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CONFOEDERATIO HELVETICA
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La poursuite pénale de criminels de guerre

Keywords : documentation pour la presse, auditeur en chef, poursuite pénale,
criminels de guerre, droit international, DMF

(Ti) La poursuite pénale de criminels de guerre
(documentation, mars 1996)

(Ld)

(Tx)) 1. Bases du droit des gens

La Suisse a ratifié les accords internationaux relatifs au droit des gens en
temps de guerre suivants:

- Convention de la Haye du 18 octobre 1907 concernant les lois et
  coutumes de la guerre sur terre (CGT), entrée en vigueur pour la Suisse le 11
  juillet 1919;

- Protocole de Genève du 17 juin 1925 concernant la prohibition d'emploi
  à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens
  bactériologiques (PDG), entré en vigueur pour la Suisse le 12 juillet 1932;

- Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des
  blessés et des malades dans les forces armées en campagne (CBM), entrée en
  vigueur pour la Suisse le 1er octobre 1950;

- Convention de Genève du 12 août 1949 pour l'amélioration du sort des
  blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer (BMM), entrée
  en vigueur pour la Suisse le 21 octobre 1950;

- Convention de Genève du 12 août 1949 relative au traitement des
  prisonniers de guerre (CPG), entrée en vigueur pour la Suisse le 21 octobre
  1950;

- Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des
  personnes civiles en temps de guerre (CPC), entrée en vigueur pour la Suisse
  le 21 octobre 1950;

- Convention de la Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens
  culturels en cas de conflit armé (CBC), entrée en vigueur pour la Suisse le 15
  août 1962.

Les quatre Conventions de Genève - comme d'ailleurs la Convention de la Haye -
obligent les parties contractantes à veiller à la protection pénale des
dispositions conventionnelles. Les normes correspondantes se trouvent dans
l'art. 49 CBM, l'art. 50 BMM, l'art. 129 CPG, l'art. 146 CPC et l'art. 28 CBC.
Dans le détail, il incombe à chaque partie contractante:

- de prendre toute mesure législative nécessaire pour fixer les sanctions
  pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l'ordre de
  commettre, l'une ou l'autre des infractions graves à la convention;

- de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de
  commettre, l'une ou l'autre des infractions graves à la convention, et de les
  déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité, ou, si elle
  le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, de les
  remettre pour jugement à un autre Etat contractant intéressé à la poursuite,
  pour autant que cet Etat contractant ait retenu contre lesdites personnes des
  charges suffisantes.

Sont réputées infractions graves à la convention, entre autres, l'homicide
intentionnel, la torture, les traitements inhumains, le fait de causer
intentionnellement de grandes souffrances, les atteintes graves à l'intégrité
physique ou à la santé (cf. art. 50 CBM, art. 51 BMM, art. 130 CPG, 147 CPC).

Avec la signature des accords internationaux, la Suisse s'est donc engagée,
d'une part, à créer les bases légales pour la poursuite pénale en cas
d'infractions à ces conventions et, d'autre part, à garantir la poursuite
pénale dans les cas d'espèce.

2. Concrétisation de l'obligation de droit international en Suisse

Le Code pénal militaire du 13 juin 1927 connaissait certes des dispositions
pénales en rapport avec les infractions au droit des gens, mais ne prévoyait
leur application qu'en temps de guerre, c'est-à-dire seulement si la Suisse se
trouvait elle-même en guerre ou en danger imminent de guerre.

Les conventions conclues après la Seconde Guerre mondiale ont exigé une
adaptation de la législation, qui a été mise en oeuvre avec la révision du Code
pénal militaire selon la Loi fédérale du 5 octobre 1967, en vigueur depuis le
1er mars 1968 (RO 1968 228 238; FF 1967 I 605). Il résulte clairement du
message du Conseil fédéral qu'il existait la volonté d'adapter le droit
national dans toute son étendue aux exigences des accords internationaux. A cet
égard, il est d'une importance particulière que l'on s'est consciemment écarté
de la solution consistant à ne poursuivre et sanctionner des infractions aux
conventions que lorsque la Suisse se trouvait elle-même en guerre ou en danger
de guerre. Le champ d'application des art. 109 ss. CPM a été étendu à tous les
conflits armés, et l'art. 108, 2è al., CPM prévoit spécifiquement que la
violation d'accords internationaux sera punissable si les accords prévoient un
champ d'application plus étendu (que les guerres déclarées et d'autres conflits
armés). Cette circonstance est importante en cas de conflits ne présentant pas
un caractère international (cf. art. 3 commun aux Conventions de Genève et art.
19 de la Convention de la Haye).

Le contenu des accords internationaux - selon lequel les Etats contractants
s'engagent à faire poursuivre les infractions aux conventions par leurs propres
tribunaux le cas échéant - s'est également traduit dans le message du Conseil
fédéral, ainsi lorsqu'il est dit que la mesure de la peine en cas de violation
du droit des gens devait être adaptée, car à défaut d'une telle adaptation une
personne commettant des crimes de guerre à l'étranger sans que la Suisse se
trouve elle-même en guerre en en danger de guerre pourrait, dans certaines
circonstances, ne pas être punie de manière adéquate (FF 1967 I 609). C'est
dans le même rapport qu'il convient de voir le complètement de l'art. 2 CPM
avec un nouveau ch. 9, lequel soumet au droit pénal militaire les civils qui, à
l'occasion d'un conflit armé, se rendent coupables d'infractions contre le
droit des gens. L'introduction de ce chiffre est justifiée dans le message par
l'obligation de la Suisse de rechercher les personnes qui se sont rendues
coupables d'avoir commis l'une des violations graves décrites dans les
conventions et de les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur
nationalité, ou de les remettre pour jugement à un autre Etat contractant
intéressé à la poursuite judiciaire conformément aux conditions prévues par son
propre droit (FF 1967 I 610).

En résumé, il convient de constater que la Suisse a réalisé consciemment la
transposition de ses obligations de droit international dans le droit national
et qu'à cet égard il a été procédé intentionnellement à l'assujettissement des
infractions de cette nature respectivement des auteurs au droit pénal
militaire. Dans cette situation ne se pose aucun problème d'interprétation.

Un autre problème est de savoir dans quelle mesure des procès contre des
personnes accusées d'avoir violé des conventions de droit international peuvent
être engagés avec succès en Suisse. Il faut observer que dans la pratique se
présentent des difficultés notables au niveau des preuves lorsque des
infractions sont en discussion, lesquelles ont été commises à l'étranger où, en
outre, sévissent des troubles de guerre. Ces problèmes et d'autres difficultés
ne doivent toutefois pas aboutir à la solution consistant à ne pas tout
entreprendre, dans le cas d'espèce, pour faire respecter les conventions
internationales que la Suisse a signées.

3. Procédure pénale et extradition

Dans son message aux Chambres fédérales, le Conseil fédéral fait observer que
les personnes qui se sont rendues coupables d'infractions graves aux accords
internationaux à l'étranger seraient, certes, extradées dans le cas normal.
Ainsi, il est clair que l'extradition (si les conditions sont remplies) a la
priorité sur la mise en jugement en Suisse. Cependant, c'est à juste titre que
le Conseil fédéral signale également que l'extradition n'est pas possible ou
admissible dans tous les cas, et il conviendrait d'ajouter que dans certaines
circonstances un Etat en soi intéressé à la poursuite pénale renonce, pour une
raison ou pour une autre, à la production d'une requête d'extradition. La
circonstance selon laquelle la poursuite pénale dans le propre pays doit être
entreprise subsidiairement à l'extradition à un Etat tiers intéressé ne doit
pas avoir pour conséquence que les autorités judiciaires suisses demeurent
inactives dans un cas concret et attendent une demande d'extradition. Si la
Suisse veut assumer ses obligations de droit international, elle doit en
premier lieu prendre les mesures nécessaires en matière de droit pénal dans le
but de mettre la main sur l'accusé et d'élucider les circonstances du fait qui
lui est reproché. En revanche, elle doit suspendre ces investigations (et, le
cas échéant, placer l'auteur présumé en détention en vue de l'extradition) dès
qu'une requête d'extradition est produite.

4. Tribunaux internationaux de l'ONU

Depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral urgent concernant la coopération
avec les Tribunaux internationaux chargés de poursuivre les violations graves
du droit international humanitaire, la coopération entre la Suisse et ces
Tribunaux est devenue une institution. Désormais, une base légale permet aux
autorités de poursuite pénale helvétiques de transmettre les renseignements et
les moyens de preuves récoltés lors de leurs enquêtes aux Tribunaux
internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda. Cette transmission
d'informations permet aux Tribunaux internationaux de compléter leurs enquêtes
en cours ou d'en ouvrir de nouvelles, et éventuellement de demander encore
davantage de renseignements et de preuves à la Suisse par une demande
d'entraide judiciaire.

L'arrêté fédéral urgent permet également aux Tribunaux de demander en leur
faveur le dessaisissement des juridictions suisses qui mènent une procédure
pour violation du droit pénal humanitaire. Cette demande n'est acceptée que si
elle porte sur les mêmes faits que ceux qui font l'objet de la procédure pénale
en suisse, et si l'infraction relève de la compétence du Tribunal
international. Dans le cas d'une procédure pénale militaire, il appartient au
Tribunal militaire de cassation d'examiner si ces deux conditions sont
remplies.

L'Office de l'Auditeur en chef et les Tribunaux internationaux échangeaient
déjà des informations bien avant l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral
urgent; cette coopération se basait sur la déclaration du Conseil fédéral
visant à appliquer les Résolutions Nr. 827 et 955 de façon autonome. Cet
échange d'informations a naturellement été renforcé par l'arrêté.

Pour l'instant, il n'y a encore eu aucune demande de dessaisissement des
juridictions suisses en faveur des Tribunaux internationaux.