défis du changement
et y voir au contraire une chance de développement requiert de la part
des paysannes et des paysans une bonne dose d'esprit d'innovation et de
foi en l'avenir. Ils n'ont d'ailleurs nulle leçon à recevoir dans ce
domaine, qu'ils connaissent mieux que quiconque. Mais les jeunes
agricultrices et agriculteurs surtout attendent à juste titre de la
politique qu'elle leur indique où mène ce voyage et exigent que les
changements nécessaires se fassent non point dans la hâte, mais de
manière prévisible et dans des délais convenables.

En axant l'évolution de l'agriculture suisse sur quatre lignes
directrices, le législateur a veillé, dans un laps de temps très court,
à créer cette transparence et à ménager des délais de transition
supportables.

Tout d'abord le droit foncier rural, qui empêche la spéculation dans la
zone agricole et encourage l'exploitation personnelle du sol selon la
devise "la terre à celui qui la cultive", a contribué, depuis l'entrée
en vigueur de la loi, à abaisser le prix du terrain d'un tiers au moins
et a permis ainsi de diminuer considérablement les coûts de production
de notre agriculture.

La deuxième ligne directrice est tracée par l'accord de l'OMC et son
souffle de libéralisation à l'échelle planétaire, que l'agriculture,
consciente de la nécessité d'ouvrir les marchés et dans un élan de
solidarité avec l'industrie et le secteur des services, a accepté sans
référendum. C'est là un point qui mérite d'être reconnu publiquement.

La troisième ligne directrice est définie par la Politique agricole
2002, qui concrétise l'article 31octies cst., accepté à une écrasante
majorité par le peuple et les cantons, le 9 juin 1996. Elle étend la
régénération de l'économie de marché au secteur agricole, accroît la
compétitivité de l'agriculture et stimule une production conforme à la
demande ainsi qu'aux préoccupations écologiques. Elle débouche sur une
plus forte création de valeurs qui limite d'autant les besoins de
paiements directs. En rejetant massivement l'initiative dite "en faveur
des petits paysans" lors de la dernière votation, le peuple a clairement
réaffirmé son soutien à cette conception de la politique agricole.

La quatrième ligne directrice ressortira de la révision de la loi sur
l'aménagement du territoire, qui réglemente les exigences d'aménagement
dans la zone agricole de manière à ce que l'agriculture puisse s'adapter
en souplesse à la transformation des conditions générales. Le référendum
lancé contre cette loi ayant abouti, avec 56'817 signatures, c'est au
peuple qu'il appartiendra de trancher en février prochain.

Quelles sont les incidences de la révision de la loi sur l'aménagement
du territoire sur l'agriculture et sur la protection du paysage ?

Premièrement, cette loi consacre le principe en vertu duquel l'habitat
reste l'habitat. De ce fait, elle tient compte, d'une part, des
conditions de vie réelles et, d'autre part, des exigences d'équité.
Aujourd'hui, une famille de paysans qui abandonne son exploitation est
contrainte, si le droit en vigueur est appliqué au pied de la lettre, de
quitter son habitation et de déménager dans un logement sis dans la zone
à bâtir. Conformément à la nouvelle loi, une telle famille sera
habilitée à demeurer au même endroit que précédemment. En outre, il sera
possible d'aménager un logement supplémentaire, de façon à pouvoir
proposer des "vacances à la ferme".

Deuxièmement, le revenu tiré de l'agriculture parvient de moins en moins
à assurer l'existence d'une famille de paysans. De nombreuses
exploitations agricoles dépendent ainsi d'un revenu accessoire. Sous
certaines conditions, une exploitation agricole doit donc pouvoir
affecter des constructions qui n'ont plus de vocation agricole à un
usage non seulement locatif, mais aussi artisanal. Dans le cadre
restreint de cette activité accessoire, un bâtiment d'économie agricole
pourra, par exemple, être transformé en un modeste atelier de menuiserie
ou de mécanique. Ce lien entre activité agricole principale et activité
artisanale accessoire n'a rien de nouveau; la tradition montre qu'il a
fait ses preuves. Sans le revenu accessoire provenant de la broderie, du
tissage, de la vannerie ou du finissage horloger, nombre d'exploitations
agricoles auraient, au siècle dernier déjà, été abandonnées en Suisse
orientale, en Argovie ou dans le Jura. Dans des périodes difficiles,
l'agriculture a donc survécu grâce à ses propres efforts et de concert
avec l'industrie et l'artisanat.

Troisièmement, toutes les constructions sises dans la zone agricole et
nécessaires à la production agricole sont jugées conformes à
l'affectation de la zone, indépendamment du genre de leur production.
Par conséquent, les constructions servant à une production non
tributaire du sol sont également autorisées dans le cadre de la
procédure ordinaire. Dans ce contexte, l'assise largement démocratique
de la procédure de planification garantit à toutes les personnes
concernées la possibilité de faire valoir à temps leurs préoccupations,
tout en accordant une importance particulière à la protection du
paysage. Il est ainsi possible d'empêcher efficacement tout
développement spatial indésirable.

Mesdames et Messieurs,

Contrairement aux allégations du comité référendaire, la révision de la
loi sur l'aménagement du territoire n'offre pas un blanc-seing à
l'urbanisation désordonnée du paysage. Ancré dans la constitution et
dans la loi, le principe selon lequel il faut distinguer les zones à
bâtir des zones non constructibles et tenir compte de la protection du
paysage est en l'occurrence pleinement respecté. La loi confère
cependant à l'agriculture une indispensable liberté dans un cadre
clairement défini. La révision de la loi sur l'aménagement du territoire
et la Politique agricole 2002 poursuivent les mêmes buts.

Notre agriculture est actuellement obligée de faire preuve de souplesse.
Elle est soumise à la pression croissante de la concurrence découlant du
démantèlement des freins à l'importation. Pour demeurer concurrentielle
au niveau européen, l'agriculture doit absolument adapter ses méthodes
de production au marché international. Nous ne saurions bien évidemment
exiger que notre agriculture s'aligne davantage sur le marché,
conformément à nos engagements envers l'OMC, sans aménager, dans notre
pays, les conditions générales indispensables au respect de ces
engagements. Pour demeurer ou devenir concurrentiels, nos agriculteurs
doivent donc être en mesure de générer, dans les zones agricoles,
d'autres produits que ceux tirés du sol. Car il serait manifestement
insensé d'importer des produits fabriqués hors sol à des centaines de
kilomètres de la Suisse et d'en interdire la production dans notre pays.

La révision de la loi sur l'aménagement du territoire entend précisément
rendre la chose possible. Mais elle ne conduira nullement à une
prolifération de serres et de fabriques d'animaux susceptibles de
défigurer le paysage.

Il appartient notamment aux cantons de peser soigneusement tous les
intérêts en présence et de réserver, en tenant compte de la diversité du
paysage, les grands espaces agricoles à l'agriculture classique, soit à
celle dont la production dépend du sol. Les installations
d'engraissement des animaux doivent en outre répondre aux exigences de
la loi sur la protection des eaux et aux prescriptions légales en
matière de protection des animaux. La politique de l'Etat en matière
agricole n'encourage par ailleurs que la production tributaire du sol.
Dans une économie de marché, il serait toutefois erroné de ne considérer
comme agricoles que les activités subventionnées par la Confédération en
fonction de critères écologiques. De plus, des installations de
production hors sol ne seront construites que si de tels produits
répondent à une véritable demande de la part des consommatrices et des
consommateurs.

Le revenu accessoire provenant d'une activité non agricole offre
davantage de souplesse à notre paysannerie. Un artisanat fort et bien
établi n'a rien à craindre, car les revenus complémentaires de
l'agriculture ne se font pas à son détriment.

De vertes prairies parsemées d'« îlots d'artisanat » sont exclues
aujourd'hui et le resteront demain aussi. Les entreprises artisanales
ont leur place dans les zones à bâtir et n'ont en principe rien à faire
sur les terres agricoles bon marché.

Pour le paysan, l'exploitation du sol doit comme jusqu'ici demeurer une
activité principale. Sans elle, il ne peut exercer une activité
artisanale dans la zone agricole. Il droit en outre gérer lui-même
l'ensemble de son exploitation, c'est-à-dire le volet agricole et le
volet non agricole de celle-ci. Il n'a pas la possibilité de construire
ou d'agrandir des bâtiments à des fins artisanales. De plus, les
prescriptions applicables à ces activités artisanales accessoires en
matière de protection de l'environnement, d'hygiène ou de sécurité au
travail sont exactement les mêmes que celles qui régissent les autres
entreprises artisanales. Enfin, les prescriptions strictes du droit
foncier rural excluent la possibilité de séparer purement et simplement
une entreprise annexe pour l'exploiter à la façon d'une industrie
artisanale autonome dans la zone agricole.

Les nouvelles possibilités d'affectation dans la zone agricole
représentent néanmoins une incitation importante à utiliser de façon
judicieuse des bâtiments dont la substance est encore bien conservée,
plutôt que de les laisser à l'abandon. Dans les endroits où des
constructions contribuent notablement à la spécificité du paysage - je
songe en particulier aux régions d'habitat dispersé, comme en Appenzell
ou dans le Toggenburg - la préservation du milieu bâti présente un
intérêt majeur, souvent aussi pour des considérations de protection du
paysage. La nécessité de prendre des mesures se fait pressante lorsque
l'on sait que le nombre des exploitations agricoles a passé, au cours de
ces dix dernières années, de quelque 99'000 à 79'500 environ, et que,
selon une étude du prof. Rieder, cette hémorragie se poursuivra à raison
de 1,5% par année. Il est également évident que les changements
d'affectation et les transformations de bâtiments qui en découlent
offrent de nouvelles perspectives au secteur de la construction en
particulier.

Les adversaires de la révision de la loi sur l'aménagement du territoire
prétendent que celle-ci conduira à un bétonnage anarchique du paysage.
Pour le Conseil fédéral, le risque de voir les changements d'utilisation
des bâtiments qui ne servent plus à des activités agricoles se faire en
dehors de la loi et sans direction précise constitue une menace plus
grande que celle d'une ouverture légale raisonnable, contrôlée et mise
en oeuvre de manière cohérente. En se fondant sur la conception d'une
agriculture multifonctionnelle, la loi fournit même une contribution
supplémentaire à la sauvegarde du paysage. Elle précise notamment que la
zone agricole sert non seulement à garantir les bases alimentaires mais
aussi, et c'est nouveau, à préserver le paysage et les espaces de
délassement ainsi que l'équilibre de l'environnement.

Mais la révision de la loi sur l'aménagement du territoire est également
un impératif économique. A une époque où des intérêts supérieurs
commandent de nouvelles coupes dans les subventions, elle offre un coup
de pouce aux efforts d'adaptation de l'agriculture. Il s'agit de
retrouver le sens des responsabilités et de l'initiative personnelles,
ainsi que de supprimer les obstacles à la créativité. De ce point de
vue, la loi révisée sur l'aménagement du territoire ouvre de nouvelles
perspectives économiques à notre paysannerie.

Finalement - et en tant que chef du Département fédéral de justice et
police, il est normal que j'y attache une importance particulière - il
s'agit de rétablir la sécurité du droit, là où elle n'est pas ou
qu'insuffisamment garantie. Car aujourd'hui, entre la pratique et la
loi, le fossé se creuse malheureusement toujours plus. Et cela nous ne
devons ni ne pouvons le tolérer sans réagir. Nous ne pouvons pas non
plus laisser cette tâche aux seuls tribunaux. Leur rôle est de rendre la
justice dans les cas d'espèce. C'est au législateur qu'il incombe de
définir les principales lignes directrices. La révision apporte la
clarté nécessaire et dessine de façon nette et transparente les limites
de ce qui est désormais permis.

Mesdames et Messieurs,

La loi sur l'aménagement du territoire offre un coup de pouce aux
efforts déployés par l'agriculture. Elle fait partie de la Politique
agricole 2002 qui est axée sur l'avenir et soutenue par la majorité du
peuple. Elle n'est pas un blanc-seing au profit personnel immodéré. Au
contraire, elle constitue un acte solidarité avec l'agriculture
confrontée à de perpétuelles mutations. Elle représente aussi un
judicieux compromis entre les exigences d'une souplesse aussi grande que
possible et les barrières obsolètes qui s'opposent aux changements.

... (Partie conclusive).